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Reprise des cours : des administrateurs scolaires s’en profitent bien

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La reprise des cours dans les classes d’examen a été pour certains administrateurs des écoles privées une occasion pour rouvrir les portes de toutes leurs classes. Une ouverture qui constitue une violation de la décision gouvernementale.

C’est la brise matinale. Depuis le toit d’une maison, nous apercevons de petits enfants sortir des rues et ruelles. Certains sont habillés en tenue scolaire, d’autres non. Mais tous portent des sacs sur le dos. Ils sont tous des élèves d’une école fondamentale privée de la zone. Un établissement qui se profitent de la reprise des cours au niveau des classes d’examen pour accueillir les enfants du jardin d’enfants jusqu’à ceux de la classe de 6e.

De la violation des lois

Au Mali, la violation des lois de la république semble s’ériger en norme. Alors que le gouvernement a décidé de la reprise des cours pour les classes d’examens, certains responsables scolaires s’en profitent pour rouvrir toutes leurs classes. « En effet, des rapports de supervisions de certaines directions nationales, il ressort que des promoteurs privés ont décidé de rouvrir toutes les classes de leurs écoles respectives, et ce du préscolaire à l’enseignement supérieur », souligne le secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Kinane Ag Gadeda, dans une correspondance adressée aux directeurs et directrices d’académie le 10 juin 2020.  

Ni masque ni distanciation physique dans les minuscules salles de classe, les apprenants sont réunis par des administrateurs scolaires.

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Dans une école fondamentale privée de Kabala, quartier périphérique au sud-est de la capitale, depuis le premier jour de la reprise des cours, le 2 juin 2020, les enfants sont en classe, nous confient des témoins rencontrés aux alentours dudit établissement.

Pour assouvir notre curiosité, nous nous sommes rendus audit établissement pour constater l’effectivité de cette reprise. Sur place, c’est la crainte qui s’empare de nous en voyant les élèves entassés dans cette petite salle de classe comme si nous étions dans une période normale.

Cette situation nous amène à nous intéresser à d’autres établissements. C’est ainsi que nous avons constaté le même scénario dans une autre école privée du même quartier. « Nous avons souhaité occuper les enfants pour éviter qu’ils perdent les notions qu’ils ont apprises avant la fermeture des classes », nous répond un administrateur de cet établissement à la question si c’était finalement le gouvernement qui avait autorisé la reprise pour toutes les classes.

Les autorités dénoncent cette violation

Interrogé sur la question, le directeur du centre d’animation pédagogique (CAP) de Kalabancoro, Abdoulaye Koné nous confie : « Ces écoles qui ouvrent leurs portes en violation des textes, c’est juste pour avoir de l’argent afin de payer leurs enseignants ».

Toutefois, M. Koné reconnait qu’elles agissent illégalement et qu’il déploiera tous les moyens pour s’assurer de la fermeture de toutes ces écoles. Une fermeture que nous avons bien constatée le lendemain de notre entretien.

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L’illégitime de ces ouvertures des salles de classe est confirmée par Sékouba Samaké, chargé de communication au ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Selon celui-ci, la décision du ministre est claire : c’est seulement les classes d’examen qui sont autorisées à reprendre les cours à partir du 2 juin 2020 avec à la clé la mise en œuvre de certaines mesures barrières. Ces mesures sont entre autres : le port du masque, la répartition des élèves 25 par classe, soit un élève-un table-banc, le lavage obligatoire des mains au savon, l’interdiction de regroupement des élèves, etc. « C’est le Mali, les gens se plaisent à désobéir aux lois », déplorent-ils.

Dans sa lettre aux directeurs et directrices d’Académie, le secrétaire général du ministère en charge des questions éducatives laisse comprendre : « Cette attitude est de nature à compromettre tous les efforts fournis par le département dans le cadre de la lutte contre la covid-19 non seulement en milieu scolaire, mais aussi au sein de la population. » Le ministère instruit aux directeurs d’académie d’effectuer des « visites inopinées dans les écoles privées » de leurs circonscriptions pour s’assurer du respect de la décision du gouvernement pour la réouverture des classes.

Faut-il en vouloir à ces écoles ?

Ces écoles privilégient certes leurs intérêts personnels au détriment de la santé des milliers d’apprenants, mais la responsabilité est partagée sur la situation. Depuis la fermeture de ces écoles, le 17 mars 2020, ces écoles sont restées sans accompagnement de l’État. « Nous faisons face à d’énormes problèmes de trésorerie qui risquent de mettre en péril nos entreprises », font savoir les syndicats des écoles privées dans une correspondance adressée au chef d’État, Ibrahim Boubacar Kéita, le 13 mai 2020. Une correspondance restée sans réponse. Or, ces écoles dépendent aussi des frais scolaires et/ou des subventions que leur paient les parents d’élèves à la fin de chaque mois ou l’État. Des sommes qui leur permettent de payer leurs enseignants. Cette reprise illégale est une occasion pour elles de se faire de l’argent pour faire à leurs dépenses.

F. Togola  

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