Pour la résolution de la crise malienne, il convient que toutes les parties, pouvoir politique et mouvement contestateur, s’assument. Dans ses analyses, Mikailou Cissé invite à une renaissance.
Les vrais problèmes du Mali
Le marasme dans lequel le Mali et son peuple sont plongés, celui qui paralyse le fonctionnement normal de toutes ses institutions, son économie nationale, qui fragilise davantage son système de défense ainsi que la quiétude dans la sous-région est la résultante des nombreuses difficultés auxquelles ce pays faisait déjà face et n’est jamais parvenu à s’en sortir. Parmi celles-ci, l’insécurité, dans une vaste étendue de son territoire, et les blocages institutionnels auxquels il fait face dans l’application de l’Accord pour la paix qu’il a signé avec plusieurs dissidents de sa partie septentrionale, occupent une part importante.
En plus de ces deux précédentes difficultés citées ci-haut et celle liée à la contestation des résultats des élections législatives, l’attitude du chef d’État vis-à-vis des contestateurs, la posture des contestateurs vis-à-vis de l’exécutif, l’indifférence d’une franche partie du peuple vis-à-vis des contestateurs et du pouvoir politique ainsi que les recommandations des missionnaires de bons offices de la CEDAO sont aussi des subterfuges.
L’agissement du chef d’État
L’attitude du chef de l’État fait partie des causes de cette crise que le Mali traverse en ce sens qu’il a été de tout le temps indifférent aux cris de détresse du peuple. Depuis qu’il a pris fonction, le peuple malien dans son ensemble n’a pas connu de paix. Il est certes d’un commun accord qu’il a été plébiscité à la tête du pays pendant une période de troubles, mais sa réaction à elle aussi compliquée davantage une sortie réelle de crise. La posture qu’il a choisie comme mode de réponse aux problèmes soulevés par les contestateurs est une stratégie qui le sépare de plus en plus de son peuple. Elle est jugée belliqueuse et inappropriée par même une certaine franche de ses fervents partisans.
IBK peut sortir par la grande porte
De même, la situation dans laquelle il se trouve ne lui facilite pas la tâche. Elle l’empêche de trouver une solution dans le strict respect de la constitution et des normes de l’état de droit qui pourrait satisfaire les contestateurs sans écourter son mandat. Il est pris en otage entre le respect de l’ordre constitutionnel et l’abandon de celui-ci. Il s’est avéré que toute résolution prise par ses soins et qui pourrait être acceptée par une large base des contestateurs lui implique de facto la perte d’un bon nombre de ses prorogatifs de président de la République. S’il s’en tient à la constitution, il n’est pas obligé d’accepter de concéder certains pouvoirs que la constitution lui confère et/ou de démissionner. Mais, s’il accepte la capitulation, partir facilement comme son prédécesseur, son nom figurera dans les annales des dirigeants qui ont accepté d’abdiquer sans opprimer le peuple.
Un véritable dilemme
Toutefois, un tel acte héroïque de sa part n’est pas sans conséquence néfaste. Le peuple sera tenté d’en faire une tradition. Il foulera par terre tous les acquis de la démocratie malienne. Au mieux, les pays de la sous-région seraient tentés de s’en inspirer. De même, sa famille politique et ses collaborateurs perdraient tous les privilèges qu’ils ont acquis au profit des collaborateurs du prochain locateur du rocking-chair présidentiel. Pire encore, il pourrait être le début d’une chasse à l’homme entre les politiques.
Au contraire aussi, s’il reste ferme sur sa position, c’est-à-dire, s’abstenir de donner des réponses politiques aux problèmes politiques, des solutions judiciaires aux problèmes judiciaires, des solutions institutionnelles aux problèmes institutionnelles, en termes court, de donner des solutions appropriées à chaque problème, en s’accrochant à un pouvoir qu’il a perdu ou qu’il n’a jamais eu, il risquerait de figurer dans le livre des chefs d’État qui ont conduit leurs pays à l’abime. Le dilemme dans lequel le chef de l’État se trouve lui impose d’avoir un sens élevé de jugement et d’appréciation ainsi qu’une culture sur le droit.
Le M5 dans une situation difficile
Le regroupement d’associations et de partis politiques dénommé le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui dirige la contestation, est aussi dans une situation similaire que celle du président. Les leaders qui l’animent tirent leur légitimité dans leur mot d’ordre : la demande de démission du président de la République. S’ils abandonnent ce dernier au profit d’un arrangement politique, ils perdraient de facto leur crédibilité aux yeux du peuple au même titre que le président. Au mieux, ils risqueraient d’être catalogués parmi les traitres. De même, s’ils n’acceptent pas de faire des compromis, en restant crispé sur leur demande, cette fois-ci, elle devient une exigence. De là, ils sortiront du cadre légal qui les est cher.
En plus de ce fait, les discours qu’ils tiennent pendant les interviews qu’ils accordent aux médias est un facteur qui inocule davantage le Mali dans la crise. Ils contribuent au même titre que leur ambition démesurée pour la conquête, pour la gestion et le contrôle du pouvoir politique à compliquer une sortie de crise réelle. Même si les leaders acceptent de prendre lange avec le pouvoir, rien ne garantit que les milliers de manifestants qui ont accepté de sortir pour manifester leur récrimination pendant les différentes sorties suivront les consignes si toutefois ils parviennent à avoir un accord qui ne prend pas en compte la démission du président de la République.
En outre, une bonne franche du peuple contribue le plus à enfoncer le Mali dans la crise que les deux protagonistes à cause de son inaction. Leur posture n’est d’autres que de l’indifférence. Elle est celle qui fait que le chef de l’État et les leaders des contestateurs se campent sur leurs positions respectives et s’enfichent des répercussions que leurs agissements peuvent avoir sur l’ensemble du peuple.
Les propositions de la CEDEAO, des solutions-problèmes
Enfin, les propositions de sortie de crise proposent par les émissaires envoyés par la CEDAO sont à leur tour des sentences qui concourent à envenimer la situation du fait qu’elles sont en déphasages avec les réels problèmes. Elles ne permettent aucunement de résoudre substantiellement le mal-être de l’être-malien. Elles sont aussi, dans une large mesure, contestées. Il est certes un constat palpable que les émissaires de la CEDAO ont concouru à maintenir le contact entre le pouvoir politique et les leaders des contestateurs, mais jusqu’ici ils n’ont pas permis de faire rapprocher substantiellement les positions.
Pour sortir de ces crises
En considération de ce qui précède et indépendamment de toute prise de position politique, pour que le Mali sorte de l’abime dans lequel il s’engouffre davantage jour après jour, il faut au préalable une solution chirurgicale non cosmique. Il est un constat palpable en se référant aux précédentes solutions que les compromis politiques ont montré leurs limites. Pour une réelle et véritable sortie de crise au Mali, il faut une annihilation de ce qui fut l’être-malien et de ce qu’il est aujourd’hui au profit d’un nouveau type d’être. L’avènement d’un autre type de Malien est la condition impérative pour une réhabilitation de l’être-malien. Pour cela, l’être malien d’aujourd’hui doit accepter d’être pondu pour un autre type d’être malien non le reflux pour une génération future. La mort ou le dépassement dont il est question ici est ontologique.
En plus de cela, il faut apporter des ajustements réels dans la gestion du pouvoir politique et dans le mode de désignation des politiques. Une réappropriation c’est-à-dire une adaptation de la démocratie à l’environnement sociopolitique malien est nécessaire. Elle est celle qui permettra au peuple malien d’élaborer un nouveau projet de société avec le concours de toutes les couches socio-professionnelles. L’octroi d’un pouvoir de contrôle réel au peuple sur la gestion du pouvoir politique doit être un élément non négligeable. La mise à l’écart de tous ceux qui ont participé directement à la gestion du pouvoir politique doit faire l’objet d’une assemblée populaire. Car leur part de responsabilité dans la piètre condition d’existence du Mali est non insignifiante.
Mikailouu CISSE, le nihiliste en puissance
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