La 62e conférence des chefs d’État de la Cédéao s’est tenue le 9 juillet en Guinée-Bissau. Les dirigeants ouest-africains se sont notamment penchés sur les situations politiques au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Les coups d’État ainsi que la crise sécuritaire dans ces États ont été évoqués. Les chefs d’État entendent réactiver la force en attente de la Cédéao pour le retour de plus de sécurité et de stabilité dans la région. Ibrahima Harane Diallo est chercheur à l’Observatoire sur la prévention et la gestion des crises au sahel, également chercheur associé à Timbuktu Institute. Il nous livre son analyse dans cette tribune.
La force africaine en attente est l’une des composantes de l’architecture africaine de paix et de sécurité. L’un de ses principaux objectifs est de s’affranchir de la dépendance liée aux puissances extérieures et aux organisations internationales dans le domaine de la paix et de la sécurité. En clair c’est donc une initiative militaire de l’Union africaine visant à appuyer le Conseil de paix et de sécurité de l’organisation à atteindre ses objectifs en matière de lutte contre l’insécurité. En effet, la charte des Nations-Unies attribue une base légale aux organismes régionaux ou sous régionaux en matière de maintien de la paix, à travers, l’article 52 et 53 aux termes du chapitre VIII.
Des obstacles susceptibles de limiter son efficacité
Aujourd’hui les dirigeants ouest-africains sont dans une dynamique de réactivation de la force afin qu’elle puisse, disent-ils, appuyer les initiatives en matière de lutte contre le terrorisme et d’autres formes d’insécurité auxquelles la région fait face. À l’analyse cette force pourrait rencontrer un certain nombre d’obstacles qui pourraient constituer des limites quant à son efficacité.
Dans un premier temps, certains pays africains restent attacher encore à la doctrine de la souveraineté intérieure en dépit du fait qu’ils soient membres de l’Union africaine qui coordonne la force à travers les différentes régions du continent. Deuxièmement, la volonté d’opérationnaliser cette force intervient dans un contexte de crises politique et sécuritaire dans certains États ayant conduit à leur suspension des instances sous régionales et continentales qui sont à la base de l’initiative de la mise en place de la force. Enfin, il n’est pas exclu que l’éternelle épineuse question de financement des initiatives globales en Afrique se présente, mettant en mal la force dans l’atteinte des objectifs fixés.
La force africaine en attente se met en marche dans un contexte où les raisons pour lesquelles elle a été conçue sont d’actualité. Au cours de la dernière décennie, le continent a, régulièrement, connu un cycle presque régulier d’instabilité émaillé par de coups d’État militaire parfois contre des régimes démocratiques. Quant aux activités terroristes, elles ont, également, gagné du terrain dans de nombreuses régions du continent.
Une réactivation plus que nécessaire
Il est important de rappeler que l’idée de créer une force africaine de réaction rapide est liée aux limites observées, également, dans la conduite des opérations de maintien de la paix des Nations — unies sur le continent en proie aux crises politiques et sécuritaires dans les années 1990. C’est pourquoi la réactivation d’une telle force, aujourd’hui, est plus que jamais nécessaire.
Dans un premier temps elle va permettre de donner un visage plus africain aux forces de maintien de la paix. Elle pourrait, également, lutter contre les préjugés qu’une partie de l’opinion publique africaine entretient à l’égard des forces de maintien de la paix des Nations — unies. Il est, toutefois, important de rappeler dans la foulée, la nécessité pour ces organisations africaines de privilégier des stratégies de type hybride qui au-delà de forces dissuasives doivent s’attaquer, également, aux causes profondes des phénomènes d’insécurité à travers des plans de développement et des projets économiques viables, des réformes politiques profondes allant dans le sens d’une véritable consolidation des acquis politiques et démocratiques.
Ibrahima Harane Diallo
Journaliste-Politologue, Chercheur à l’Observatoire sur la Prévention et la Gestion des Crises au Sahel/Chercheur associé à Timbuktu Institute.
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