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Après-covid-19: une politique monétaire expansionniste peut sauver l’économie tunisienne

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Les Marocains l’ont compris, et ils ont baissé les taux directeurs à 1,5 %, le gouvernement tunisien finira-t-il par s’en rendre compte ? et comprendre que dans une telle situation, toute mesure fiscale restrictive, impliquant l’augmentation de la pression fiscale se soldera par un échec cuisant, et ne pourra qu’aggraver davantage, les effets dévastateurs de la crise économique. Une politique de rigueur budgétaire ne fera pas mieux, et sera également inefficace. Seule une politique monétaire expansionniste, permettra en effet de juguler la crise et d’assurer la relance économique, et ce pour trois raisons essentielles, d’une part la nature de la crise pandémique, celle d’être générale et universelle, d’autre part, les caractéristiques et modalités de financement de l’économie tunisienne et enfin la nature, les caractéristiques, et la structure du tissu industriel Tunisien.

L’actuel régime fiscal : une politique de pression fiscale est un mauvais choix

L’actuel régime fiscal traduit à mon sens un régime inégalitaire, pour la classe moyenne, au profit de classes farouchement défendues, par une législation fiscale qui encourage l’évasion fiscale, l’indulgence et la corruption. Les poches d’évasion sont multiples : activités forfaitaires, professions libérales, industries extractives et surtout, un secteur parallèle, informel dont la part de plus en plus grandissante, échappe au contrôle de l’État, et s’infiltre par le biais de Lobbys pour influencer la législation fiscale, et l’orienter. Un projet de réforme fiscale doit être entamé, consacrant le principe de la justice, et de l’équité contributive, et donc la répartition équitable de la charge fiscale entre les contribuables. En plus, la transformation digitale de l’économie et des finances devrait aider l’Etat à moraliser l’environnement fiscal, et rendre plus efficients les systèmes de contrôle, ce qui devrait limiter l’évasion et la fraude et instaurer systématiquement un système de traçabilité. L’injustice fiscale provient du fait que les contribuables disciplinés, asservis, les retenus à la source en l’occurrence les fonctionnaires, salariés, et quelques rares filières du secteur privé, sont le maillon faible de ce dispositif, sont souvent sinon toujours victimes de disparités fiscales, et constituent la seule cible du génie fiscal, des gouvernements qui se sont succédé, l’actuel gouvernement ne faisant pas mieux. Cette classe de contribuables supporte la plus grande partie de l’impôt sur le revenu. Il nous appartient ainsi de nous indigner, de toute mesure consistant à augmenter davantage la pression fiscale sur cette catégorie de contribuables. En effet, lorsqu’aux mesures d’austérité, imposées par le bras armé de l’impérialisme international, la médiocrité, la corruption, le copinage, le clientélisme s’en mêlent, les clivages sociaux et régionaux s’amplifient, s’aggravent, et le résultat est l’effritement d’une classe moyenne qui jusque-là, a constitué la base fondamentale d’une certaine stabilité sociale, de la paix sociale. Sans une large classe moyenne et sans une justice sociale, le décollage socio-économique de la Tunisie est impossible à réaliser.

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En tous les cas, la stratégie de gestion de la crise déployée en cours de cette période, doit éviter toute mesure contraignante, de restriction, qui sera lourde de conséquences, car, au risque d’aboutir à l’érosion sociale, aura freiné l’un des moteurs essentiels de la croissance économique, à savoir la demande, qu’il s’agisse de la consommation ou de l’investissement. 

La question est donc pourquoi un tel acharnement, et cette attitude de nos gouvernements, pourquoi cette fuite en avant ?

Le vrai dilemme

Les choix stratégiques auxquels se trouve confronté le gouvernement tunisien reflètent-ils réellement cet antagonisme entre la souplesse monétaire et la rigueur monétaire et budgétaire ?

Pour nos décideurs politiques, le vrai dilemme n’est réellement guère entre souplesse et rigueur. En vérité le gouvernement tunisien se trouve aujourd’hui confronté au vrai « Dilemme » entre « reconnaissance internationale » et « souveraineté nationale ». Une reconnaissance internationale plus large au prix d’une perte de souveraineté nationale et de paix sociale voire de dignité. « La dignité », que seule une nation libre, récupérant toute sa souveraineté, pourra en assurer sans heurts le parcours, la réalisation. Tous les pays, à mi-chemin, comme le nôtre se heurtent à ces nouvelles formes d’impérialisme, se traduisant par des accords de partenariat, de tous genres : économique « ALECA », politico-militaire « partenaire privilégié de l’OTAN »…etc. L’impérialisme, agit en effet par le biais de « groupes d’influence » qu’il crée lui-même, ou dont il provoque la création, avec à la clé la tentation, et ce dans le cadre de stratégies « géopolitiques », via toutes sortes de fractures, d’entraves à la solidarité et à la cohésion sociale, à l’équité, à la justice entre classes sociales, entre secteurs et régions, seules garantes d’un développement économique soutenable, inclusif et durable. L’enjeu va aujourd’hui au-delà du simple redressement. Le gouvernement n’a plus d’autre choix que de relever l’hypothèque sur sa souveraineté, les demi-mesures sont des armes à double tranchant.

Les décideurs politiques tunisiens ne semblent guère saisir la fragilité de nos structures économiques, qui méritent d’être protégées. Une politique protectionniste s’impose désormais, car nos entreprises pour la plupart des petites PME ne sauraient résister à de tels fléaux.

Nature et caractéristiques du tissu industriel tunisien

Le tissu industriel tunisien est composé du secteur informel et du secteur formel. Le secteur informel est composé d’entreprises employant moins de 6 salariés – n’ayant pas de comptabilité. Quant au secteur formel, il est constitué des petites entreprises qui emploient entre 6 et 49 salariés, des moyennes entreprises entre 50 et 199 salariés et des grandes entreprises qui emploient plus de 200 salariés et qui sont soumises au régime réel d’imposition. Les petites et moyennes entreprises (PME) et les petites et moyennes industries (PMI) jouent un rôle central, car emploient la majeure partie de la population active et contribuent pour une très grande part à la réalisation du PIB, et donc à la création de richesses, et par voie de conséquence à la distribution des revenus. Avec le secteur public, la survie de ces entreprises est déterminante du devenir de notre pays.  

Les entreprises tunisiennes au nombre de 800 000 environ, et opérant dans tous les secteurs, appartiennent pour leur majeure partie au secteur informel représentant plus de 96 % de l’ensemble du tissu industriel. Quant au secteur formel, il représente moins de 4 %. Les grandes entreprises représentant près de 0,1 % de l’ensemble du tissu industriel. Cette structure est problématique, et ce, à plusieurs égards, notamment pour la régularité des recettes fiscales de l’Etat, et l’exercice des contrôles nécessaires garantissant la rentrée de ces recettes, cette structure est aussi fragilisante de l’ensemble de l’économie tunisienne.

Les entreprises étant ainsi pour la plupart des PME employant moins de 5 personnes, ou entre 6 et 49 personnes, elles ont difficilement accès, au financement direct, par émission de titres sur les marchés financiers. Leur taille ne leur permettant pas de répondre aux conditions de taille de performances exigées à l’entrée sur ces marchés. La seule alternative possible qui leur reste est celle du financement bancaire. Nous saisissons par-là, la vulnérabilité de ces entreprises et leur désarroi face à une Banque Centrale, qui exerce sur eux un véritable châtiment en fixant les taux directeurs, à un niveau trop élevé, voire exorbitant, et ce depuis mars 2018.

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La structure de l’économie tunisienne est donc fragile, et le mot d’ordre devrait être « Résilience ». Face à la crise pandémique, les entreprises privées tunisiennes n’ont d’autre issue que d’être soutenues, assistées, et toute politique de restrictions conduira à leur fermeture. Si en plus des franchises, et de la crise, elles sont contraintes de se financer à des taux exorbitants, leur existence est réellement menacée, avec toutes les tensions sociales qui pourront en découler, de par les pertes d’emplois, ces entreprises employant la plus grande partie de la population active. Donc seule une politique facilitant l’accès aux financements bancaires permettra à ces entreprises de continuer à exercer normalement leur activité, à stabiliser l’emploi, les revenus et pourquoi pas à créer de nouveaux emplois.

L’économie tunisienne : une économie d’endettement

De par les modalités même du système de financement de l’économie tunisienne, toute politique de rigueur, non précédée de réformes profondes freinera systématiquement l’activité économique tributaire des financements bancaires.

Le mode de financement de l’économie tunisienne, est en effet celui d’une économie d’endettement caractérisé par :  

  • La prépondérance de la finance indirecte ou l’endettement des entreprises vis-à-vis du système bancaire, faiblesse du taux d’autofinancement des entreprises pour la plupart des PME, ainsi que l’écart structurel entre épargne et investissement, les revenus des Tunisiens ne permettant pas de dégager une épargne suffisamment élevée, et enfin faiblesse de l’épargne financière
  • L’endettement des banques vis-à-vis de la Banque Centrale et donc, l’intervention de cette dernière en tant que prêteur en dernier ressort contraint ;  
  • La gestion administrative des taux d’intérêt. Même si les taux d’intérêt débiteurs sont fixés librement par les banques, ces taux restent sous un contrôle indirect strict de la BCT, cette dernière intervenant par la fixation des taux d’intérêt directeurs sur le marché monétaire

Endettement des entreprises vis-à-vis du système bancaire

Une économie de marché est une économie où les entreprises réalisent leur niveau d’investissement essentiellement au moyen de l’épargne brute qu’elles dégagent à partir de leur activité, et en même temps par l’émission de titres, c’est-à-dire au moyen d’un financement direct sur le marché de titres. Ceci n’est pas le cas des entreprises tunisiennes où le crédit bancaire constitue la forme principale de leur financement, soit plus de 98 %. L’endettement des entreprises jusqu’à un certain degré constitue une condition nécessaire à la croissance et au développement, car peut servir à l’augmentation du capital productif et de là, à la croissance économique. Seulement en économie de marché les entreprises se financent essentiellement, directement sur le marché des titres, elles vont donc faire appel à une épargne qui est déjà constituée par les ménages. Alors qu’en Tunisie, du fait de l’étroitesse des marchés de capitaux, qui jouent un rôle secondaire et n’assurent pas plus de 2 % des besoins de financement des entreprises, et où les entreprises n’y trouvent pas le complément nécessaire à leurs besoins de financement, du fait notamment des conditions de taille et de performance exigées à l’accès, elles recourent au crédit bancaire, qui assure plus de 98 % de leurs besoins de financement. L’économie tunisienne est donc une économie d’endettement sans épargne préalable au lieu d’une économie où l’épargne, nécessité absolue de tout investissement, c’est-à-dire de tout progrès, est plutôt volontaire et non forcée.

Faiblesse du taux d’autofinancement

En économie de marché, les entreprises couvrent près de 90 % de leurs besoins d’investissement à partir de leurs ressources internes. C’est le cas des entreprises américaines dont le taux d’autofinancement dépasse les 90 %. Le crédit bancaire ne constitue qu’un moyen de financement momentané pour ces entreprises, et sert souvent à couvrir certains besoins de trésorerie.

Les capacités de financement internes des entreprises tunisiennes sont très faibles par rapport à leurs besoins d’investissement, et leur taux d’autofinancement dépasse rarement les 60 %.

On comprend donc pourquoi, le crédit bancaire constitue une ressource d’appoint sans laquelle le maintien même du niveau d’activité des entreprises serait impossible. Dans ce cas, et vu l’étroitesse des marchés de capitaux, le crédit bancaire servira non seulement à couvrir des besoins de trésorerie ou à permettre un accroissement du niveau d’activité interne des entreprises, mais également à couvrir leurs besoins à moyen et long terme, ainsi qu’au remboursement des intérêts de leurs dettes.

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L’appareil bancaire et financier mis en place devait répondre à toutes les demandes de crédit des entreprises, et soutenir à tout prix l’activité économique. Le taux du crédit bancaire est ainsi très important et sa manœuvre devrait se faire avec beaucoup de précautions. Une entreprise n’est solvable que si le taux d’intérêt auquel elle se finance reste inférieur à sa rentabilité économique de l’entreprise. Dans le cas contraire, l’entreprise se trouve dans l’obligation de réduire son endettement, et donc le niveau de son activité économique. Les économies d’endettement n’ont pas les moyens pour s’autoréguler, la condition de solvabilité des entreprises non satisfaite, il en découle automatiquement une diminution de l’activité économique, et des taux d’intérêt élevés désincitent ces dernières, qui n’ont plus le moyen d’investir.

Quand est-ce que, donc, les autorités monétaires tunisiennes vont agir en conséquence et prendre en considération les spécificités de nos entreprises ?

L’écart structurel entre épargne et investissement

C’est un écart structurel entre le taux d’investissement désiré et le taux d’épargne réalisé par les Tunisiens, dont les revenus ne sont pas suffisamment élevés pour leur permettre de dégager une épargne qu’ils placeraient soit sur les marchés de titres soit auprès du système bancaire ». C’est donc, le crédit bancaire qui va ajuster l’épargne à l’investissement au moyen de la création monétaire, et de l’épargne forcée.

Et même si une épargne est dégagée, sa structure pose un problème. L’épargne liquide représente toujours une part importante et les placements sur le marché des valeurs mobilières représentent toujours une faible part de l’ensemble de l’épargne, c’est-à-dire de l’ensemble du portefeuille titres des particuliers et, également une faible part de l’ensemble des marchés des actions et des obligations où l’État et les organismes financiers sont les principaux intervenants, centralisant plus de 90 % des transactions. Cette structure est expliquée entre autres par l’aversion au risque du particulier tunisien.

Endettement structurel des banques vis-à-vis de la Banque Centrale

Les banques tunisiennes en parlant des banques de dépôt, n’ont guère la possibilité d’assurer la gestion de leur trésorerie par l’émission de titres négociables sur le marché… L’octroi de crédits, déduction faite de la collecte des dépôts, est générateur, pour l’ensemble du système, d’un besoin de refinancement couvert par des emprunts auprès de la Banque Centrale. Et c’est dans ce sens que le taux directeur de la BCT, joue un rôle central, puisqu’il représente le coût auquel se refinancent les banques. Les taux d’intérêt directeurs sont donc, déterminant du coût du crédit pour les entreprises, et donc du niveau de l’activité économique.

Les banques exprimant des difficultés de trésorerie peuvent se refinancer sur le marché monétaire où elles vont échanger, des titres qui leur ont été remis en contrepartie de crédits qu’elles ont accordés, contre des liquidités, qui représentent l’excédent des dépôts par rapport aux crédits réalisés par d’autres banques, ou par des institutions financières non bancaires, ou auprès de la Banque Centrale. 

La Banque Centrale : un prêteur en dernier ressort contraint

Les banques tunisiennes ne peuvent pas trouver auprès des autres institutions financières excédentaires les liquidités dont elles ont besoin, étant donné la prédominance du crédit bancaire, et l’insuffisance de l’épargne. Elles sont donc obligées de s’endetter, de se refinancer auprès de la Banque Centrale. Ce qui met cette dernière en situation de prêteur en dernier ressort contraint. La prépondérance du crédit bancaire dans le financement des entreprises signifie que c’est le crédit bancaire et donc la création monétaire qui en résulte, qui va assurer l’ajustement entre plans d’épargne et plans d’investissement. L’économie est ainsi financée par ce que l’on qualifie d’épargne forcée. Les excédents et déficits de trésorerie des banques, se compensent sur le marché monétaire, plus précisément sur le marché interbancaire, mais le problème, c’est que l’excédent réalisé par les banques prêteuses est toujours inférieur à la demande totale des banques emprunteuses. Dans ce cas, la Banque Centrale ne peut pas refuser d’accorder les refinancements demandés. Les banques fixent les taux d’intérêt des crédits qu’elles accordent en fonction des coûts qu’elles supportent, principalement en fonction du coût de refinancement, donc du taux d’intérêt directeur, ce dernier est contrôlé étroitement par la Banque Centrale.

Pourquoi une politique monétaire expansionniste ?

Une baisse de 100 points de TMM (Taux moyen du marché monétaire) permettra-t-elle de limiter les préjudices économiques de la pandémie et d’assurer la relance ?

Pour rappel, en parlant de relance économique, pendant plus d’une décennie, entre 2005 et 2015, l’Inde, un pays associé, il y a quelques années, à la pauvreté, a connu une croissance économique réelle continue de 7 %, et ce grâce à des politiques monétaire et budgétaire expansionnistes, par le financement de grands projets d’infrastructures, dans l’éducation, le transport et la protection sociale, dans les secteurs clés, en engageant de grandes dépenses publiques, par l’augmentation des salaires des fonctionnaires, par notamment une baisse des taux d’intérêt directeurs qui, par exemple rien qu’en 2015 ont été baissés à trois reprises. Voilà justement comment l’Inde a su se hisser au rang de grandes puissances économiques en se classant aujourd’hui parmi les 5 plus grandes économies mondiales (avec un PIB de           2972 mds $ et un taux de croissance économique de +9,4 % au premier trimestre 2020)

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Le taux du marché monétaire (TMM) en Tunisie, s’est situé, depuis le 18 mars 2020, au niveau de 6,80 % (Banque centrale de Tunisie), contre 7,94 %, à la même date de l’année écoulée, et 7,76 % une semaine auparavant. Cette baisse est due à la décision de la BCT le 17 mars 2020, d’abaisser de 100 points de base le taux d’intérêt directeur (taux fixé par la Banque Centrale, taux auquel se refinancent les banques) pour le ramener à 6,75 %, et ce dans le cadre de ses efforts pour contenir l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’activité économique.

L’évolution du TMM depuis 2018, marque cette volonté des autorités monétaires de contenir l’inflation en augmentant le coût du crédit bancaire. Au mois de mars 2020, le TMM s’élevait à 7,35 %, contre 7,84 % en février 2020, 7,81 % en janvier 2020, 7,90 % en mars 2019 et 7,28 % au mois de février 2019.

C’est depuis 2018 que la Banque Centrale a décidé de mener une politique monétaire restrictive, et de renchérissement du coût du crédit. Le TMM a en effet dépassé la barre des 7 % depuis le mois de juillet 2018, alors qu’il se situait aux alentours des 4 % et 5 % durant la période 2015-2017.

Aujourd’hui le TMM est de 6,80 %, un niveau encore trop élevé au vu des exigences de la période.

Les mesures d’austérité s’associent mal aux politiques inflationnistes. La politique monétaire expansionniste est dite inflationniste, car consiste à financer la croissance économique par la création monétaire, donc par une épargne dite forcée par opposition à l’épargne volontaire, et est donc génératrice d’inflation. Ce qui aurait expliqué l’augmentation du TMM depuis 2018 est une inflation d’origine monétaire, alors que l’inflation a été impliquée essentiellement par le glissement du dinar et la non-rationalisation des importations, l’augmentation des coûts à l’importation, et la prédominance d’un secteur parallèle, qui échappe au contrôle de l’État, et agit en toute impunité. Malgré une baisse trop timide en mois de mars 2020, le TMM, qui reste trop élevé pour soi-disant limiter la demande de crédit, et par voie de conséquence la création monétaire, n’est toujours pas justifié, étant donnée l’inflation galopante observée depuis quelques années, une inflation incompressible.

L’inflation a donc été plutôt importée, et générée par une décision de dévaluation imposée par les gardiens du temple. Une décision, payée au prix de grands sacrifices. Quoiqu’on puisse avancer, une telle décision, fondée sur le principe de la courbe en J, a produit exactement les effets contraires, et ne saurait être justifiée que par une soumission, aux consignes dictées par les organismes ONUSIENS.

L’inflation, le fléau le plus dangereux qui puisse sévir est en fait en hausse continue, et les dernières mesures, monétaires, budgétaires ou de change destinées à maîtriser l’inflation, et à améliorer la compétitivité des produits à l’exportation n’auraient servi qu’à appauvrir davantage la classe moyenne, et mis en difficulté les entreprises opérant notamment dans le secteur informel, et n’auraient eu pour conséquence que de brader l’économie Tunisienne.

En choisissant la rigueur, les autorités monétaires développent les instruments consistant à contrôler strictement la progression de la quantité de monnaie en circulation. Or ce contrôle est d’autant plus dangereux que le mode de financement de l’économie tunisienne est celui d’une économie d’endettement. Un mode de financement où le crédit bancaire est primordial, et en dépend la survie de l’entreprise tunisienne. En fait, dans une économie où le besoin de financement monétaire est croissant, une politique monétaire restrictive est non seulement inflationniste, mais également source de déséquilibres pour tout le système économique.

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Seule une politique de souplesse monétaire « d’argent bon marché » incitera les entreprises à investir davantage. Si l’incitation n’est pas suffisante, l’État doit injecter des liquidités dans l’économie par le canal des dépenses publiques supplémentaires financées au moyen d’épargne oisive, ou de ressources monétaires nouvelles pour réactiver la machine et opérer le décollage.

Reconnaissons, tout de même, que dans une économie d’endettement la mise en œuvre d’une politique monétaire adéquate est une tâche très difficile.

L’un des moyens utilisés par la Banque centrale pour limiter la demande de refinancement par les banques et de là l’accroissement de la masse monétaire, est une augmentation du taux de refinancement, le taux d’intérêt directeur. Ce dernier constitue un moyen de politique monétaire indirect, mais efficace. Dans une économie d’endettement, deux limites vont s’opposer à l’efficacité de la manœuvre du taux d’intérêt directeur. La première consiste en ce que les banques vont répercuter les coûts supplémentaires qu’elles vont supporter sur leurs taux d’intérêt débiteurs, donc sur le coût du crédit. La deuxième tient au fait que dans une économie caractérisée par la prépondérance du crédit bancaire et par l’absence d’autres sources de financement, que les entreprises pourront substituer à l’emprunt bancaire, une politique monétaire de taux d’intérêt peut ne pas avoir d’effets sur la demande de crédit. Vu l’importance de leurs besoins de financement externe, les entreprises sont prêtes à payer n’importe quel prix pour maintenir leur niveau d’activité. Mais, en même temps, elles tiennent à garder leur marge de profit, elles vont donc répercuter l’augmentation de leurs charges financières sur les prix.

Si la Banque Centrale décide de diminuer le montant de ses refinancements, en imposant des quotas à chaque banque ou établissement de crédit, elle risque également de mettre en difficulté les banques qui sont structurellement déficitaires.

Une politique monétaire restrictive implique un déséquilibre au niveau des flux réels et des flux financiers. Un ajustement par les prix va donc s’imposer.

Pour deux raisons essentielles, les entreprises vont se trouver dans l’obligation d’augmenter les prix quand il y a déséquilibre des flux financiers : d’abord, parce qu’elles ne peuvent plus financer leurs charges d’intérêt au moyen de l’endettement. Et puis, parce qu’elles ne peuvent plus maintenir leur niveau d’activité qu’en augmentant leur taux d’autofinancement et de là leurs réserves de bénéfices.

En même temps, le niveau de production va diminuer puisque les entreprises vont avoir tendance à diminuer leur effort d’investissement, des problèmes de chômage peuvent également en découler.

En économie d’endettement, la prédominance du crédit bancaire est essentiellement due à l’écart structurel existant entre épargne et investissement.

En effet, le recours aux marchés de capitaux, s’il paraît chose évidente pour les grandes entreprises, n’est pas possible pour les petites entreprises ou celles présentant des bilans non conformes aux conditions d’accès à ces marchés. Celles-ci n’ont donc pas la possibilité de se procurer des fonds propres ou d’augmenter leurs fonds permanents. 

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Une politique restrictive en économie d’endettement s’avère être difficile et ne peut se faire de manière permanente, car peut freiner l’activité économique, de par la nature même et la structure de l’entreprise tunisienne.

Si, certaines entreprises, notamment les plus grandes font appel à d’autres sources de financement, d’autres entreprises, les moins privilégiées par leur taille ou par la nature de leur activité sont obligées de réduire leur endettement bancaire.

La demande de crédit par l’entreprise dépend non seulement du montant du crédit dont elle a besoin, mais également du taux d’intérêt appliqué par la banque. Un comportement rationnel de l’entreprise suppose que celle-ci au-delà d’un taux d’intérêt seuil, va renoncer à sa demande de prêt auprès de cette banque et recourir à d’autres sources de financement. C’est le seuil en dessus duquel, elle va commencer à subir des pertes.

La difficulté majeure qui se pose dans un tel système est donc la mise en œuvre d’une politique monétaire dont les objectifs intermédiaires ne seraient pas en contradiction avec les objectifs finaux de croissance et de développement, difficultés pour la Banque Centrale dans l’application d’une politique monétaire qui ne serait pas en contradiction avec l’obligation qu’elle a d’assurer le bouclage dans le financement de l’économie.

Sortir des règles de l’économie de l’endettement

Les solutions à ces problèmes ne peuvent pas être envisagées tant que persistent des structures financières fonctionnant selon les règles d’une économie d’endettement.

Pour répondre à notre question du départ, nous dirons que non seulement l’État devrait renoncer à toutes les mesures fiscales visant la baisse des revenus des ménages et de la petite entreprise, mais également intervenir par :

  • Une politique monétaire expansionniste, en injectant massivement des liquidités, dans l’économie, ce qui aurait pour conséquence d’activer le levier taux d’intérêt, une réduction de ce dernier, qui agira sur le moteur demande de la croissance économique.
  • Une politique budgétaire expansionniste, ou ce qu’on appelle une politique du déficit budgétaire, et ce par émission de bons du trésor auprès du système bancaire local et de la Banque Centrale en engageant des dépenses dans des projets d’infrastructure, dans les secteurs santé, transport, éducation et recherche-développement. Cette politique devra permettre non seulement de faire face à la crise, mais également de développer de nouveaux mécanismes de « résilience » devant renforcer la capacité du pays à faire face aux différents chocs externes sans que cela se traduise par l’apparition de nouveaux types de dysfonctionnements ni de nouvelles formes de désintégrations.

***L’utilisation des bons du Trésor comme moyen de régulation de la liquidité bancaire permet aux banques déficitaires de céder les bons du trésor dont elles disposent et limiter ainsi leur endettement vis-à-vis de la Banque Centrale. L’attractivité des bons de trésor pour ces dernières, consiste en ce qu’ils représentent des titres qui bénéficient de la garantie de l’état, et ne contiennent pas de risques de pertes. Ils constituent donc, un support sûr de liquidités

***Le déficit budgétaire constitue non seulement un facteur d’élargissement de la liquidité bancaire, mais aussi un élément primordial pour l’établissement d’un vrai marché de titres à court terme.

  • Développer et financer des programmes de restructuration et de modernisation du tissu industriel tunisien et de renforcement de la compétitivité des entreprises tunisiennes.
  • L’État devrait développer également des plateformes d’échange d’idées : conventions citoyennes, consultations en ligne sur les réformes d’intérêt, fiscale ou autres.
  • L’État devrait mobiliser en outre toutes les ressources, financières certes, mais également et surtout, les ressources en expertise de tous bords.

Toute mesure, toute réforme, devra dorénavant s’inscrire dans le cadre d’une approche intégrative

Habiba Nasraoui Ben Mrad, Enseignante universitaire à l’École Supérieure de Commerce


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