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[Tribune] Démocratie : ces trois artifices d’accession et de conservation du pouvoir

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Les circonstances de l’agression contre le président de la Transition malienne, Assimi Goïta, entretiennent de nombreuses zones d’ombre. Sont-ce des artifices d’accession et de conservation du pouvoir ?

« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir », écrivait l’intellectuel français Jean-Jacques Rousseau, dans son ouvrage Du Contrat social. Pour l’acquisition et la conservation du pouvoir, les hommes font recours à différentes méthodes, parmi lesquelles la violence.

Trois artifices d’accession et de conservation

L’usage de la violence, qui semble être la première méthode expérimentée par les hommes politiques, est de nos jours le plus prohibé. Car la force, qui était considérée autrefois comme signe de bravoure, est devenue réductrice des autres à l’état d’esclave. Une pratique inacceptable à notre siècle, en raison des nombreux textes défendant les droits humains.

La manière la plus plébiscitée, durant ces dernières années, tant pour l’accession au pouvoir que pour sa conservation, est l’approbation du peuple dans sa grande majorité. Accéder au pouvoir selon les principes de la démocratie et être jugé suivant les mêmes principes.

Le peuple, dans sa majorité absolue, choisit ses gouvernants en toute indépendance. Toutefois, à l’ombre de cette méthode se cache une autre procédure visant à avoir les faveurs de ce peuple. Cette méthode prend de plus en plus de l’ampleur, sans que cela ne gêne plus autant. Elle consiste à se faire passer pour une victime d’agression ou de complot, n’ayant d’autre finalité que de déstabiliser l’État. Elle consiste à user de la malice pour avoir la compassion, la faveur et l’approbation d’un nombre important du peuple pendant l’exercice du pouvoir.

Les pouvoirs fragilisés, dans les pays tourmentés, sont ceux qui usent le plus souvent de cette dernière procédure. Cette malice est celle à travers laquelle passent ces hommes pour se faire pardonner de leurs péchés.

Agression contre le président de la Transition

Cette procédure est généralement utilisée par des hommes qui se sont hissés au sommet de l’État, à travers des moyens non conventionnels. Les militaires qui ont fait irruption sur la scène politique malienne, depuis le 18 août 2020, et qui n’ont pas une large base politique susceptible de donner une meilleure visibilité à leurs actions, font partie des catégories d’hommes qui me semblent utiliser cette méthode. Nous avons également les populistes, qui aspirent à accéder au sommet de l’État.  

Le poids que l’attaque au couteau a donné à Jair Bolsonaro aux yeux des électeurs, pendant la campagne présidentielle brésilienne en 2018 est une illustration parfaite de cette méthode. Le changement de perception sur Dioncounda Traoré en 2012 au Mali, après qu’il a été agressé physiquement par une horde humaine à Koulouba, en est un autre cas d’usage de cette procédure de séduction.

L’agression au couteau, dont a été victime le président de la transition malienne, Assimi Goita, dans la grande mosquée de Bamako, durant la prière de l’Aïd al-Adha, peut également se situer dans la même loge de séduction du peuple malien, pour se faire accepter.

Des interrogations

Cette histoire de tentative d’assassinat donne à croire à un scénario monté de toute pièce. L’homme, qui a dirigé deux coups d’État en moins d’une année, pourrait ainsi apparaître, dans la conscience collective des Maliens, et même au-delà, comme une personne dont la vie a été menacée dans l’exercice de ses fonctions. Une personne qui ne recule pas devant des mécontents qui veulent déstabiliser le Mali. Un chef qui n’a pas peur d’assumer sa fonction de président malgré les menaces qui planent sur sa tête.

Cette histoire d’agression pourrait bien être une invention visant aussi à préparer l’esprit des Maliens à accepter une éventuelle prorogation de la durée de la transition.

La qualification de l’acte d’« une action isolée » a permis au chef de l’État d’être au centre de l’actualité et d’avoir le soutien d’un nombre important de Maliens auprès desquels il n’était pas plébiscité d’une manière extraordinaire. De bourreau, l’homme en treillis militaire, qui n’inspirait pas une grande confiance, est passé, en une once de seconde, à une victime aux yeux du peuple. Une personne qui devrait être soutenue.

Cette agression contre le chef d’État malien laisse en plan de nombreuses questions en rapport à la sécurité présidentielle, à l’usage des smartphones dans les mosquées, et même de l’identité de l’agresseur. Les circonstances de la mort de l’agresseur restent également assez floues.

La Commission nationale de défense des droits de l’homme (CNDH) a haussé le ton en demandant une enquête sur les circonstances de la mort de l’agresseur.

Mikailou CISSE


Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Sahel Tribune

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