Home GouvernancePolitique Au Mali, la chute dans « l’état de nature » est consommée

Au Mali, la chute dans « l’état de nature » est consommée

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La société malienne est en constante ébullition avec les lots de violations des droits de l’homme. Les faibles cherchent en vain le protectionnisme de l’État, mais constatent en fin qu’au lieu de les protéger, c’est l’État lui-même qui devient leur ennemi.

Tirs à balles réelles sur les populations, assassinats ciblés, favoritisme, guerres terroristes, etc. Les marqueurs de l’état de nature hobbesien sont palpables au Mali. L’homme malien est devenu un loup pour son prochain. Chacun est laissé à son sort. Dans cet état imaginaire, considéré comme l’âge primitif de l’humanité (avant la réunion des hommes en société), Thomas Hobbes montre que la seule loi légitime est la loi du plus fort.

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La force était la seule loi qui valait dans cet état. Aucune pitié, aucune possibilité de propriété exclusive sur nos biens gagnés pourtant à la sueur de notre front. Tant qu’il existera un autre homme plus fort que moi et qui convoiterait mes biens, je ne pourrais jamais espérer sur la paix. Le seul sentiment qui animait les hommes était la crainte. Puisque c’est un état de « guerre de tous contre tous », chacun se devait protection. Nul ne pouvait compter sur l’autre.  

Rechute du Mali dans l’état de nature

Le Mali d’aujourd’hui n’a rien à envier à cet état primitif de Hobbes. Les assassinats ciblés se multiplient de plus en plus. Ces assassins ciblent généralement les gens les plus fortunés comme ce fut le cas de Mohamed Ibrahim dit Hamba à Tombouctou le mercredi 6 mai 2020. Un riche commerçant tué jusque chez lui avant d’emporter son véhicule. Ces assassins ciblent également des mineurs ou encore des gens sans aucune défense. Ils les tuent et tout porte à croire qu’ils emportent leur sang et/ou organe. Les crimes rituels prennent des proportions de plus en plus craintives notamment à Fana, dans la deuxième région du Mali, Koulikoro.

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Au centre du Mali également, notamment dans la région de Mopti, règne une « guerre intercommunautaire ». Ces genres de crimes de lèche majesté, où des populations innocentes sont prises pour cibles de gens qui disposent d’une plus grande force qu’elles, existent également. Souvent, ils emportent leurs biens. Dans cette zone, des villages entiers ont été décimés à travers de telles pratiques. D’autres se sont vidés de leur population simplement par peur de représailles. 

Le Mali est devenu finalement cette jungle où le faible est condamné à disparaître ou doit se préparer pour ne pas disparaître. En effet, nul autre espoir. Car les forces armées censées assurer la protection de tous contre ses ennemis se muent également en ennemis. Elles sont de plus en plus pointées du doigt dans maintes exactions contre les civiles. Le samedi 2 mai 2020, nous avons appris le cas du camp des réfugiés maliens de Mentao au Burkina Faso. Un camp attaqué par des forces de sécurité burkinabè faisant une trentaine de blessés. Au centre du Mali également, les armées sont pointées dans les mêmes genres d’exactions. Mais des sanctions tombent rarement.

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Qu’en est-il du cas le plus récent et qui a choqué toutes les sensibilités : l’usage de balles réelles sur des manifestants à Sikasso le jeudi 7 mai 2020 ? Des populations sorties pour montrer leur mécontentement face aux résultats définitifs des législatives proclamés par la cour constitutionnelle. En dehors de tous ces aspects, au Mali, les plus forts se rassemblent et transforment la vérité du faible en mensonge.

Règne d’une apparence de démocratie

Si dans l’état de nature, aucune possibilité de propriété privée n’existe en sécurité, même les femmes étaient communes, reconnaissons que le Mali d’aujourd’hui répond hautement à cette description. Le viol de filles innocentes est une pratique qui sera bientôt érigée en vertu, un fait avec lequel les auteurs se vanteront, si ce n’est pas déjà le cas. Une telle société a quelle caractéristique d’humanisme ?

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Le plus marrant est le fait de soutenir dans un tel État le règne de la démocratie donnant la souveraineté au peuple, à la majorité : les faibles. Un régime dont le créneau n’est autre que la protection des faibles contre l’exploitation des plus forts, des riches. Comme pour dire un régime qui met un terme au règne de cet état de nature, de barbarie, auquel nous assistons malheureusement au Mali. Doit-on continuer à soutenir l’existence d’un régime démocratique au Mali ? De prime abord, non. Le protectionnisme de l’état fait défaut. Le choix du peuple souverain est rarement suivi. Les successions à la tête de l’État se font rarement de façon pacifique. Le Mali vit plutôt sous une apparence de démocratie. 

La COCEM avait remarqué et recommandé

Au sujet des résultats définitifs des législatives proclamés par la cour constitutionnelle, la Coalition pour l’observation indépendante des élections au Mali (COCEM) a bien attiré l’attention de cette Cour ainsi que des autorités politiques sur plusieurs contradictions entre l’arrêté et l’annexe du même arrêté publié par la Cour au sujet des résultats. À travers ce communiqué du 6 mai 2020, la COCEM invitait la Cour à une explication des écarts de chiffres afin d’éviter d’éventuelles violences post — électorales.  Mais les autorités ont préféré bouder les oreilles. Ce jeudi 7 mai 2020, la Cour constitutionnelle rejette d’un revers de main toutes les requêtes introduites pour rectification pendant que les manifestants à Sikasso se faisaient tirer à balles réelles. 

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Ces pratiques sont loin d’être démocratiques. Elles compromettent toute possibilité de développement pour une nation. Dans la violation des lois de la République, il ne faut point espérer sur un développement possible. Mais que les autorités maliennes sachent qu’elles seront appelées devant le tribunal de l’histoire même si leur conscience, si elles en ont, ne les interpelle point.

Togola

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