Depuis Moscou, devant ses compatriotes établis en Russie, le Président de la Transition malienne, Assimi Goïta, a livré un discours sans filtre. Coopération stratégique avec la Russie, bilan sécuritaire, défense acharnée de l’Alliance des États du Sahel (AES) et lutte contre le terrorisme érigée en combat de civilisation. Le chef de l’État trace, avec une certaine gravité, les contours d’un Mali nouveau, affranchi des tutelles, décidé à briser l’ordre établi.
C’est un Assimi Goïta combatif, presque prophétique, qui s’est adressé à la diaspora malienne à Moscou. Loin des formules diplomatiques, le Président de la Transition a préféré la franchise rugueuse du soldat. Et s’il n’a pas mâché ses mots, c’est sans doute parce que l’enjeu lui semble immense : assurer au Mali sa souveraineté pleine et entière, sécuritaire comme diplomatique, au prix, s’il le faut, de l’isolement ou de l’affrontement.
Le ton est donné d’emblée : « Il était normal que nous rencontrions la Russie pour renouveler nos liens de coopération ». Une phrase anodine, si elle ne venait résumer l’un des plus grands virages géopolitiques du Mali depuis l’indépendance. Car pour Goïta, il ne s’agit pas d’un simple changement d’allié, mais d’un changement de paradigme. « Pendant près de dix ans, environ 19 500 soldats étrangers étaient présents sur notre sol. La sécurité n’est jamais revenue. » Deux ans de coopération avec Moscou, affirme-t-il, auront suffi à reprendre le contrôle de l’ensemble des capitales régionales sur l’ensemble du territoire national. Une victoire militaire, mais aussi psychologique.
Une diplomatie d’intérêt, pas d’allégeance
La Russie n’est pas ici perçue comme une puissance tutélaire, mais comme un partenaire stratégique. Une relation « gagnant-gagnant », martèle Goïta, qui cite à l’appui les transferts de compétences, les bourses d’études, les coopérations dans l’énergie, les mines, les télécommunications. Et le message est limpide : « Nous sommes venus défendre les intérêts de notre peuple. Et ce sera satisfait. » Point.
Mais l’essentiel est ailleurs, dans cette conception élargie de la souveraineté qui intègre la sécurité, le développement et la diplomatie dans un même logiciel stratégique : la Confédération des États du Sahel (AES), créée à Niamey (Niger), le 6 juillet 2024. Pour Goïta, l’AES n’est pas une entité conjoncturelle, mais une réponse structurelle à un système mondial vicié, dominé par des puissances étrangères qui utilisent le terrorisme comme un levier d’influence. « Le terrorisme, ce n’est ni l’ethnie, ni la religion. C’est un instrument géopolitique. Une nouvelle forme de colonisation. »
L’AES ou la rupture assumée
Derrière le verbe, une conviction : celle d’un monde post-Françafrique, où « la dynamique de précarré et de porte-plume » est révolue. Dans la bouche du chef de l’État, le langage se fait tranchant, presque corrosif : « Des États sponsors soutiennent ces groupes terroristes. » Et pourtant, pas d’appel à la haine. Seulement un appel à la vigilance, à la cohésion, à l’« union sacrée » derrière les autorités légitimes. La menace, selon lui, ne vient plus du désert, mais des réseaux sociaux, où la désinformation ronge les fondations de la jeune alliance.
L’AES, affirme-t-il, est désormais « verrouillée ». Et la clé ? « Jetée à la mer. » Drapeau, hymne, devise, passeport, banque d’investissement, plateforme de communication… : les institutions prennent forme. Reste à « déconstruire un système mental instauré depuis plus de 60 ans ». Un combat générationnel, un « combat pour l’éternité », porté par la jeunesse, seule capable, dit-il, de « mener les batailles que personne ne peut mener à notre place. »
Une vision, un combat, un prix
Il n’y aura « pas de marche arrière », prévient Goïta. Loin des grandes messes internationales, le Mali fait donc le choix du silence assourdissant de ses armes et de la résilience stratégique. Goïta le sait. Cette guerre sera longue, semée d’embûches et d’embargos, mais pour lui, l’essentiel est ailleurs. Dans l’idée que, pour la première fois depuis des décennies, le pays se bat pour lui-même — sans traducteurs, sans tuteurs, sans compromis.
Assimi Goïta n’a pas seulement parlé à Moscou. Il a lancé un avertissement au monde. Et une promesse à son peuple : celle d’un Mali debout, sans peur, sans maître, et plus que jamais prêt à écrire sa propre histoire.
A.D
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