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De Ménaka à Kidal : en quête de sécurité

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À Ménaka, au Mali, la dégradation de la situation sécuritaire a contraint environ 54 000 personnes à quitter les lieux. Vivant principalement d’élevage et de maraîchage grâce à la marre de la ville, elles affluent pour la plupart vers la commune voisine de Kidal, une région pastorale de plusieurs milliers d’habitants où les conditions de vie restent rudes.

Sous sa tente de fortune, en plein dans le Sahara malien, Almouner observe l’engouement des siens autour de la distribution d’aide en espèces en cours, organisée par le Comité international de la Croix-Rouge. Tous sont ravis car, avec cet appui, ils vont pouvoir acheter de la nourriture, des nattes, des couvertures et quelques ustensiles de cuisine. Le regard lointain, nostalgique de son Ménaka, ce grand-père de 80 ans n’aurait jamais pensé devoir fuir sa région pour une autre sans moyens de subsistance et où l’avenir s’annonce autrement difficile.

Apeurés et paniqués

« On ne sait pas de quoi demain sera fait. Nous avons dû laisser nos biens et notre bétail derrière nous, et il faut prendre soin des enfants », confie-t-il.
Habituée à l’afflux de nouveaux arrivants depuis plusieurs semaines, ici, la population hôte d’Achibagho partage avec ces personnes déplacées le peu qu’elle a. Cependant, tous le savent, cette situation n’est pas tenable.
« De nos jours, les temps sont durs pour les communautés et leurs bétails. Nous manquons d’eau, de nourriture, de pâturage et beaucoup d’autres choses. Il est très difficile pour nous de supporter une pression supplémentaire », affirme Ibrahim, un habitant.

Arrivés à Achibagho, à Kidal, avec pour unique bien les vêtements qu’ils portaient, Almouner et sa famille, comme des milliers d’autres personnes déplacées, sont dorénavant dépendants de la bonne volonté des hôtes et de l’aide humanitaire. C’est avec un traumatisme que l’octogénaire se souvient de cette triste nuit où tout a changé pour eux.

« Nous avions à peine entamé notre dîner quand les tirs d’armes ont retenti à l’entrée du camp, raconte-t-il. Apeurés et paniqués, nous nous sommes faufilés à travers les arbustes. Quand nous avons constaté une certaine accalmie, nous avons réalisé que Fatima, ma belle-fille, avait disparu. Désemparés et tourmentés, on a marché 30 kilomètres avant d’atteindre un campement. Grâce à deux ânes que nous avons reçus là-bas, nous avons pu rejoindre le cercle d’Achibagho quelques heures après. »

Fatima, qui avait suivi un autre groupe de personnes déplacées jusqu’à Achibagho, a retrouvé sa famille deux semaines après au grand bonheur de tous. Cependant, à Kidal, d’autres défis les attendent.

Une région d’accueil aride et fragilisé

La commune de Kidal s’étend sur 260 000 km2 du Sahara au Sahel et est entièrement désertique avec des conditions de vie très rudes. On y retrouve des acacias, des balanites et d’autres arbustes typiques de la région de l’Adrar des Iforas. En cette période d’hivernage, la pluie tombe pour la quatrième fois sur la ville et les températures varient entre 45 et 46 °C. Ici, on compte approximativement 21 000 personnes déplacées de Ménaka.
Autrefois foyer des tensions, la région est entièrement située dans la zone agroclimatique saharienne, où les moyens de subsistance des populations sont, pour l’essentiel, l’élevage, le commerce et un peu de maraîchage. Ces activités sont aujourd’hui mises à mal. La région est relativement calme maintenant, mais les vestiges laissés par le conflit passé restent importants et affectent des milliers de personnes. À ceci s’ajoutent les aléas dus au changement climatique.

Le Mali fait en effet parti des 25 pays les plus fragiles face au changement climatique, d’après l’indice ND-Gain. Ce phénomène vulnérabilise davantage les populations en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, d’accès à l’eau et à la protection.

« La pluviométrie est déficitaire, le tarissement des puits est de plus en plus précoce et les écarts de température sont importants. Ces états ont engendré une diminution importante des zones de pâturage et de la masse fourragère disponibles, provoquant ainsi des migrations précoces des populations vers des endroits plus propices pour survivre. On remarque une concentration autour des points d’eau existants (marres, puits, forages, etc.), ce qui peut provoquer des tensions. Et c’est pareil sur les sites d’accueil », explique Fatogama Traoré, délégué au programme Eau et Habitat du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

À ces problèmes s’ajoute encore l’accès restreint aux services sociaux de base. Les centres de santé communautaire sont tous déserts : un seul centre de référence fait office d’hôpital pour toute la région. En outre, la plupart des écoles sont non fonctionnelles. Des milliers d’enfants
n’ont jamais eu la possibilité d’aller à l’école et des milliers d’autres sont déscolarisés.

Surmonter les épreuves pour reconstruire un avenir

Malgré toutes ces contraintes, pour Almouner et les autres personnes déplacées, il est pour l’heure inimaginable de retourner à Ménaka. Entre se retrouver au cœur des affrontements ou vivre à Kidal, le choix est vite fait. Il faut désormais faire avec les défis de ce nouvel environnement et espérer s’en sortir.

Actuellement, ces populations font paître les bétails de leurs hôtes en contrepartie de lait ou encore de denrées. Cette activité leur permet de gagner en autonomie, car il est impossible pour elles d’envisager de rester dépendantes de l’aide humanitaire. Elles réfléchissent ainsi aux voies et moyens pour se reconstruire, en espérant un jour s’affranchir complètement de l’aide extérieure.

Alléger la souffrance des populations grâce à l’aide humanitaire

Pour réagir face à ces difficultés qui pèsent sur ces populations, le Comité international de la Croix-Rouge développe plusieurs activités pour les soutenir. Nonobstant les réponses apportées, beaucoup reste à faire. L’espace humanitaire rétrécit de plus en plus alors que les besoins s’intensifient à mesure que les déplacements augmentent. C’est pourquoi le CICR appelle toutes les parties au conflit à favoriser l’acheminement de l’aide humanitaire et leur demande d’encourager à soutenir les activités humanitaires.

Source : CICR


Notre rédaction a apporté quelques modifications au texte

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