Jeune chercheur en géographie rurale à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Bocar Harouna Diallo s’inquiète des élections locales sénégalaises de janvier 2022. Il estime les enjeux nombreux.
Après le prolongement du mandat des élus locaux sénégalais et moult manifestations ainsi qu’un dialogue avec la classe politique, le Président de la République, Macky SALL a acté la tenue des élections locales, prévues pour le 23 janvier 2022.
L’opposition farouchement dirigée par Ousmane Sonko, en position de rude bataille, fustige cette décision. Celle-ci préfère la tenue de ces élections en décembre 2021. Les hostilités et la guerre électorale sont lancées depuis l’annonce de la date, surtout pour le contrôle massif des collectivités territoriales, qui est déterminant pour accéder à la magistrature suprême.
La course à l’électorat
L’opposition ainsi que le parti au pouvoir ont du pain sur la planche. Chaque camp politique déploie sa stratégie pour neutraliser son adversaire et convaincre le maximum de citoyens.
Le Benno Book Yaakaar,qui a réussi à fédérer ses alliés politiques et à grignoter sur l’opposition, fait face à un enjeu majeur de choc des ambitions dans plusieurs localités pour ses potentiels candidats futurs. Le Benno, avec à sa tête le président Macky SALL, devra faire un choix entre les leaders de son propre APR et les alliés pour les locales. Mais ce choix peut paraitre compliquer. Il pourrait d’ailleurs entrainer une explosion du Benno Book Yaakaar.
D’ores et déjà, les doutes et la bataille de leadership sont en bonne marche dans plusieurs localités, notamment à Kaffrine où Abdoulaye Willane, le député-maire socialiste et Abdoulaye Sow, le ministre avec une ascension fulgurante, sont en guerre de positionnement. La situation peut être compliquée pour le parti au pouvoir qui devrait faire le choix.
Cette situation concerne aussi Podor, avec Aissata Tall-Sall et Racine Sall ; Dakar, avec Amadou Ba, l’ex-ministre, et Abdoulaye Diouf Sarr, etc. Ce choc des ambitions reste une plaie difficile à panser avec soin. Il s’y ajoute les jeunes leaders ambitieux qui veulent tenter leur chance, car ayant marre des démos politiques sans grands résultats au niveau local.
Pour reprendre la présidence en 2024
La bonne et cordiale cohésion, maintenue jusqu’ici, sera mise à l’épreuve durant les joutes électorales à l’horizon, qui apparaissent comme un test pour la mouvance présidentielle, en perspective de l’après ou de la continuité Macky SALL en 2024.
Ces frustrations politiques montrent des ambitions cachées dans beaucoup de localités.
Mais le parti au pouvoir battra campagne sur la base des réalisations sociales, économiques, infrastructurelles, etc., pour convaincre les Sénégalais. L’enjeu pour le Benno Book Yaakaar, c’est de garder les anciens sièges et d’en gagner d’autres pour s’assurer de la majorité en 2024.
L’opposition à son tour, cantonnée généralement à Dakar, est confrontée à un sérieux problème de regroupement. Cette situation a fait qu’elle semble même parfois se détourner des enjeux électoraux pour se positionner comme lanceur d’alertes en compagnie de la société civile et des activistes de tout bord. Elle ne cesse de contester les décisions des gouvernants notamment, lors des émeutes de mars 2021 et des nervis encore amèrement contestés. L’opposition craint des violences durant les joutes électorales et le pire, un holdup électoral.
La transparence des élections, surtout apaisées, demeure un défi majeur pour les citoyens sénégalais. En démocratie, tout citoyen a un réel besoin de transparence. Il revendique, chaque fois qu’il est sollicité, un droit à la vérité, surtout lors des élections. La question de la transparence va de chœur avec la démocratie.
L’enjeu réel pour l’opposition, c’est de gagner le maximum de sièges pour espérer reprendre la présidence à partir de 2024 avec ou sans coalition.
« C’est le citoyen qui fait la république »
En Afrique, notamment au Sénégal, où la démocratie est encore en balbutiement, la transparence est un enjeu et un défi, surtout en période électorale. On peut y ajouter la crise de confiance et la jeunesse sénégalaise qui s’intéresse de plus en plus à la politique et qui est réceptive aux discours souverainistes.
Sur le plan financier, l’enjeu sera encore énorme. Avec la pandémie de covid-19, le Sénégal a connu une chute brutale de sa croissance économique et un déficit budgétaire a été ressenti. La santé financière du pays est toujours décriée. L’État devra dégager un pactole crucial pour l’organisation des élections avec tout le matériel nécessaire. Les différents candidats devront aussi débourser la caution fixée à 10 millions sans compter les frais de la logistique et les moyens à mettre sur table. Certains candidats pourraient être confrontés à un manque de moyens financiers. Un rapport de force sans merci sera très visible et il sera au profit du gouvernement, car détenant tous les moyens.
Il y’a un bon nombre d’enjeux pour ces joutes locales. Elles sont stratégiques et déterminantes pour la présidentielle de 2024. Chaque camp politique essayera de dompter le plus de sièges en utilisant des discours variables, surtout l’opposition qui brandit déjà un discours nationaliste en anticolonial. Mais le choix définitif revient aux citoyens.
Le vote doit être objectif. On doit voter par conviction et principe en se basant sur un programme smart et fiable et non sur d’autres considérations. La démocratie est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, dit-on. Donc nous, citoyens sénégalais, devons voter sans influence ni corruption. Pour reprendre Georges Bernanos, « Ce sont les démocrates qui font les démocraties, c’est le citoyen qui fait la république ».
Bocar Harouna DIALLO
Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Sahel Tribune.
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.