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Tunisie : propos « racistes », enquête indépendante et demande d’excuse

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Des organisations de défense des droits humains condamnent les propos du président tunisien, se mobilisent et appellent à l’ouverture d’une enquête indépendante en Tunisie sur la flambée de violence. Elles estiment que les migrants subsahariens méritent des excuses bien que le mal ait déjà été fait.

Arrestations et détentions arbitraires, agressions, expulsions de leur logement, licenciement abusif, tel est le sort des migrants subsahariens depuis les propos du président tunisien, le 21 février 2023. Cette flambée de violence risque d’être particulièrement difficile et dangereuse pour les migrants les plus vulnérables, comme les « sans-papiers, qui ne semblent pas être concernés par les mesures d’urgence annoncées », craignent la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses 78 organisations membres en Afrique subsaharienne, au Maghreb et au Moyen-Orient, dans une déclaration conjointe, le 9 mars dernier.

Complot pour le « grand remplacement »

Présidant une réunion du Conseil de sécurité nationale, « consacrée aux mesures urgentes qui doivent être prises pour faire face à l’arrivée en Tunisie d’un grand nombre de migrants clandestins en provenance d’Afrique subsaharienne », le président tunisien Kais Saied a chargé les migrants venant de cette région africaine. Il a tenu des propos très durs sur l’arrivée de « hordes des migrants clandestins » dont la présence en Tunisie est selon lui source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables » et insisté sur « la nécessité de mettre rapidement fin » à cette immigration.

Il a soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ». Il évoque donc un complot pour le « grand remplacement » afin de la transformer la Tunisie en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».

Depuis cette annonce, les migrants venus d’Afrique subsaharienne dorment un œil ouvert. Leur situation est devenue plus difficile. Saadia Mosbah, présidente de M’nemty, une association qui combat les discriminations raciales en Tunisie, explique que « la stigmatisation se fait par la couleur de la peau, et par conséquent même certains Tunisiens noirs se font agresser comme c’est arrivé à l’un d’entre eux à Sfax ».

La loi organique n° 2018-50 du 23 octobre 2018

Beaucoup de migrants subsahariens tentent de retourner en urgence dans leur pays d’origine. Certains pays de la région, comme le Mali et la Côte d’Ivoire, ont commencé à rapatrier leurs ressortissants. Près de 300 Maliens et Ivoiriens ont rejoint, le 4 mars dernier, leurs pays, après avoir été rapatriés en avion de Tunisie pour fuir des agressions et des manifestations d’hostilité.

Tout en exhortant l’État tunisien à respecter les instruments régionaux et internationaux de protection des droits humains qu’il a librement signés et ratifiés, la FIDH rappelle que ces violences sont condamnées et sanctionnées par la législation tunisienne. Cette organisation de défense des droits de l’homme évoque surtout la loi organique n° 2018-50 du 23 octobre 2018, relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ce qui avait fait de la Tunisie le premier pays du Maghreb à s’être doté d’une législation antiraciste.

Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH, invite les autorités tunisiennes à ouvrir « une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur les violations subies par les migrants subsahariens, établir les responsabilités et rendre justice aux victimes. C’est une urgence absolue. La lutte contre l’impunité pour les violations des droits humains doit être au cœur de l’action de l’État tunisien, quelles que soient les victimes et les responsables. »

« Le mal est fait »

Kais Saied a évoqué, devant le président des Chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), de passage par Tunis, une « déformation de ses propos ». Il assure croire aux valeurs africaines d’union, d’accueil et de respect et s’engage à les préserver, a rapporté Umaro Sissoco Embaló. Le 5 mars 2023, le Président Saïed avait appelé à l’apaisement sans présenter d’excuses. Selon la FIDH, « le mal est fait ».

Cette situation a conduit l’Union africaine à reporter à une date ultérieure une conférence panafricaine qui devait se tenir prochainement à Tunis. La Banque mondiale a quant à elle annoncé récemment sa décision de suspendre son cadre de partenariat avec la Tunisie.

Chiencoro Diarra

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