À l’occasion de sa fête nationale, le Bénin a invité des troupes étrangères, dont certaines issues de l’Alliance des États du Sahel (AES), à participer à son défilé militaire. Une démarche qui traduit une volonté d’ouverture envers ses voisins sahéliens. Ce geste pourrait marquer un tournant dans la coopération régionale et montrer l’importance d’une approche commune contre le terrorisme. Une évolution que beaucoup observent comme le signe d’un début de convergence entre pays sahéliens et côtiers.
Sans effacer les différends passés, cette main tendue peut traduire une prise de conscience, notamment, les défis sécuritaires du Sahel et des pays côtiers sont intimement liés. Le Bénin semble désormais reconnaître que le combat contre le terrorisme ne peut se gagner qu’ensemble.
Une initiative qui dépasse les symboles
C’est par la voix du porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji, que l’annonce a été faite. Le 20 juillet, il a révélé que plusieurs pays ont été conviés à prendre part au défilé aux côtés des troupes béninoises, parmi lesquels figurent des membres de l’AES. « Nos populations sont les mêmes de part et d’autre des frontières », a-t-il déclaré.
Au-delà de l’aspect protocolaire, ce message est porteur d’une idée fondamentale, à savoir celle d’un destin partagé. Car si les divergences politiques ont longtemps pris le pas sur la coopération, les réalités sécuritaires s’imposent aujourd’hui à tous.
L’épreuve du feu, la tragédie d’avril
Le 17 avril dernier, une attaque jihadiste meurtrière dans le nord du Bénin, à la frontière nigérienne, a coûté la vie à 54 soldats béninois. L’attaque, revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), a démontré la perméabilité des frontières et les limites de l’approche sécuritaire strictement nationale.
Dans la foulée, les autorités béninoises ont exprimé leur frustration face au manque de coordination avec certains voisins. Pourtant, l’invitation adressée aujourd’hui aux pays de l’AES peut aussi être lue comme une volonté de dépasser les accusations, et de revenir à une logique d’action conjointe.
Des tensions politiques qui ont laissé des traces
Depuis la rupture entre les pays de l’AES et la CEDEAO, les relations entre le Bénin et certains d’entre eux se sont nettement dégradées. Cotonou avait été accusé d’avoir facilité des actions hostiles à l’égard de certains pays de l’AES, des accusations que le Bénin a rejetées.
Malgré cette défiance, les autorités béninoises semblent vouloir reposer les bases d’une coopération transfrontalière, en reconnaissant tacitement que les approches institutionnelles divergentes ne doivent pas empêcher le dialogue ni la coordination sur des questions aussi vitales que la sécurité.
Une fête nationale comme point de départ
La célébration du 65 ᵉ anniversaire de l’indépendance béninoise est présentée par le gouvernement comme un moment d’« apothéose ». Si elle marque peut-être la fin de mandat du président Patrice Talon, elle pourrait aussi symboliser le début d’une phase de rapprochement avec les États du Sahel.
L’invitation aux troupes de l’AES, dans ce contexte, n’est pas anodine. Elle porte l’espoir d’un dialogue renouvelé, fondé non plus uniquement sur les exigences de partenaires extérieurs, mais sur la réalité du terrain et des intérêts partagés entre voisins.
Une compréhension progressive des dynamiques sahéliennes
Les pays de l’AES ont souvent exprimé leur volonté de conduire leurs politiques sécuritaires de façon souveraine, loin des injonctions d’anciennes puissances ou d’organisations régionales jugées trop rigides. En tendant la main, le Bénin semble reconnaître que cette posture repose sur une volonté de mieux protéger leurs peuples et territoires.
Face à la menace terroriste qui frappe aussi bien le Sahel que les pays du Golfe de Guinée, cette évolution du discours béninois apparaît comme un signe d’ajustement stratégique. Elle pourrait annoncer une phase de coopération plus réaliste et plus enracinée dans les priorités africaines.
Une coopération indispensable pour la stabilité régionale
Si les troupes sahéliennes répondent présentes au défilé du 1er août, cela renforcera le message selon lequel la sécurité au Sahel et au Bénin ne peut être dissociée. Même si aucune réaction officielle n’est encore venue de l’AES, le simple fait que l’invitation soit posée indique un début de changement d’approche de la part de Cotonou.
Dans une sous-région fragmentée, mais confrontée aux mêmes menaces, cette ouverture pourrait être un point de bascule. Il ne s’agit plus d’imposer des modèles, mais de construire ensemble des solutions. Et cela, le Bénin semble aujourd’hui le comprendre.
Ibrahim Kalifa Djitteye
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