Aux yeux du monde, c’est l’Afrique, surtout francophone, qui a plus de mal à intégrer la démocratie dans ses habitudes politiques, analyse Ezo Alliman, étudiant en 2e cycle de Philosophie, au Burkina Faso. Selon ses explications, les crises sociopolitiques, remarquées dans la plupart de nos États africains dits démocratiques, témoignent de cette panne de la démocratie sur le continent. Par contre, ailleurs, la démocratie se voit être flexible et convoitée par les populations.
Confrontés à des crises politiques intempestives, les pays démocratiques de la zone francophone d’Afrique ont beaucoup de mal à intégrer ce système politique importé. La démocratie, le modèle occidental s’adapte difficilement aux réalités de ces pays africains, qui en sont aujourd’hui de grandes victimes, en raison des nombreuses crises qui les éclaboussent à chaque fois qu’il est question d’élections ou d’une grande prise de décision touchant l’avenir de toute la nation.
Le sens étymologique du mot « démocratie » nous suggère les termes grecs démos, « le peuple » et Kratos, « le pouvoir ». Elle est née en Grèce au cours d’une insurrection populaire au Vème siècle av. J.-C. Le peuple de la cité athénienne désirait plus de justice, de liberté et d’égalité, de la part de leurs dirigeants monarchiques.
De l’autocratie à la démocratie
Par extension donc, la démocratie est un système politique de gouvernance électif avec un multipartisme à l’appui. Ceci permet donc au peuple d’exercer son pouvoir par l’entremise de ses représentants, gage de la direction qu’il aimerait donner à son destin.
Pour notre part, il ya de quoi à faire une brève genèse de la démocratie en Afrique, par lequel nous pourrons dresser par la suite, un bilan de la pratique démocratique sur ce continent.
Il est généralement prêché que les années 1990 ont été un tournant décisif pour le continent africain, surtout en matière de politique. En effet, on a assisté à l’évangélisation et à la conversion de certains États africains, francophones pour la plupart, à la nouvelle croyance politique occidentale qu’est la démocratie.
On pourrait se rappeler le discours du président François Mitterrand à la Baule où au cours du sommet Françafrique du 20 juin 1990, il exhorte voire persuade ses homologues africains à se joindre au projet et au pari français : la valorisation des égalités dans le monde par la seule démocratie. Alors que dans les trente dernières années, le système politique africain était autocratique, administré par des leaders africains. Par exemple, Houphouët Boigny (en Côte d’Ivoire) et Ahmed Sékou Touré (en Guinée Conakry) étaient tous issus, dans leur pays respectif, de ce qu’on appelle le parti unique.
La paupérisation des valeurs cardinales africaines
Peut-on dire aujourd’hui que la démocratie a arrangé les Africains ? Il est triste de répondre à cette interrogation par la négative. La démocratie en Afrique, qui était censée valoriser l’égalité, la liberté entre les populations et par là, les conduire au développement, a plutôt divisé profondément les peuples et mis en péril leurs systèmes de développement.
Cette division des peuples s’est plus alimentée avec les diversités culturelles et ethniques qui minent ce continent. Pourtant toute diversité culturelle est une richesse à exploiter. Il va s’en suivre à travers le multipartisme, des élections tribales conduisant à des crises ethniques, fratricides du fait de leur caractère simulacre et basé sur la recherche effrénée des intérêts égoïstes.
À cet effet, l’on verra la paupérisation des valeurs cardinales africaines telles que l’entraide, le respect des anciens, la primauté de la famille élargie sur la famille nucléaire. Puisque par le suffrage universel, les coups de billets de banque et la soif du pouvoir se sont emparés des cœurs. Avec de telles circonstances, il est logique de ne pas espérer le développement de ces États.
Ayons le courage de jeter un coup d’œil sur les milliards de francs CFA qui sont déployés pour organiser simplement des élections dans ces États africains. Qu’avons — nous en retour le plus souvent ? Eh bien ! Ce sont les malheurs de guerres et de crises de tout genre que nous récoltons, tant bien même que les candidats favoris et toujours gagnants à ces élections sont connus de tous. On a d’un côté, une soi-disant expression des libertés du peuple et d’un autre côté, le gaspillage de milliards de francs CFA parfois mêmes emprunter aux bailleurs de fonds, à la communauté internationale. Alors que cet argent pouvait servir à améliorer énormément les conditions d’existence des populations.
Les crises sociopolitiques, connues dans certains des États africains sous l’égide des élections dites « démocratiques » expliquent ce gaspillage d’argent. À titre d’illustration, rappelons nous de la crise ivoirienne de 2010, qui a complètement plongé le pays dans la désolation après des élections organisées à coup de milliards : perte de vie humaine grandissante, blessés, déplacement forcé des populations, boycott du scrutin, asphyxie économique par la destruction des biens et infrastructures, la fissuration du tissu social, etc.
Un autre exemple, les heurts du 28 novembre 2017 entre la police et des sympathisants de l’opposition, qui ont eu lieu à Nairobi, la capitale du Kenya. Comme raison, les manifestants s’indignaient contre l’investiture du président Uhuru Kenyatta, réélu pour un deuxième mandat.
Conserver ses liens coloniaux avec ses colonies africaines
Au vu de ce qui précède, il n’est pas paranormal de dire que la démocratie en Afrique est une bombe à retardement. Une telle acceptation est rendue possible par un élan d’humilité et de lucidité de tout sujet raisonnable, désirant s’élever au-dessus de la dictature de la peur et des apparences de ce monde.
Dire que la démocratie en Afrique, est un personna non grata, ne voudrait pas dire qu’elle est mauvaise comme système politique. La preuve, elle marche bien ailleurs. Bien au contraire, nous sommes dans une perspective de critique spatio-temporelle. Autrement dit, ce n’est nullement la démocratie en tant que concept que nous décrions, mais la démocratie du point de vue de son application contextuelle par un peuple dont l’histoire politique ne cadre pas avec le modèle occidental, notamment la démocratie à la française.
C’est fort de cela que l’universitaire et diplomate, Pierre Jacquemot, soutient avec force que « la démocratie est un modèle imposé par l’Occident à la fin de la période coloniale », lit-on sur franceinfo. Pourquoi ? Sûrement que l’Occident ne pouvait s’empêcher de conserver ses liens coloniaux avec ses colonies africaines, par ce que le docteur Kwame N’Krumah appelle le néocolonialisme.
La dictature du peuple pour le peuple
Pour notre part, ce qui serait mieux pour l’Afrique, est un système politique ayant à sa tête des leaders qui ont une vision tout en étant « près ou loin du peuple dans une dictature du peuple pour le peuple », disait le président guinéen Ahmed Sékou Touré. Il est vrai que certains trouveront nos propos trop crus, acerbes et même machiavéliques. Mais qu’ils sachent que cette dynamique n’est pas aussi loin du credo tant convoité par la démocratie française : la notion d’égalité entre les êtres et la valorisation de leur dignité.
La dynastie qui dirige le Qatar, créée les conditions du bonheur et la valorisation des qatariens. Tout le monde y est heureux et certaines populations du tiers monde les envient. Ils ont énormément progressé aux yeux du monde. Il y a aussi le cas de la Chine, du Singapour, du Maroc…
En réalité, il serait bien aisé de reconnaître que l’Afrique a besoin des dirigeants rationnels et vertueux et non seulement des textes rationnels à vocation moralisatrice, sans quoi, son déclin approchera de plus en plus. L’Union africaine a donc de quoi se mettre sous les dents.
Ezo Alliman, étudiant en 2e cycle de Philosophie
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