Dans cette tribune, Mikailou Cissé s’interroge sur l’idéal de démocratie, ses implications et sa difficile mise en pratique dans certains pays.
La courte expérience grecque de la démocratie, pendant l’antiquité, a fortement influencé les théoriciens modernes de ce régime. La démocratie met l’homme au début, au milieu et à la fin. En théorie, tous les citoyens sont égaux sans distinction de statut social ou de confession religieuse. La volonté générale gouverne et a toujours raison. La volonté particulière, quant à elle, est à mettre de côté lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt général.
Le meilleur des régimes
De toutes les formes de régime, théorisées et mises en pratique, la démocratie serait celle qui offre à l’homme un cadre de vie meilleure. Elle octroie des prérogatives égales à tous de participer à la gestion de l’État. Tout est jugé selon l’approbation du grand nombre. C’est également plus de libertés et de droits pour tous. Des libertés encadrées par des lois, qui sont l’émanation de la volonté du grand nombre, acceptées et connues par tous les membres de la société. Elles sont les seules qui doivent être la norme, qui réglementent le quotidien de tous les « associés ».
À la différence des autres formes de gouvernance, le salut du peuple est la fin de la démocratie. Les citoyens acquièrent le droit à la protection de leur personne, de leurs libertés, de leurs propriétés. Ils désignent les autorités chargées de gérer les affaires courantes et disposent également du pouvoir de démettre ces autorités de leur fonction (élective ou nominative) si elles ne font plus l’affaire du grand nombre.
Particularité de la démocratie
Toutefois, les prérogatives que dispose le peuple dans un régime dit démocratique diffèrent selon le type ou la forme de démocratie. De même, certaines formes sont jugées meilleures plus que d’autres selon la satisfaction du peuple dans son grand nombre, le fonctionnement du gouvernement, le processus électoral et le pluralisme, les libertés civiles, la culture politique, etc.
La particularité de la démocratie par rapport aux autres formes de gouvernance est qu’elle recherche le consensus sur les questions d’intérêt général. Un régime dans lequel l’inégalité entre les citoyens, la restriction des libertés individuelles, la succession du pouvoir par lignage ou par toute autre forme de passation du pouvoir, qui ne prend pas compte l’avis du grand nombre, sont prohibées. Mieux, ce régime délie les langues, en donnant carte blanche à tous de dire ce qu’ils pensent de la gestion des affaires de la nation, dans le respect des conventions et des lois préétablies. Elle est cette forme de gestion sociale qui fait de la politique l’affaire de tous et du politique quiconque désirant l’être.
La démocratie, un mirage ?
Cependant, le constat sur la pratique démocratique dans le monde n’est pas réjouissant. Malgré qu’elle soit le régime le plus appliqué dans les États contemporains, la démocratie reste toujours un idéal. Une idée dont la mise en pratique pose problème dans beaucoup d’États, surtout ceux à revenue moyenne ou faible. Les États dans lesquels le peuple dans sa majorité vit dans la paupérisation.
La plupart des pays de l’Afrique subsaharienne peuvent être cités en exemple. Ce qui est présenté en théorie comme étant la démocratie est très différente de ce qui est énoncé dans les manuels dédiés à l’exposition de ce qu’est une démocratie. Mieux, ce qui est pratiqué au nom de la démocratie n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’est une démocratie.
Les politiques comme les citoyens sont d’un autre genre de type d’être. Ils sont dans la plupart dénoués de la quasi-totalité des traits que devrait avoir un démocrate. Les discours qu’ils tiennent en public pour essayer de s’imposer et les pratiques auxquelles ils se livrent après s’être fait une certaine notoriété sont la manifestation que l’idéal démocratique est un prétexte pour se faire plébisciter. Le citoyen n’est finalement qu’un instrument de prise de pouvoir. Le changement de posture des leaders du M5 RFP, qui était intraitable sur toutes les questions au Mali, après qu’ils ont obtenu une place décisionnelle, est une illustration.
Difficile mise en pratique des principes démocratiques
Le reproche selon lequel les discours des politiques dits démocrates sont en déphasage avec leurs pratiques est celui qui anime la plupart des débats actuels. Un reproche que la plupart des opposants mettent en avant pour s’imposer sur la scène politique ou se faire plébisciter par le peuple. En plus d’elle, les maux dont le peuple souffre dans sa grande majorité, la mauvaise gestion des affaires publiques et les ressources de l’État ainsi que l’amélioration des conditions de vie du peuple sont aussi de plus en plus présente dans les discours des politiques qui aspirent à occuper une responsabilité dans les hautes sphères de l’État.
L’application effective de l’idéal démocratique tel qu’il a été décrit par ses théoriciens est sujette à une discussion controversée. Elle devrait s’adapter à l’environnement socioculturel des nations, selon certains. Pour d’autres, elle est un modèle universel et devrait être mise en pratique comme un précepte religieux. Dans tous les cas, comment peut-on parler de démocratie dans des pays en crise sécuritaire et institutionnelle, où la liberté est un luxe, le respect des lois est le dernier soucie de tous, la majeure partie du peuple n’est ni instruite ni formée à la pratique de la démocratie ? Comment peut-on parler de l’égalité ou même d’équité parmi ceux qui n’ont ni les mêmes niveaux d’instructions ni les mêmes fortunes ? La démocratie est certes bien embellie à l’intérieur, mais pourrie à l’extérieur.
Mikailou CISSE
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