Les élections législatives du 29 décembre 2024, les premières depuis 2011, ont vu le parti au pouvoir, le MPS, remporter 124 sièges sur 188. Marquées par un boycott de l’opposition et un faible taux de participation, ces élections soulignent les défis démocratiques d’un pays en quête de stabilité dans un contexte sécuritaire et politique fragile.
Le 29 décembre 2024, les urnes tchadiennes ont parlé pour la première fois depuis 2011. Une décennie de silence électoral rompue dans un contexte tendu, où les espoirs d’une transition démocratique se mêlent à de profondes suspicions. Le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), parti au pouvoir dirigé par le Président Mahamat Idriss Déby Itno, a obtenu une majorité écrasante avec 124 sièges sur 188. Pourtant, ce succès est loin d’apaiser les doutes sur l’état de la démocratie au Tchad.
L’opposition, notamment le parti Les Transformateurs de Succès Masra, avait appelé au boycott du scrutin, dénonçant un processus électoral biaisé et qualifiant les résultats d’« échec retentissant ». Avec un taux de participation modeste de 51,56 %, ces élections traduisent une mobilisation limitée, imputable aux festivités de fin d’année et à un scepticisme largement répandu.
Les défis d’un scrutin contesté
Si la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a salué un déroulement « globalement satisfaisant», les retards dans l’annonce des résultats et les accusations de fraude ébranlent la crédibilité du processus. La répartition exacte des sièges reste floue, et les résultats des élections municipales ne sont toujours pas disponibles. Le Tchad se retrouve une fois de plus dans un entre-deux démocratique, où le processus électoral semble davantage destiné à légitimer un pouvoir déjà solidement ancré qu’à offrir une réelle pluralité politique.
Le MPS consolide ainsi son emprise sur l’Assemblée nationale, reléguant les autres partis à des rôles symboliques. Parmi eux, le Rassemblement national des démocrates tchadiens-Le Réveil (RNDT) d’Albert Pahimi Padacké obtient 11 sièges, tandis que les autres formations restent morcelées, incapables de peser face à la machine politique du parti au pouvoir.
Un contexte régional et international sous tension
Cette élection intervient dans un Tchad confronté à des défis multiples. Sur le plan sécuritaire, les attaques de Boko Haram continuent d’exercer une pression constante, tandis que la région sahélienne s’enlise dans une instabilité chronique. Politiquement, le pays cherche à naviguer entre les influences internationales, notamment la France, et une volonté croissante de réaffirmer sa souveraineté.
Le retrait récent du Tchad de l’accord de coopération militaire avec Paris marque un tournant. À l’instar du Mali, du Burkina Faso et du Niger, le pays adopte une posture plus assertive, rejetant l’héritage postcolonial pour redéfinir ses alliances. Pourtant, ce choix soulève des questions : comment le Tchad gérera-t-il la menace terroriste sans le soutien logistique et militaire français ? Et quelles nouvelles alliances émergeront dans ce contexte ?
Entre transition et autoritarisme : quel avenir pour le Tchad ?
Mahamat Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir en 2021 après la mort de son père, Idriss Déby Itno, s’était engagé à mener une transition démocratique. Mais cette transition semble s’être transformée en consolidation autoritaire. Ces élections législatives, bien qu’essentielles pour doter le pays d’une nouvelle Assemblée nationale, apparaissent comme un exercice contrôlé visant à conforter le pouvoir en place.
La posture du MPS, qualifiant le boycott de l’opposition de « stratégie destructrice », souligne une incapacité à engager un dialogue inclusif. Pourtant, sans une opposition crédible et un véritable pluralisme, la stabilité politique reste fragile. Le spectre des contestations post-électorales plane, d’autant que le code électoral tchadien permet encore de contester les résultats définitifs, attendus le 3 février.
Une démocratie en trompe-l’œil
Le Tchad est à la croisée des chemins. Si les élections du 29 décembre 2024 ont offert un vernis de légitimité démocratique, elles n’ont pas dissipé les profondes fractures politiques et sociales qui traversent le pays. Entre un pouvoir consolidé, une opposition marginalisée et des défis sécuritaires persistants, l’avenir du Tchad repose sur une question clé : le pays choisira-t-il de renforcer ses institutions démocratiques ou continuera-t-il à évoluer sous le joug d’un autoritarisme masqué ?
Dans un monde où l’Afrique cherche de plus en plus à définir son propre destin, l’expérience tchadienne illustre une leçon cruciale : sans inclusion et transparence, la quête de souveraineté risque de se heurter à ses propres contradictions.
Oumarou Fomba
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