Home A la Une Économie sous pression : le Bénin et le Niger à couteaux tirés sur le pétrole

Économie sous pression : le Bénin et le Niger à couteaux tirés sur le pétrole

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Le 6 mai 2024, le Bénin a pris la décision de bloquer l’embarquement du pétrole nigérien à partir de la plateforme de Sèmè Kpodji, impactant directement l’économie nigérienne et les relations bilatérales. Cette mesure intervient dans un contexte de tensions accrues depuis le coup d’État du général Tchiani au Niger, en juillet 2023, exacerbant les frictions entre les deux pays voisins.

Dans un échiquier géopolitique où les coups semblent se jouer avec une froideur calculatrice, la récente décision du Bénin de bloquer l’embarquement du pétrole nigérien depuis la plateforme de Sèmè Kpodji est un coup salle qui soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Cette manœuvre, décidée en haute sphère et notifiée à l’ambassadeur de Chine au Bénin — une intrigue diplomatique à multiples niveaux —, intervient alors que le président chinois Xi Jinping est en visite à Paris, ajoutant une couche de complexité internationale à une affaire déjà dense.

Risque d’isolement pour le Bénin 

Il est fascinant, et pourtant si décourageant, de constater que malgré les ponts bâtis par l’économie et la culture, les nations peuvent parfois se retrouver à un tel point de rupture. Le Bénin et le Niger, deux nations sœurs partageant une histoire et des défis communs, se retrouvent à un carrefour critique, empêtrées dans une dispute qui risque de miner leurs économies respectives et de détériorer davantage leurs relations.

Depuis le coup d’État mené par le général Abdourahamane Tchiani, les tensions entre Cotonou et Niamey ont atteint un niveau sans précédent. Le Niger, craignant des infiltrations déstabilisatrices via sa frontière avec le Bénin, a choisi de garder ses frontières hermétiquement fermées, malgré la réouverture de celles du Bénin. Ce geste, perçu comme un signe de méfiance voire de défi, a clairement irrité les officiels béninois qui, sous la conduite du président Patrice Talon, cherchent désormais à exercer une pression économique pour forcer une révision de cette posture rigide.

Le Bénin, en bloquant les 90 000 barils de pétrole nigérien destinés à l’exportation quotidienne, ne fait pas que pincer économiquement son voisin. Il envoie un message fort, soulignant une frustration accumulée face à ce qu’il perçoit comme un manque de réciprocité dans les efforts de normalisation des relations. L’action de Cotonou est lourde de conséquences, non seulement pour le Niger, qui voit là une menace directe à ses aspirations de développement économique, mais aussi pour le Bénin lui-même, qui risque de se retrouver isolé sur la scène régionale et internationale.

Niamey et Cotonou doivent repenser leurs stratégies

Cette escalade intervient après des mois de tentatives de réconciliation, où le président Talon, ayant initialement adopté une posture rigide face aux militaires au pouvoir à Niamey, avait finalement opté pour une approche plus conciliante. L’ouverture des frontières béninoises en décembre, suite à la levée des sanctions économiques par la Cédéao, était un geste d’olivier que Niamey n’a pas su ou voulu saisir.

Et maintenant, alors que les premières gouttes de pétrole ont symboliquement jailli sur la plateforme à Sèmè Kpodji, un geste d’inauguration attendu se transforme en un non-événement, reflétant peut-être un désintérêt pour une pacification des tensions. Le non-respect de cette ouverture symbolique pourrait bien être le reflet de l’impasse plus large dans laquelle se trouvent ces deux nations.

Ce blocage, bien qu’économiquement justifiable du point de vue de Cotonou, trahit une profonde amertume et un manque de vision à long terme pour la région. En ces temps où l’interdépendance devrait inciter à la coopération plutôt qu’à la confrontation, il est tragique de constater que même les liens fraternels peuvent être mis à rude épreuve par des politiques de court-terme et des calculs géopolitiques étroits.

Les peuples du Bénin et du Niger méritent mieux que cette impasse qui, au lieu de forger un avenir commun prospère, sème les graines de dissensions potentiellement durables. Il est grand temps que Niamey et Cotonou repensent leurs stratégies, non pas en termes de ce qui peut être gagné ou perdu dans l’immédiat, mais pour le bien-être à long terme de leurs citoyens qui aspirent à une stabilité et à une prospérité partagées.

Oumarou Fomba 

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