Quand les ballent sifflent, la panique et la peur s’installent. Au milieu de l’agitation, des familles se dispersent souvent en quelques minutes. Celles qui ont de la chance se déplacent ensemble. Cependant, beaucoup de membres d’une famille se dispersent. Alors commence le tourment d’une immense incertitude quant à leur sort. À cela s’ajoute les défis liés au déplacement et à leur nouvelle vie. Afin de mettre en lumière les défis auxquels les personnes déplacés sont confrontés, le CICR a échangé avec beaucoup d’entre eux.

La réalité du conflit armé au Mali est brutale : en quelques minutes, des familles se dispersent dans le bruit des affrontements, la peur au ventre. Safia, originaire de Gao, a été ainsi séparée de sa mère. D’autres, comme Mohamed, qui a fui la même région, ont eu plus de chance et se déplacent avec leurs proches. Quel que soit le parcours de chacun, il faut continuer sa vie dans un camp de fortune.

« J’étais terrorisé en quittant chez moi. Le bruit des armes nous a tenu compagnie durant des heures. Comme tout le monde, on avait peur d’être touché par les balles. Personne n’osait parler ou même pleurer », confie tristement Safia*.

Âgée de 27 ans, la jeune femme vient de la région de Gao. Fille unique et sans père depuis l’enfance, elle a vécu avec sa mère. Elles étaient inséparables avant cette journée de dimanche où tout a changé.

« On a retrouvé la même psychose », affirme un réfugié

C’était en février dernier, lorsque des hommes armés ont attaqué son village. Les survivants ont été obligés de quitter leur domicile et d’abandonner travail et sources de revenus. À l’aide de camionnettes, des centaines de personnes ont pris la fuite et, durant ce voyage, Safia et sa mère ont été séparées.

« En cours de route, j’ai remarqué que la voiture dans laquelle se trouvait ma mère n’était plus derrière nous », se souvient la jeune femme en larmes.

Mohamed vient du même village que Safia. Contrairement à elle, il a eu la chance durant sa fuite de ne pas avoir été séparé de sa famille. À 54 ans, avec sept enfants et trois femmes, il en est à son troisième déplacement depuis 2012.

« En 2012, quand les affrontements ont commencé dans mon village, nous avons fui pour aller au Burkina. Nous avons vécu là-bas en tant que réfugiés pendant neuf années », explique Mohamed.

Au Burkina Faso, lui et sa famille vivaient dans un camp de réfugiés et ont pu y survivre grâce à l’aide humanitaire. Hélas, ils ont dû quitter les lieux après des menaces répétées d’hommes armés. Mohamed et sa famille ont alors bénéficié de l’aide d’une organisation humanitaire pour revenir au nord du Mali. De retour, ils croyaient retrouver un peu de paix, mais, là encore, ils n’étaient pas au bout de leur peine.

« On a retrouvé la même psychose, les mêmes craintes, les mêmes intimidations », affirme Mohamed.

Un nouvel habitat, un semblant de nouvelle vie

À Bawa, à cinq kilomètres de la périphérie de la ville de Gao, Mohamed, Safia et d’autres déplacés ont alors enfin trouvé refuge. Un énième site de déplacés internes y a été construit. Même si le climat et l’environnement semblent être les mêmes que dans leur village d’origine, ils savent qu’ils ne sont pas chez eux. Ils ont dû tout reprendre à zéro en commençant par trouver un nouveau moyen de gagner leur vie.

Avant son départ forcé, Safia faisait du tricot et de la poterie. Elle confectionnait des coussins, des nattes traditionnelles et des vases.

« Maintenant, je ne fais rien. Quand je tombe malade, les gens cotisent pour me soigner. Ils me donnent aussi à manger. Je dépends totalement des autres et c’est frustrant », déplore-t-elle.

Mohamed, quant à lui, était éleveur.

« L’élevage est pratiqué chez nous depuis toujours. On avait des vaches, des moutons et des chèvres. Ça nous permettait de manger, d’avoir un revenu, de nous prendre en charge tout simplement », explique-t-il.

Ces activités leur assuraient à tous les deux une autonomie financière, mais depuis leur arrivés à Bawa, ils dépendent alors de la bienveillance de la communauté hôte et d’une organisation humanitaire. Celles-ci leur ont fourni de la nourriture et des abris.

« On avait construit des abris de fortune avec ce dont nous disposions. Ça ne nous protégeait même pas contre le soleil. Les hôtes nous ont apporté leur aide pour qu’on puisse avoir des tentes », explique Safia.

Mais, leur situation financière étant déjà instable, les hôtes n’ont pas pu continuer à les aider. Et l’organisation non plus, car il y a d’autres familles, d’autres sites de déplacés qui attendent aussi une assistance.

De l’eau potable disponible immédiatement

En plus d’un problème d’accès à la nourriture, l’eau est restée longtemps une préoccupation majeure des habitants du camp de Bawa, en particulier pour les femmes et les enfants.

« Ici, ce sont les femmes qui sont chargées de rapporter de l’eau. Le fleuve est à environ une heure de marche. A l’époque, nous y allions deux fois chaque jour. Le premier voyage était fait très tôt le matin. A notre retour, nous faisions la cuisine. Après le déjeuner, nous effectuions le second voyage », déclare Safia.

Par ailleurs, l’eau du fleuve n’étant pas traitée, elle rendait malades les gens qui la buvaient, et particulièrement les enfants.

Le Comité International de la Croix Rouge (CICR) a réalisé en urgence un forage afin de couvrir les besoins en eau potable, minimiser les risques de maladies hydriques et réduire ceux liés au transport lointain de l’eau pour les femmes et les jeunes filles.

« Maintenant, nous avons un temps de repos. Nous consommons de l’eau à hauteur de souhait et buvons jusqu’à plus soif et les enfants ne sont plus malades à cause de l’eau », explique Safia.

Le forage fonctionne à l’énergie solaire. Il fournit quotidiennement 40 000 litres d’eau. Un comité de gestion formé par le CICR assure le bon fonctionnement des équipements.

Devenir autonome pour survivre

Si les communautés touchées par le conflit armé au Mali ont une capacité remarquable à faire face aux crises, les moyens de survie traditionnels peuvent ne plus suffire. En dépit des efforts déjà effectués, le millier de familles sur le site de déplacés ont encore des difficultés à accéder aux services sociaux de base.

Même si le site dispose d’une école primaire, mais, il faut se rendre dans la ville de Gao pour étudier au secondaire ou au lycée.

« Le matin on se réveille à cinq heures pour aller à l’école et on y passe toute la journée. Une fois les cours terminés, on revient à la maison un peu après 19 heures. On fait une marche d’environ six heures par jour », détaille Rachid, 14 ans.

Ces personnes déplacées sont encore dépendantes de l’aide humanitaire. C’est pourquoi elles sont plus que jamais désireuses de générer des revenus, en ouvrant un petit commerce ou en se lançant dans le maraîchage. Il en va ainsi de leur survie d’être financièrement autonomes. Les différentes aides dont elles bénéficient ne seront pas éternelles (voir l’encadré).

Des besoins toujours plus grands   Actuellement, l’assistance humanitaire est compromise par des financements insuffisants, alors que les besoins et les fonds requis ont augmenté. Une hausse de 13 pour cent des déplacements internes a été observée au cours des six premiers mois de 2022 seulement, en raison de la détérioration de la situation. Plus de 400 000 personnes se sont désormais déplacées à l’intérieur du pays, contraintes de laisser derrière elles maisons, animaux et moyens de subsistance. Il est ainsi essentiel de mobiliser des financements afin de poursuivre et étendre l’assistance d’urgence à plus de personnes ciblées. Il est important de trouver des solutions à long terme, qui peuvent aider les populations à s’adapter aux changements rapides et à assurer leur autonomie.

Besoin humanitaire des déplacés

*Nom d’emprunt

Source : CICR


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