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Échecs et stratégies : les Sages de la Cédéao à la croisée des chemins géopolitiques

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Le Conseil des Sages de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), sous la direction de l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, s’est réuni à Abidjan du 29 au 30 avril 2024 pour discuter des défis de gouvernance, de paix et de sécurité dans la région. Cette rencontre intervient alors que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont décidé de quitter l’organisation, soulevant des questions sur l’efficacité des médiations régionales.

Sur la scène géopolitique en Afrique de l’Ouest, les actions récentes des sages de la Cédéao, sous la présidence de Dr Goodluck Jonathan, ressemblent davantage à des tentatives désespérées de colmater des brèches plutôt qu’à des solutions pérennes pour les défis de gouvernance, de paix et de sécurité. Leurs récentes déclarations à Abidjan lors d’une retraite de deux jours, bien que teintées d’une noble intention de préserver l’unité régionale, semblent manquer de cette sagesse pratique émanant des figures historiques comme les sept Sages de la Grèce antique.

Les Sages en carton 

La sagesse, dans son essence la plus pure, ne consiste pas seulement à accumuler des connaissances ou à exceller dans la diplomatie préventive, mais plutôt à naviguer avec précaution dans les eaux troubles des intérêts géopolitiques tout en préservant les intérêts fondamentaux des peuples. Lorsque le Burkina Faso, le Mali et le Niger annoncent leur retrait de la Cédéao, cela devrait sonner comme un réveil cinglant pour ces sages, leur rappelant que leur rôle dépasse la simple médiation ; il inclut également la capacité d’anticiper et de répondre efficacement aux crises. 

En 2022, des sanctions jugées « injustes, inhumaines et illégitimes » ont été imposées contre le Mali, suivies par des mesures similaires contre le Burkina Faso et le Niger. Ces sanctions, loin de stabiliser la région, ont exacerbé les tensions. Lorsque l’organisation ouest-africaine a brandi la menace d’une intervention armée contre le Niger suite au coup d’État de juillet 2023, le Mali et le Burkina Faso ont réagi en assimilant cette possibilité à une déclaration de guerre. Ces moments de crise auraient dû être des occasions pour le Conseil des Sages d’intervenir et de modérer, de rappeler les parties à la raison et à la recherche de solutions pacifiques. Pourtant, leur silence ou leur alignement sur les décisions controversées soulève des questions sur leur pertinence et leur efficacité.

La résilience des peuples malien et burkinabé face à ces épreuves aurait dû être un signal d’alarme pour ces « Sages en carton », leur montrant la nécessité de revoir leurs méthodes et d’adopter une approche plus juste et plus humaine. Mais la réalité, souvent cruelle, nous rappelle que les titres honorifiques ne garantissent pas la sagesse et que les conseils prodigués ne sont pas toujours exempts de calculs politiques ou d’intérêts personnels.

Une « arène de conflits géostratégiques »

Le sage moderne, devrait-il être semblable à Solon, utilisant son intelligence pour légiférer avec prudence, ou devrait-il suivre l’exemple de Thalès, en plongeant dans les profondeurs de la philosophie pour chercher des réponses aux crises contemporaines ? L’appel à la réconciliation et à l’unité semble faible lorsqu’il est juxtaposé à la réalité des ingérences étrangères qui manipulent subtilement la dynamique régionale pour servir des intérêts stratégiques lointains.

La région est décrite comme une « arène de conflits géostratégiques » par le Conseil lui-même, révélant ainsi une prise de conscience de la vulnérabilité de ces États à des forces extérieures. Pourtant, leur réponse manque d’une stratégie claire pour contrer efficacement ou atténuer ces influences. Est-ce la marque d’un véritable sage, celui qui se contente de reconnaître les problèmes sans proposer de véritables solutions ? 

La véritable sagesse ne devrait-elle pas aussi consister à offrir des solutions tangibles et justes qui ne conduisent pas les nations à un isolement désespéré, mais plutôt à une indépendance constructive ? Comment les sages de la Cédéao peuvent-ils se regarder dans le miroir de l’histoire et voir autre chose que l’échec, si les nations qu’ils prétendent unir se sentent contraintes de quitter l’organisation ?

Des reliques d’une époque révolue

En vérité, le titre de « sage » au sein de la Cédéao devrait être un cri de ralliement pour une introspection profonde et une réévaluation de leurs méthodes et approches. Le sage d’aujourd’hui doit transcender la diplomatie conventionnelle et la réaction aux crises pour devenir un architecte de solutions durables qui respectent à la fois l’autonomie des États membres et leur intégrité collective.

La décision de ces trois pays de quitter l’organisation commune n’est pas seulement un acte de rébellion, mais un signal d’alarme pour que les sages redéfinissent leur rôle et réaffirment leur pertinence. À défaut, ils risquent de devenir des reliques d’une époque révolue, où les conseils pratiques et la modération guidée par la sagesse faisaient défaut quand ils étaient le plus nécessaires.

Chiencoro Diarra 

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