Sous un soleil de plomb, les parchemins exilés de Tombouctou sont rentrés chez eux, treize ans après avoir fui les jihadistes. Plus qu’un simple retour de manuscrits, une victoire symbolique pour une ville qui fut, des siècles durant, le phare intellectuel du Sahel.
Il y a des retours qui sentent la poussière chaude, la mémoire et la revanche sur l’oubli. Ce lundi 11 août, dans la lumière écrasante du Sahel, un camion franchit lentement les portes de l’Institut des hautes études et recherches islamiques Ahmed Baba de Tombouctou. À son bord, plus de 200 caisses soigneusement scellées, arrivées par avion depuis Bamako. Les manuscrits de Tombouctou, ces trésors de parchemin et d’encre, reviennent enfin sur leurs terres après treize ans d’exil.
Le fruit d’un moment de l’histoire extraordinaire
L’histoire commence en 2012. La ville mythique, capitale intellectuelle de l’Afrique sahélienne, tombe alors aux mains des jihadistes d’al-Qaïda et du Mouvement national de libération de l’Azawad. Les mausolées sont profanés, neuf disparaissent sous les coups de pioche, 4 000 manuscrits sont brûlés. Le reste, environ 400 000 documents, échappe de justesse à l’autodafé. Bibliothécaires, associations et habitants improvisent une filière clandestine : des pages vieilles de plusieurs siècles glissées dans des sacs de riz, transportées à moto, en pirogue ou dans des charrettes tirées par des ânes, jusqu’à Ségou, puis Bamako.
Parmi ceux qui ont orchestré cette opération, Alpha Salé, de l’ONG Sauvegarde et valorisation des manuscrits pour la défense de la culture islamique, savoure la victoire, au mircro d’un média étranger : « Les manuscrits de Tombouctou, c’est l’identité de la ville. Ils sont le fruit d’un moment de l’histoire extraordinaire : celui de l’université de Sankoré, qui accueillait près de 25 000 étudiants. »
La Cité des 333 Saints retrouve une partie de son âme
Jurispudence islamique, médecine, astronomie, poésie : les 500 000 manuscrits recensés à Tombouctou composent un continent de savoir, longtemps ignoré en dehors des cercles d’érudits. Aujourd’hui, 39 000 d’entre eux — ceux de l’ancien fonds Madaba — sont déjà réinstallés dans leurs rayonnages climatisés.
Mais tout n’est pas réglé. Certaines bibliothèques privées hésitent encore à rapatrier leurs collections, redoutant les vols ou les destructions. « On espère que ce retour incitera les propriétaires privés à suivre le mouvement, explique Alpha Salé. À Tombouctou, le climat est idéal pour leur conservation : chaud et sec. »
Treize ans après la nuit des autodafés, la Cité des 333 Saints retrouve une partie de son âme. Et au Mali, dans une époque où la bataille identitaire se joue aussi dans la maîtrise du passé, ce retour n’est pas seulement un acte de patrimoine : c’est une reconquête.
A.D
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