Le projet de loi sur l’immigration, initié par le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin, suscite des réactions mitigées. Cette analyse de notre compatriote malien Mamadou Coulibaly explore les implications, présente des expériences personnelles, et propose des solutions alternatives.
En septembre 2022, l’annonce du président Macron de présenter un projet de loi sur l’immigration, envisageant de répartir les immigrants entre les campagnes, m’a incité à réagir. J’ai immédiatement écrit une lettre (référence D018083) à la présidence, à la primature, au ministère de l’Intérieur et au ministère de la Fonction publique, exprimant mes préoccupations quant à l’impertinence de ce projet et proposant une alternative.
Enjeux et réactions face à la proposition controversée sur le projet de loi sur l’immigration
Environ deux semaines plus tard, les médias ont rapporté que ces deux ministères envisageaient de présenter un projet de loi sur la régularisation des « sans-papiers » travaillant dans des secteurs à haute tension. Peut-être était-ce une coïncidence, ou peut-être avaient-ils envisagé cette démarche bien avant cette date.
Cependant, ce que je sais, c’est qu’en tentant d’illustrer l’absurdité de certaines lois, j’ai partagé une expérience personnelle et proposé une solution partiellement similaire à celle des ministres. Mes propositions évitaient les mesures disproportionnées et contreproductives, visant plutôt une approche globale et inclusive.
Dans une interview, Monsieur Darmanin a même utilisé le terme hypocrisie pour parler de ces lois que je trouve absurdes. Je cite deux exemples, dont une expérience personnelle.
- Beaucoup d’expatriés en formation ou à la recherche d’emploi stable travaillent durant l’année sans toucher le RSA. Pourtant, ils finissent par se retrouver en situation irrégulière faute de pouvoir présenter un justificatif de ressources accepté par la préfecture. Il vous faut 7 380 euros dans votre compte bancaire, un CDI ou bien un garant qui gagne un salaire élevé. Sans quoi, vous vous retrouverez en situation irrégulière.
Il est prétendu que ces exigences sont mises en place pour garantir que vous ne recourez pas à des moyens illégaux pour subvenir à vos besoins. Cependant, lorsque vous vous retrouvez en situation irrégulière, personne ne se préoccupe de savoir comment vous parvenez à vous nourrir. J’ai personnellement traversé cette situation.
Suspension des transactions bancaires des Immigrés
Si j’avais passé toute l’année sans emploi ou en bénéficiant du RSA, cela aurait pu se comprendre. Cependant, je n’ai jamais touché le RSA, et même en l’absence d’un emploi stable, j’ai tout de même travaillé. Alors, pourquoi cette barrière excessive ?
- L’année précédente, parmi les expatriés secourus et hébergés par la France après le refus de l’Italie, certains ont choisi de quitter le camp pour se rendre en Allemagne en raison d’opportunités d’emploi qui les attendaient là-bas. Il est important de souligner qu’aucun individu africain normalement constitué, doté de toutes ses facultés, ne mettrait sa vie en danger en traversant des conditions de maltraitance et le péril de la mer, simplement pour remplacer le peuple français ou se contenter d’une aide qui ne contribue pas à bâtir un avenir meilleur ni à prendre soin de ses proches, en reconnaissance des réalités socio-économiques de l’Afrique.
C’est pourquoi je leur ai suggéré que plutôt que de chercher à expulser les citoyens d’autres pays, il serait plus judicieux d’adopter une approche différente. Même si le gouvernement décide de suspendre les transactions bancaires des expatriés pour exercer une pression sur les États africains, comme le suggèrent Mme Le Pen et Monsieur Zemmour, les bénéficiaires pourraient réagir en tentant de contraindre ces mêmes États à suspendre les transactions bancaires des immigrés français en réciprocité.
De plus, en misant sur les aides au développement comme moyen de pression, il est crucial de souligner l’inexistence de telles aides actuellement, comme indiqué par les autorités françaises, en particulier dans le contexte des relations avec des États tels que le Burkina Faso, le Mali et le Niger. En Afrique, la crédibilité de ces aides est sérieusement remise en question.
Comment l’Afrique peut-elle être le continent de l’avenir ?
De surcroit, si le contrôle d’identité, même avec l’utilisation des empreintes digitales, ne produit aucun résultat concluant, il serait difficile pour Mme Le Pen ou Monsieur Zemmour d’expulser un expatrié affirmant venir des États-Unis d’Amérique. En revanche, de nombreux États africains organisent fréquemment des campagnes de sensibilisation pour dissuader les candidats à l’expatriation des dangers de la maltraitance en cours de route et des risques mortels en mer.
D’autre part, l’Afrique est souvent considérée comme le continent de l’avenir. Cependant, comment peut-elle réellement l’être si elle ne tire pas pleinement parti de sa jeunesse et de ses ressources naturelles, ses deux principaux atouts ? En plus des pertes humaines au désert et en mer, si un Africain travaille en France, il envoie une partie de son argent en Afrique après avoir payé tous les impôts et les dépenses. Pourtant, si cet individu travaillait en Afrique, son pays aurait pu bénéficier pleinement des fruits de son travail. Nos États sont bien conscients de cette réalité.
Concernant les expatriés eux-mêmes, un grand nombre d’entre nous viendront en envisageant de retourner travailler ou entreprendre dans nos pays d’origine. Cependant, même parmi ceux qui initialement envisagent de rester, certains changent d’avis après leur arrivée.
projet de loi sur l’immigration: sortir de la logique du conflit au profit d’une approche inclusive
Plusieurs facteurs contribuent à ces changements, tels que le climat, les aspects sociaux difficiles, les défis pour trouver un emploi correspondant à nos projets professionnels, l’accès difficile à des secteurs d’activité, et la perspective d’une retraite tardive en raison des démarches académiques à suivre ici, associées aux délais pour obtenir un travail stable ou être régularisé.
Si les États africains, les expatriés et l’État français ont un intérêt commun à trouver une solution, pourquoi ne pas abandonner la logique du conflit au profit d’une approche inclusive ? On pourrait même parler d’une approche concilialiste (même si ce terme n’existe pas aujourd’hui).
Établirait un partenariat renouvelé avec l’Afrique
L’État pourrait tirer profit de travailleurs régularisés via les impôts et autres contributions socio-économiques. En collaboration avec les États africains, l’État peut proposer un programme de quatre ans, non renouvelables, pour les expatriés s’engageant volontairement dans des entreprises partenaires. L’objectif est de faciliter leur retour en Afrique avec des économies et une formation acquise. L’État français économiserait au moins 50 % des salaires des expatriés engagés dans des banques partenaires, versant ces économies dans les comptes bancaires créés par les États africains. Ces États s’engageraient à accompagner leurs citoyens, tout en favorisant la création d’emplois au bénéfice des populations locales.
Pour éviter les dangers de la traversée maritime, l’État français, en collaboration avec d’autres pays européens, peut instaurer des quotas par pays africains, similaire à la méthode canadienne. Cette approche se distinguerait par l’intégration d’une formation socioculturelle préalable à l’arrivée en Europe et la planification d’un retour bien structuré. Ces quotas, associés à la création d’emplois au retour des expatriés, contribueraient significativement à réduire les arrivées non coordonnées.
Le coût de ce projet serait nul ! En réalité, l’État français bénéficierait des impôts sur les salaires des expatriés. Plus besoin de verser des sommes considérables à des intermédiaires ; une coordination efficace à l’arrivée réduirait les problèmes humanitaires et sociaux. La France établirait un partenariat renouvelé avec l’Afrique, suscitant une perception positive. Moins de dépendance aux aides sociales telles que le RSA serait constatée, offrant un bénéfice économique supplémentaire.
Mamadou Coulibaly
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