Dans un document exhaustif de plus de trente pages, rendu public le 24 novembre dernier par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le constat alarmant de l’expansion du trafic illicite d’or au Sahel met en évidence les risques financiers pour les États de la région, tout en soulignant les conséquences déstabilisatrices de cette activité sur la paix et la sécurité. Un avertissement pressant est lancé, mettant en lumière la nécessité urgente d’une régulation accrue du secteur aurifère pour contrer les sources de financement des groupes armés dans cette partie de l’Afrique.
Dans un contexte où le Burkina Faso annonce la construction de sa première raffinerie d’or, un récent rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime met en garde contre l’essor alarmant du trafic illicite d’or au Sahel. Cette pratique néfaste s’avère non seulement être une perte financière considérable pour les ressources étatiques du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger, mais elle constitue également une source de financement cruciale pour les groupes armés opérant dans la région, souligne le rapport.
Une expansion vertigineuse de l’exploitation aurifère
Le constat initial révèle une augmentation exponentielle de l’exploitation aurifère au Burkina Faso et au Mali au cours de la dernière décennie. Une production qui a plus que doublé, atteignant 102 tonnes en 2021 au Burkina Faso, faisant de ce pays le troisième producteur d’or du continent, suivi de près par le Mali. Cependant, ces chiffres, déjà impressionnants, sous-estiment largement la réalité, car ils excluent la production sous le contrôle de groupes armés, notamment dans le nord du Mali.
Un enjeu financier colossal et des emplois menacés
Cette manne financière titanesque, évaluée à 12,6 milliards de dollars en 2021 pour les quatre pays concernés (Burkina Faso, Mali, Mauritanie et Niger), représente également un potentiel important en termes d’emploi, avec plus de 8 millions de personnes travaillant déjà dans les mines au Sahel, selon l’agence onusienne. Cependant, ce moteur de développement risque de s’épuiser si les pays du Sahel ne parviennent pas à mieux encadrer le secteur artisanal et informel.
Appel à une régulation accrue
Le rapport souligne la disparité entre les déclarations d’exportation du Mali vers les Émirats arabes unis en 2019 (500 tonnes) et les importations déclarées par ce dernier pays en provenance du Mali (près de 81 000 tonnes), soit 160 fois plus. Dans ce contexte, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime exhorte ces États à faciliter l’obtention de licences d’exploitation minière et à réglementer le secteur. L’objectif est d’éviter que les mineurs artisanaux ne cèdent leur or à des groupes armés ou à des trafiquants faute d’opportunités avec l’État.
Le trafic d’or, une menace pour la stabilité régionale
L’or, en tant que marchandise de grande valeur, suscite l’intérêt du COT (criminalité organisée transnationale) et des groupes armés, y compris les groupes extrémistes violents, en raison de ses profits élevés et de son utilisation dans le blanchiment d’argent et les flux financiers illicites. Le rapport met en lumière les opérations régionales des réseaux de trafic d’or du Sahel, soulignant l’arbitrage exercé par ces trafiquants pour maximiser leurs profits en changeant les itinéraires de transport entre différentes juridictions.
Les conséquences dévastatrices du trafic d’or
Le trafic d’or prive les pays du Sahel de millions de dollars de recettes fiscales chaque année, alimentant la violence entre communautés, groupes armés et forces de sécurité. Les obstacles à la formalisation du secteur, la corruption, le blanchiment d’argent et les systèmes financiers alternatifs sont identifiés comme les principaux moteurs de cette activité criminelle. Bien que la production et le commerce d’or contribuent à la paix et à la stabilité dans la région, leur exploitation criminelle représente un facteur majeur de déstabilisationm explique le rapport.
Des solutions nécessaires
Le rapport préconise une approche double pour résoudre ce problème pressant : d’une part, la confrontation des groupes criminels et de leurs activités illégales par des réponses judiciaires et une coopération internationale ; d’autre part, le soutien à la formalisation de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (ASM) à travers des cadres juridiques favorables et accessibles plutôt que punitifs. Cette approche inclut également la proposition d’activités économiques alternatives dans les communautés affectées par l’ASM.
Oumarou Fomba
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