Home InvestigationsOpinion [Tribune] La démission d’IBK, une démonstration de la force de la volonté générale

[Tribune] La démission d’IBK, une démonstration de la force de la volonté générale

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Mardi 18 août 2020 fait désormais partie des jours marquants de l’histoire de la République du Mali. Elle est une date, après laquelle, tôt le matin, le peuple malien et la communauté internationale ont vu pour la première fois sur l’ORTM, le colonel Assimi Goïta accompagné de quelques éléments de ses frères d’armes se présentant comme les nouveaux faiseurs de roi au Mali. Ils sont à la tête du Comité militaire qui a perpétré le coup de force contre le régime d’Ibrahim Boubacar Keita, IBK.

Le 18 août 2020 fait partie des dates durant lesquelles la capitale malienne (Bamako) a été surprise sans être étonnée, en raison de la gravité du climat sociopolitique. Le peuple malien n’a pas été étonné de voir les hommes du camp Soundjata Keïta de Kati lourdement armée mettre un terme à un régime qui s’est illustré par son incapacité à trouver des solutions aux problèmes auxquels le peuple malien faisait face sur l’étendue du territoire malien. La date du 18 août est en termes courts, le jour de la fin d’une ère : la fin de la présidence du troisième président élu démocratiquement sous la 3e république.

Une démission obligée

Le pouvoir que la troisième république avait accordé au peuple, c’est-à-dire le pouvoir de gérer sa vie selon le principe de la volonté générale, a eu raison du pouvoir qu’il a accordé au président. Le peuple a, une fois de plus, fait partir son président. Toutefois, il n’a pas procédé dans le respect de la constitution comme il est stipulé dans les principes de la démocratie. Les forces de l’ordre ont été celles qui ont forcé le chef d’État à entendre la volonté du peuple. Pour parler comme J. J. Rousseau, l’expression de la volonté générale du peuple a eu raison sur la volonté particulière du président et son gouvernement, sans passé par les urnes. Avec cette intervention de l’armée, il ressort que c’est la troisième fois que l’armée intervient pour déposer un chef de l’État au nom de la volonté de tous, excepté celle du président et de quelques membres de son cercle restreint.

Généralement, les interventions de l’armée se font pendant une période critique de la vie de la nation afin que l’autorité de l’État, la sécurité, l’ordre, la cohésion sociale, les activités économiques, etc., soient rétablie après avoir constaté l’incompétence et la mauvaise foi des politiques à faire face aux problèmes réels du peuple.

Un coup d’État qui rallonge la liste

Aux yeux de certains observateurs de la scène politique malienne, la date du 18 août est le jour qui a parachevé la lutte héroïque du peuple malien. Une lutte qui était conduite par le M5-RFP, dirigé par l’imam Mahmoud Dicko. Cette date fait partie, avec le 19 novembre 1968 (date de la fin de la présidence de Modibo Keita), le 26 mars 1991 (date la chute du régime de Moussa Traoré), le 8 juin 2002 (date de la fin du mandat d’Alpha Oumar Konaré) et le 22 mars 2012 (date de la démission d’Amadou Toumani Touré) ainsi que le 4 septembre 2013 (date de la fin de la présidence par intérim de Djoncounda Traoré), des dates mémorables au cours desquelles les hommes se sont succédé sur le rocking-chair présidentiel malien. Autrement dit, elle est aussi la date pendant laquelle le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), dirigé par le colonel Assimi Goïta, a écourté le mandat de cinq ans que le peuple malien avait octroyé à Ibrahim Boubacar Keïta en 2018 en le contraignant à dissoudre l’assemblée nationale et le gouvernement ainsi qu’à présenter sa démission.

Toutefois, les dates citées ci-haut peuvent paraitre discutables aux yeux de certains. Ils peuvent l’être pour différentes raisons. Parmi celles-ci, mention peut-être faite sur plusieurs facteurs. D’une part, certains jours qui peuvent aussi être considérés comme des jours de fin de régime ne sont pas pris en compte. Il s’agit du jour de la fin de la transition vers la démocratie (le 8 juin 1992) et le (12 avril 2012) jour où Amadou Aya Sanogo et ses hommes ont remis le gouvernail des affaires de l’État au président de l’assemble nationale de l’époque après le retour à l’ordre constitutionnel suite aux tractations de la communauté internationale après leur prise de pouvoir à travers un procédé anticonstitutionnel. Et d’autre part, du fait qu’il est inclus le jour de la fin de la période de transition qui a précédé le régime du président qui a démissionné en ce jour du 18 août. Ainsi, il ressort de ce qui précède que le Mali en 60 ans d’existence a connu divers hommes à sa tête. Parmi ceux-ci, certains ont accédé au pouvoir après avoir obtenu l’aval du peuple dans sa majorité pendant que d’autres le sont parvenu après que le peuple dans sa majorité ait décrié son mal-être.

La force de la volonté générale  

En scrutant de près le dessein qui a conduit aux différents changements d’homme à la tête du Mali, que cela soit, la fin du mandat des présidents qui ont cédé le pouvoir dans le strict respect de l’ordre de la succession préétablie (Amadou Toumani Touré — ATT — en 1992, Alpha Oumar Konaré — AOK — en 2002 et Djoncounda Traoré en 2012) ; celle des présidents qui ont été contraints à la démission (ATT en 2012 et IBK en 2020) et celle des présidents qui ont été destitués (Modibo Keïta en 1960 et Moussa Traoré en 1991) : il ressort que la volonté générale du peuple a joué un aspect très important. L’expression de la volonté populaire a été tout le temps, celle qui a, à la fois, fait hisser et décamper tous les dirigeants cités précédemment. Ce qui démontre, comme le laisse entendre J.J. Rousseau dans le « Contrat social » que la volonté générale a montré sa force.

Toutefois, bien que l’expression de la volonté du peuple ait été celle qui a fait partir la plupart des présidents qui ont été à la tête du Mali jusqu’ici, elle ne les a pas impactées de la même manière. Elle a impacté indirecte sur le départ de Modibo Keïta, Moussa Traoré, ATT (après son élection) et IBK et elle a impactée de manière directe sur le départ d’ATT (pendant la transition), AOK (après ces deux mandats) et Djoncounda (transition) et Sanogo. Elle a répercuté de manière directe sur le départ des présidents cités précédemment en ce sens que le peuple a été celui qui a arraché le mandat qu’il les a accordés pour le remettre à un autre. Le peuple a délibérément choisi, selon le principe de la volonté, à travers le suffrage universel, d’élire les chefs de l’état qui se sont succédé à la tête du pays. Par contre, la volonté générale a contribué à faire partir les présidents cités avant ceux qui précédent indirectement, en ce sens que c’est l’intervention d’un tiers au nom de la volonté générale du peuple qui les a fait partir.

Incapacité des acteurs de la médiation

 Comme signalé ci-haut, le départ du président IBK s’inscrit dans ce cadre. Il est intervenu après que le peuple ait manifesté son mécontentement contre le régime en place, l’autorité de l’État. Comme les autres coups de force perpétrés par l’armée pour obliger un président à abdiquer, son départ est aussi la résultante de l’incapacité des différents acteurs qui étaient impliqués dans la résolution de la crise.

À l’image des précédents coups de force de l’armée contre les régimes décriés par le peuple, le peuple malien, les pays voisins, la communauté internationale et les organisations de la sous-région ont été surpris d’apprendre les nouvelles qui venaient de Bamako. Sans le dire directement, la majorité des politiques qui étaient impliqués dans la recherche d’une solution à la crise multidimensionnelle que le Mali faisait face sous le régime IBK ont été tous soulagés au même titre que le peuple malien. La réaction des uns et des autres atteste ce fait.

La joie avec laquelle l’intervention de l’armée a été accueillie, la méthode avec laquelle ils procèdent, l’assurance qu’ils ont donnés au peuple malien et à la communauté internationale, laissent présager qu’ils ne sont pas venus pour rester au pouvoir ni pour d’autres intentions particulières. Mais qu’ils sont intervenus pour faire entendre la voix d’un peuple à son souverain.

Mikaïlou CISSE, le nihiliste en puissance


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