La Confédération des États du Sahel (AES) franchit une étape clé avec la création de la Banque Confédérale d’Investissement et de Développement, dotée d’un capital initial de 500 milliards de francs CFA. Cet instrument financier ambitieux vise à renforcer l’autonomie économique de l’AES, à financer des projets structurants et à stimuler l’intégration régionale.
C’est un Assimi Goïta en chef de guerre et en stratège économique qui a convoqué, ce jeudi 13 mars 2025, une réunion de haut niveau au palais de Koulouba. À quelques mois de la fin de la présidence malienne de la Confédération des États du Sahel (AES), le général-président a réuni autour de lui l’état-major de son gouvernement : huit ministres, dont les poids lourds de la Défense, de la Diplomatie et de l’Économie. Objectif : dresser le bilan d’un projet qui, en moins d’un an, a réécrit les règles du jeu géopolitique en Afrique de l’Ouest.
Depuis le sommet inaugural de l’AES, en juillet 2024 à Niamey, les lignes ont bougé, et Assimi Goïta entend bien le faire savoir. Trois axes stratégiques, martelés comme un triptyque idéologique : Défense et Sécurité, Diplomatie et Développement, ou pour faire simple les « trois D ».
Une architecture militaire en construction
Sur le premier front, celui du combat contre les groupes armés terroristes, le ministre de la Défense, le général Sadio Camara, ne cache pas sa satisfaction. La force conjointe de l’AES, regroupant les armées malienne, burkinabè et nigérienne, est désormais opérationnelle. L’opération Yéréko, menée dans la zone des trois frontières, en est l’illustration la plus flagrante. Des bastions terroristes neutralisés, des arsenaux saisis, un terrain reconquis.
C’est un tournant militaire assumé. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les régimes de transition ont définitivement tourné la page des interventions étrangères. Finie l’époque des coalitions sous perfusion occidentale. Désormais, les règles sont celles de la souveraineté retrouvée, des alliances redéfinies et des rapports de force imposés par les armes.
Une diplomatie de rupture
Sur le terrain diplomatique, l’AES avance ses pions. Un drapeau, un passeport, un logo. Autant de symboles qui traduisent une ambition bien réelle. « Nous parlons désormais d’une seule voix », se félicite Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et chef d’orchestre de cette nouvelle géopolitique du Sud global. Exit la CEDEAO, marginalisée et contestée. Place à un axe Bamako-Ouagadougou-Niamey, qui façonne sa propre identité régionale.
En coulisses, les tractations vont bon train. L’AES cherche ses alliés naturels. La Russie, la Turquie, l’Iran, des partenaires arabes et asiatiques. L’Afrique de l’Ouest, elle, observe. Entre fascination et inquiétude.
Un projet économique encore embryonnaire
Mais la confédération des États du Sahel ne peut se contenter d’être un projet sécuritaire et diplomatique. Il lui faut une colonne vertébrale économique. Là encore, Assimi Goïta affiche ses ambitions.
Sur ce terrain, le ministre de l’Économie, Alhousseini Sanou, joue les maîtres d’œuvre. Deux avancées majeures : la mise en place d’un taux de prélèvement confédéral, destiné à financer les projets de développement, et la création de la Banque Confédérale d’Investissement et de Développement de l’AES, dotée d’un capital initial de 500 milliards de francs CFA.
La dynamique est lancée, même si tout reste à faire. Dans les tiroirs du ministère des Finances, un code des douanes AES est en préparation. Un espace commercial unique se dessine. Mais surtout, les grands chantiers logistiques — chemin de fer transsahélien, compagnie aérienne confédérale — figurent en bonne place dans les plans stratégiques. Un pari audacieux, mais qui soulève une question : où trouver les financements ?
Une présidence Goïta entre pragmatisme et incertitudes
D’ici trois mois, la présidence malienne de l’AES prendra fin. Assimi Goïta laissera-t-il derrière lui une Alliance solidement ancrée ou un projet encore fragile ?
Les chantiers lancés sont titanesques, mais les obstacles restent nombreux : financements incertains, pressions diplomatiques, dissensions internes. Bamako, Niamey et Ouagadougou affichent leur unité, mais des tensions subsistent, notamment sur la mise en place de certaines structures économiques.
L’histoire retiendra néanmoins que sous la présidence Goïta, l’AES aura cessé d’être une simple déclaration politique pour devenir une réalité tangible.
Une confédération naissante, un laboratoire géopolitique, un défi historique. Et une question qui demeure : l’AES sera-t-elle un modèle de rupture durable ou une parenthèse dans l’histoire mouvementée du Sahel ?
A.D
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