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Mali : ce que nous savons du statut de Serval, qui s’applique à Barkhane

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Dans une correspondance adressée à l’État major malien des armées, en date du 12 janvier 2022, le commandant de la Force Barkhane a rappelé deux références relatives aux accords entre les deux parties et a demandé leur respect. Dans cet article, nous vous livrons ce que nous savons du statut de Serval, qui s’applique à Barkhane en ce qui concerne surtout leurs postures et déplacements opérationnels sur le territoire national.

Nous sommes en janvier 2013. Les Forces armées maliennes, appuyées par la Force Serval, venaient de libérer les grandes villes du nord (notamment Tombouctou et Gao). La France de François Hollande est saluée par les Maliens dans leur plus grande majorité.

Le drapeau français flotte dans l’euphorie et partout au Mali en cette période. Dans la ville de Konna, un monument est érigé en la mémoire de Damien Boiteux, premier soldat français mortellement blessé lors de la première phase de l’opération. Laquelle phase consistait à appuyer les Forces armées maliennes pour stopper l’avancée des groupes djihadistes vers le sud du pays.

A Gao, le marché des légumes est rebaptisé en son nom, après avoir été réhabilité en 2013 suite aux affrontements entre les forces maliennes avec Barkhane et les groupes djihadistes. A Bamako, l’on avait même eu sur le marché un thé portant le nom de François Hollande. Qui qualifiera sa visite officielle au Mali (2013) comme, sans doute, le plus beau jour de sa carrière politique, en référence à l’accueil triomphal qui lui a été réservé par la population malienne.

Texte déterminant statut de Serval

Comme texte de référence sur le statut de la force « Serval », nous avons en premier lieu l’Accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Mali, signées à Bamako le 7 mars 2013 et à Koulouba le 8 mars 2013.

Cet accord, publié dans le journal officiel français par décret n° 2013-364 du 29 avril 2013, compte 12 articles et 7 pages. En son article 5, il est stipulé : « Pour les activités liées à l’exécution du présent accord, le personnel du détachement français circule sans restriction sur le territoire de la République du Mali, y compris son espace aérien, en utilisant les moyens de transport dont il dispose et sans qu’il ait à solliciter un accompagnement par les forces de la Partie malienne. A ce titre, le détachement français est autorisé à utiliser les voies ferrées, routes, ponts, transbordeurs, aéroports et ports en exemption de redevances, péages, taxes ou droits similaires. »

A l’article 11, il est écrit : « Tout différend entre les deux Parties concernant l’application ou l’interprétation des présentes stipulations est réglé par voie diplomatique ». L’Article 12 indique que cet « échange de lettres n’a pas pour effet d’abroger l’accord de coopération militaire technique du 6 mai 1985 ». Accord de coopération militaire technique qui peut se résumer, suivant les différents chapitres, en Assistance militaire technique de la France au Mali, Formation et perfectionnement des cadres des Forces Armées maliennes, Matériels et équipements militaires, auxquels s’ajoutent d’autres dispositions générales.

De Serval à Barkhane au Mali et au Sahel

A peu près deux ans de présence au Mali, l’opération Serval sera remplacée le 1er Aout 2014 par celle dénommée Barkhane. En plus du Mali, cette opération conduite par les armées françaises, s’étendra à d’autres principaux pays du Sahel. Il s’agit, pour rappel, du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad – regroupés également au sein de la Force G5 Sahel pour lutter contre le terrorisme sur leur sol.

Avec ses trois principales bases de commandement, à N’Djamena au Tchad, à Gao au Mali et à Niamey au Niger, la Force Barkhane est considérée comme l’une des opérations les plus importantes de l’armée française à l’étranger. Avec un budget estimé en 2020, selon les chiffres de l’Etat major français, à 880 millions d’euros, soit 577 milliards 242 millions 160 000 francs CFA.

Au Mali, leurs postures et déplacements opérationnels sont les mêmes que ceux de Serval comme indiqué à l’article 5 cité précédemment. Aussi, par un Protocole additif sous forme d’échange de lettres à l’Accord entre la France et le Mali déterminant le statut de Serval, signé le 06 et 10 mars 2020 à Koulouba et à Bamako, cet article 5 s’applique également pour les éléments de la Force Takuba sur le territoire malien.

Nous n’avons pas pu trouver ce document, mais des sources militaires contactées via WhatsApp nous ont confirmé qu’« il s’agit [effectivement] d’un document qui précise que les accords entre le Mali et la France en ce qui concerne les postures et déplacements opérationnels pour Serval puis Barkhane s’appliquent également pour les partenaires de la force Takuba ».

Lettre de précision de la France
Lettre de précision de la France. ©Etat-major des armées française

Des raisons de la présence française

Dans un rapport d’information de la commission de la Défense nationale et des Forces armées nationales de l’Assemblée nationale française, sur l’opération Barkhane, enregistré à la Présidence de cette institution le 14 avril 2021 sous le N°4089, il est expliqué aux Français pourquoi la France est militairement engagée dans les pays du Sahel.

« Si la France est présente aujourd’hui dans la bande sahélo-saharienne, c’est parce que les États locaux, pressés par une menace imminente, le lui ont demandé en raison de la place singulière que la France tient dans l’Union européenne, au Conseil de sécurité de l’Onu et dans l’histoire de l’Afrique. », justifie le rapport de l’Assemblée nationale française sur l’opération Barkhane.

« La France y a répondu favorablement parce qu’une partie de l’avenir du continent européen se joue sur son flanc Sud, et que la situation du Sahel y tient une place centrale, ajoute ce document de 234 pages. Au-delà des objectifs stratégiques européens de long terme, la France combat aussi au Sahel, aux côtés d’alliés africains, parce que la sécurité de ses citoyens l’exige […] »

Dispositif de réadaptation et accord de 2014

Depuis quelques mois, faut-il le rappeler, l’opération Barkhane se retrouve dans une nouvelle étape qui rentre dans le cadre de son « dispositif de réadaptation » au Sahel. L’annonce a été faite le 10 juin 2021 par le Président français Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse à l’Elysée, à la veille des sommets du G5 Sahel et de l’OTAN.

Au Mali, le processus de cette « réadaptation » a commencé depuis le 12 octobre 2021 à Kidal. A ce jour, des bases de Barkhane sont déjà retrocedées à l’armée malienne, comme à Tombouctou le 14 décembre 2021, conformément à l’article 8 du statut de Serval. Selon lequel article : « […] Les terrains et installations mis à la disposition du détachement français sont restitués en l’état d’usage à la Partie malienne […] ».

Pour rappel, il existe aussi un « Traité de coopération en matière de défense » entre la France et le Mali, signé à Bamako le 16 juillet 2014 par Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense de la République française d’alors et Bah Ndaw, ministre de la Défense et des anciens combattants de la République du Mali. Le projet de loi autorisant la ratification de ce traité entre la France et le Mali, soumis à l’Assemblée nationale française, est disponible sur le site du gouvernement français.

Dans son discours à la nation à la veille de la célébration du 61e anniversaire de l’armée malienne – qui a lieu ce jeudi 20 janvier 2022, le président de la transition malienne, Assimi Goïta, a indiqué que, « par une analyse objective du contexte actuel et en tenant compte des intérêts vitaux [du] pays, [ils ont] demandé la relecture de certains accords de coopération militaire ». Il a indiqué également que « de nouveaux accords ont été signés » sans donner plus de détails. A Bamako, on parle ces derniers mois de « diversification des partenaires » et d’ « abandon en plein vol ».

Sagaïdou Bilal


Cet article d’enquête est réalisé dans le cadre du projet Kenekanko de l’Observatoire citoyen contre l’impunité et pour la redevabilité – OCCIPRE, un consortium de Tuwindi, Amnesty International Mali et Free Press Unlimited (en partenariat avec la Délégation de l’Union européenne au Mali).

2 comments

Amadou Diallo 26 janvier 2022 - 6 h 34 min

Bel article

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Sahel Tribune 26 janvier 2022 - 19 h 12 min

Merci beaucoup

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