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Médias au sahel : le journalisme indépendant en danger (rapport RSF)

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Tout juste quelques semaines après la libération en grande pompe du journaliste français, Olivier Dubois. Plus de 700 jours de captivité au giron des terroristes dans le grand Sahara du Mali. Le RSF dévoile au grand public les contenus de son enquête sur les « menaces croissantes sur le journalisme dans la bande sahélienne. » 

Des journalistes tués, enlevés ou portés disparus récemment. Beaucoup d’autres sont menacés d’exercer leur métier au risque de leur vie. En 40 pages, le rapport du RSF intitulé « Dans la peau d’un journaliste au Sahel », révèle la détérioration des conditions d’exercice du journalisme dans cette partie du monde. Et comment la zone se transforme en une « zone de non-information ».

« L’immense joie que nous a procurée la libération d’Olivier Dubois, en mars dernier, ne peut occulter les difficultés croissantes auxquelles sont confrontés les journalistes au Sahel. Cette partie du continent africain est dangereusement en train de devenir une région privée de journalistes indépendants et d’informations fiables, où l’autocensure devient la norme », explique Sadibou Marong, directeur du bureau de RSF pour l’Afrique subsaharienne.En vue d’éviter que le Sahel devienne « une zone de non-information, ce rapport lance aussi un appel aux États de la région. Un sursaut est absolument nécessaire pour ne pas priver 110 millions de Sahéliens de leur droit élémentaire à être informés. ».

Une région meurtrière pour les journalistes

Selon le RSF, l’exécution de la journaliste Ghislaine Dupont et du technicien Claude Verlon de la RFI par leurs ravisseurs au Mali en 2013 a suscité d’autres crimes contre les hommes de média dans la zone. Obed Nangbatna de la chaine nationale télé Tchad, a été tué au Tchad en 2019. Le reporter espagnol David Beriain et son cameraman Roberto Fraile ont été également tués en plein reportage avec une « unité anti-braconnage dans l’est du Burkina Faso » en 2021.

Enlevé à Gao depuis avril 2021 par un groupe obscurantiste affilié à Al-Qaida, le journaliste français Olivier Dubois a retrouvé la liberté après 711 jours dans la geôle des terroristes, le 20 mars dernier. D’après le rapport RSF, deux autres journalistes maliens, Hamadoun Nialibouly et Moussa M’Bana Dicko, ont été également enlevés par des groupes armés au Mali. Ils sont toujours portés disparus.

« Les journalistes sont considérés comme de potentielles monnaies d’échange. L’un d’entre eux a été enlevé pour des articles qui avaient déplu à ses ravisseurs », relate RSF.

« Des restrictions administratives abusives »

« L’expansion des zones interdites ou difficiles d’accès pour les journalistes est criante au Sahel », souligne RSF dans son rapport. Il énumère des menaces « directes » à leur « intégrité physique », jusqu’aux difficultés liées à l’obtention d’une « accréditation et toutes les autorisations nécessaires pour faire du reportage. » Et il souligne l’expulsion arbitraire des journalistes.

Les militaires au pouvoir au Mali et au Burkina Faso en faveur des coups d’État, précise RSF, « n’hésitent pas à refaçonner le paysage médiatique en expulsant des journalistes, en suspendant des médias. » Les chaines françaises RFI et France 24 illustrent cela.

Pour le RSF, la désinformation prend une ampleur particulière au sahel. Cette organisation de défense du droit des journalistes estime que la zone devient un laboratoire d’expérimentation pour « les mercenaires de la désinformation ». Qui officient notamment sur les réseaux sociaux. Mais, selon le rapport RSF, « au sein même des juntes au pouvoir qui affichent désormais un soutien sans faille à leurs nouveaux alliés russes. »

À coup d’injonctions patriotiques au Mali, ou de note de cadrage au Bénin, « les autorités au pouvoir tentent de façonner l’information et de contrôler les discours médiatiques », explique le RSF. Ce qui menace directement l’indépendance des journalistes et la fiabilité de l’information, selon le rapport.

« Fact Checking »

Mieux, le RSF dans son long rapport rapporte que la situation sécuritaire a remis en cause « les avancées législatives ». Qui, entre les années 1990 et 2010, avaient contribué à « progressivement structurer le secteur des médias et à protéger l’exercice du métier de journaliste dans les pays du sahel. » Il s’appuie sur le « code du numérique » au Bénin, utilisé pour détenir arbitrairement plusieurs journalistes, comme Ignace Sossou, de Bénin Web TV, en 2020.

Selon les constants du RSF, nonobstant la difficulté liée à l’environnement, des initiatives de lutte contre la désinformation prend du poids au niveau local. Ce qui a poussé certaines rédactions à développer des services de « fact checking ». Ils ont la mission de vérifier systématiquement les affirmations largement partagées par les autorités politiques ou diffusées dans l’espace public. Il énumère des cas de projets comme Mali check, Africa Chech, ou désintox Tchad, s’attaquant à la désinformation.

Possibilité de protéger le journalisme au sahel

Le RSF salue de nouvelles initiatives mettant en réseau les journalistes. Comme Studios Yafa, Kalangou et Tamani couvrant l’actualité dans les différentes langues locales parlées au sahel. Ce qui fournit des informations indispensables aux populations confrontées aux crises. Même démarche pour la Radio Ndarason internationale de Tchad. Alors que la CENOZO renforce le journalisme d’enquête en toute indépendance dans la région, se réjouit-il.

Le RSF rappelle aux pays du sahel que la complexité de la gestion des attaques terroristes et la riposte des armées régulières ne peuvent être « un motif » pour violer le droit à l’information.

Il recommande aux organisations sous-régionales de la zone, notamment, la Cédéao et la CEMAC d’élaborer un code de conduite sous-régional pour la sécurité des journalistes. Ce dans les zones de conflits. De reconnaitre la norme de certification JTI dans les régions pour promouvoir les informations fiables.

Mohamed Camara        

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