À Bougouni, dans le sud du Mali, le projet d’exploitation de lithium porté par Kodal Minerals avance à grands pas, entre espoirs économiques, enjeux géostratégiques et défis logistiques, dans un contexte où chaque tonne de spodumène symbolise bien plus que du minerai. Un pari sur l’avenir d’un pays en quête de souveraineté énergétique et industrielle.
Dans un Mali encore fébrile de ses convulsions politiques et sécuritaires, une lueur — non pas dorée cette fois, mais verdâtre — scintille au sud du pays, dans la région de Bougouni. Ce n’est ni du coton ni du bétail, encore moins du mil. C’est du lithium. Le « nouvel or blanc » du XXIe siècle, si stratégique que les chancelleries s’y intéressent plus discrètement que les usines n’en consomment.
Le paradoxe
C’est là que Kodal Minerals, société minière d’obédience britannique, via sa filiale locale Les Mines de Lithium de Bougouni SA (LMLB), déroule un tapis d’espoirs. Un projet pharaonique à l’échelle de l’économie malienne, mené avec une cadence méthodique et une communication que certains jugeraient presque trop transparente, tant elle se veut rassurante : usine de traitement opérationnelle, plus de 45 000 tonnes de concentré de spodumène déjà prêtes à l’exportation, et formation de main-d’œuvre locale comme gage de respectabilité sociale.
Mais dans cette fresque aux contours optimistes, un détail fait tache. L’eau. Pas celle des besoins vitaux, mais celle des pluies. Abondantes. Encombrantes. Débordantes. Les fosses de la mine à ciel ouvert de Ngoualana, inondées, ont momentanément gelé l’accès aux niveaux inférieurs. Les pompes s’activent, les bulldozers rongent le mort-terrain, et l’ingénierie s’emploie à rattraper les caprices de la météo. Par-dessus tout, « Les opérations minières ont également été impactées par des retards dans la livraison des explosifs sur le site […] et devraient être bientôt corrigées afin de minimiser les retards. », a souligné Bernard Aylward, PDG de Kodal Minerals.
Finaliser les exigences relatives à un permis d’exportation
C’est dans ce décor que le professeur Amadou Keïta, ministre des Mines, flanqué du général Ousmane Wele, gouverneur de Bougouni, a chaussé ses bottes pour visiter le site. Une visite saluée comme un acte politique autant que symbolique. Oui, le projet avance, la main-d’œuvre malienne est mise à contribution et le stock de spodumène s’accumule. Mais non, le permis d’exportation n’est pas encore là. Et c’est tout le paradoxe.
Car sans ce précieux sésame administratif, les tonnes de minerai pourraient bien finir comme les rêves d’un Mali minier autonome : bloqués sur le tarmac de l’administration, en attente de feu vert. C’est ce que Bernard Aylward, PDG de Kodal Minerals, a martelé aux autorités lors de cette visite : le projet est mûr pour l’envol, les partenaires internationaux sont prêts, les ports de San Pedro et Abidjan en Côte d’Ivoire attendent leur cargaison. « Je suis heureux de confirmer que l’équipe du LMLB continue de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement du Mali pour finaliser les exigences relatives à un permis d’exportation. Une fois accordé, le permis d’exportation permettra, entre autres, le transport des importants stocks de concentré de spodumène vers les ports pour expédition vers Chine », a-t-il expliqué.
Le lithium, pour qui sait lire les signaux faibles, est plus qu’un minerai. Il est au cœur de la transition énergétique mondiale, la clef des batteries, des véhicules électriques, du stockage d’énergie solaire. En clair, de tout ce vers quoi le monde se précipite. Le Mali, par la grâce géologique de Bougouni, détient une part de cette promesse.
A.D
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