À la tribune des Nations unies, le 26 septembre 2025, le Premier ministre malien, Abdoulaye Maïga, portait à la face du monde l’implication de Kiev dans le conflit malien à travers la fourniture des drones et un appui technique à des groupes armés opérant dans le nord du Mali. Des révélations publiées par Jeune Afrique quelques jours plus tard accréditent ses déclarations.
« Quelle que soit la distance qu’aura parcourue le mensonge, la vérité finira par le rattraper », dit-on. Qu’il en soit ainsi pour les complots dont le Mali est victime, si ce n’est déjà le cas ! Le 26 septembre dernier, lors de la 80 ᵉ session de l’Assemblée générale des Nations unies, le Premier ministre malien, le général Abdoulaye Maïga a directement mis en cause l’Ukraine, expliquant son soutient aux groupes terroristes actifs au Mali et dans la zone de l’Alliance des États du Sahel (AES). « Aussi éloignée qu’il n’y paraît, la guerre en Ukraine et le terrorisme dans le Sahel ont des connexions », a affirmé le chef du gouvernement malien à la tribune des Nations Unies.
Rappelant une attaque contre une patrouille malienne à Tinzawaten (région de Kidal) survenue en juillet 2024, Maïga a évoqué la revendication publique d’officiels Ukrainiens qui ont reconnu leur participation à cette opération menée aux côtés de groupes armés. « Ce comportement atypique montre que certains responsables ukrainiens ont confondu la scène internationale avec une scène de théâtre », a-t-il ironisé.
Selon Bamako, l’Ukraine est devenue en un an l’un des principaux fournisseurs de drones kamikazes à des groupes terroristes opérant dans plusieurs régions du monde, y compris au Sahel.
L’appel du Mali à la communauté internationale
Dans son discours, Abdoulaye Maïga a exhorté les pays occidentaux à « cesser de fournir des armes à l’Ukraine », indiquant que ce soutien pourrait « contribuer à la promotion du terrorisme international ». Il a également dénoncé le rôle de la France, accusée de « manœuvrer pour détourner l’attention de la communauté internationale » en soutenant simultanément Kiev et des groupes rebelles sahéliens.
Le Premier ministre a rappelé que Bamako avait saisi le Conseil de sécurité de l’ONU dès 2022, pour présenter des preuves du soutien de Paris à des acteurs terroristes — une requête restée sans suite. « Il est temps d’agir pour que les responsables soient identifiés et confondus », a-t-il lancé, appelant les institutions internationales à « répondre véritablement aux cris de détresse des peuples opprimés qui revendiquent leur souveraineté ».
Des éléments nouveaux publiés par Jeune Afrique
Le 7 octobre 2025, Jeune Afrique a publié un article, « Mali : comment les tactiques militaires ukrainiennes s’importent au Sahel », confirmant l’existence d’un appui technique ukrainien à certains groupes armés touaregs du nord du Mali, notamment au Front de libération de l’Azawad (FLA).
Selon plusieurs sources citées, le FLA — créé en novembre 2024 — aurait bénéficié d’une formation spécialisée en Ukraine sur l’usage des drones armés FPV (pilotés en immersion) et des drones à fibre optique, quasiment impossibles à brouiller.
« Certains éléments du FLA ont reçu une formation en Ukraine. De retour sur le terrain, ils ont renforcé leurs compétences et formé d’autres combattants », a reconnu Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole des rebelles, rapporté par Jeune Afrique.
Ces drones, capables de transporter des charges explosives, sont désormais utilisés pour mener des attaques ciblées contre des positions de l’armée malienne ou de ses alliés russes.
Une guerre asymétrique en pleine mutation
Les tactiques de guerre apprises en Ukraine auraient permis aux terroristes touaregs d’adapter leurs méthodes face à la supériorité technologique des forces maliennes et russes. Des leurres gonflables, imitant des véhicules militaires, seraient également employés pour tromper les frappes de drones. En août 2025, l’armée malienne a annoncé avoir saisi 20 véhicules gonflables destinés à des groupes armés opérant dans le pays. Selon Rida Lyammouri, expert du Sahel au sein du groupe de réflexion marocain Policy Center for the New South, ces leurres gonflables « coûtent environ 1 300 dollars et, comparés au coût d’un vrai véhicule, voire aux pertes humaines ou aux dégâts que les drones pourraient causer, ils sont relativement peu coûteux pour eux ».
« Adopter cette tactique permet au FLA d’éviter la confrontation directe avec l’armée malienne et ses alliés mieux équipés », explique Rida Lyammouri.
Les experts notent toutefois que les drones utilisés par les rebelles restent inférieurs aux modèles turcs employés par l’armée malienne. Le groupe terroriste JNIM, affilié à Al-Qaïda, aurait lui aussi adopté des drones explosifs, accentuant la complexité du conflit dans le nord du pays.
Entre souveraineté et réalignement géopolitique
Depuis leur retrait de la CEDEAO, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), revendiquent une politique étrangère indépendante, recentrée sur la sécurité et la souveraineté. Les trois pays ont rompu leurs relations diplomatiques avec Kiev, qui soutient indirectement le FLA.
De son côté, l’Ukraine dément toute aide militaire aux terroristes maliens, affirmant que « leur lutte et leur ingénierie sont internes ». Mais sur le terrain, les nouvelles tactiques observées dans le nord du Mali — usage de drones, communication en immersion, guerre d’usure — laissent peu de doute sur l’existence de transferts de compétences entre les deux fronts : celui du Donbass et celui du Sahel.
Chiencoro Diarra
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