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[Tribune] Justice transitionnelle multiforme pour la concorde entre acteurs au Mali

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En six décennies d’histoire politique, les acteurs publics maliens de différentes générations se sont affrontés de manières violentes ou non pour la quête et l’exercice du pouvoir public du pays. 

De 1960 à 2020, cinq régimes se sont succédé au Mali avec leurs forces et faiblesses dans la construction d’une société juste pour plus de liberté et de dignité pour le peuple malien. 

Au fur et à mesure du déroulement de l’histoire du pays les gestions des régimes ont divisé les Maliens en supporters et de l’autre côté détracteurs qui, souvent victimes de traitement humainement inacceptable, réclament toujours à cor et à cri leur réhabilitation à savoir la réparation des préjudices, en particulier, moraux endurés. Car ils étaient en position de dominés, c’est-à-dire à la merci des seigneurs de ces moments.    

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De nos jours, il y a des mécontents de tous les régimes, toute chose qui est préjudiciable à la cohésion sociale ou le vivre ensemble des Maliens au moment où, malheureusement, le peuple souhaite l’avènement d’un nouveau Mali débarrassé de la présente crise multiforme aux causes multiples. 

Dans ce contexte de fortes demandes de sécurité, de paix, de réconciliation et de prospérité économique du peuple, il urge pour les autorités du pays de vider la panoplie de contentieux socio-politiques, sécuritaires et économiques du pays, préalable à la pose des jalons solides du renouveau démocratique et républicain du Mali à la faveur d’élections générales réussies de fin de transition dans moins de dix-huit mois. 

À une situation historique exceptionnelle, les autorités du Mali doivent inventer des mécanismes socio-politiques et judiciaires adéquats pour aplanir tous les différends ou contentieux multiformes diviseurs des acteurs socio-politiques et économiques nés des gestions des régimes précédents du pays.

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Pour réussir la transition en vue d’un nouveau et bon départ du régime post-transition, les autorités du Mali doivent tout mettre en œuvre pour réconcilier les Maliens divisés à cause de luttes socio-politiques et économiques. Il leur revient alors de faire passer d’abord la justice sans laquelle les anciennes et surtout les nouvelles blessures des uns et des autres ne pourront se cicatriser convenablement afin de bâtir le nécessaire consensus de toutes les forces sociopolitiques pour une sortie durable du pays des crises actuelles.  

Au regard de l’urgence de la sortie du pays des crises et du nombre important de contentieux complexes, les autorités peuvent recourir à une justice transitionnelle multiforme adaptée au besoin de justice, car en phase avec les valeurs culturelles identitaires des Maliens victimes et bourreaux des conflits de tous genres.  

Cette justice transitionnelle doit user de tous nos ressorts ou valeurs culturelles existantes et opérationnelles de règlement de conflits pour vider tous les contentieux qui font obstacle à la réconciliation des Maliens en vue de créer les conditions consensuelles de sortie de crises du Mali, notre héritage commun. 

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La justice transitionnelle multiforme doit être convoquée pour le règlement efficace et diligent des différends ou contentieux socio-politiques, sécuritaires et économiques du pays par les autorités de la transition pour deux raisons majeures :

  • Pour sa nature expiatoire et son efficacité dans le règlement des contentieux ou différends en grand nombre dans un temps relativement plus court que celui de la justice classique, essentiellement punitive, convenable pour le besoin de justice en temps normal ;
  • Au regard du contexte socio-politique transitoire, c’est-à-dire favorable à la création de l’union sacrée de tous les acteurs publics au chevet du Mali en crises, la MERE-PATRIE, au prix de tous les sacrifices à consentir par ceux-ci, car lorsque la maison commune brûle, on ne s’occupe pas de l’écurie personnelle.

La justice transitionnelle doit traiter tous les contentieux ou différends de tous les domaines de la vie socio-politique, sécuritaire et économique de notre pays à savoir :

  • Ceux socio-politiques responsables des divisions des acteurs politiques au sujet des gestions des régimes politiques des six décennies d’indépendance du Mali ;
  • Ceux mettant en porte à faux certains leaders de communautés et l’État du Mali pour avoir usé des armes pour revendiquer des droits ou se faire justice, rebelles et hommes de brousse maliens ;
  • Ceux opposant certains opérateurs ou fonctionnaires de l’État aux textes de la République dans le cadre de la lutte contre l’enrichissement illicite ou la lutte contre la corruption ;
  • Enfin ceux qui opposent les syndicats au Gouvernement du Mali.  

D’ordinaire la justice transitionnelle est convoquée par les Nations-Unies pour résoudre des questions relatives aux crimes et autres fautes liées aux conflits armés dans les pays qui en sortent.   

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Pour le cas précis du Mali, nous pensons que la justice transitionnelle doit être multiforme pour une sortie globale du pays des crises qui l’assaillent de toutes parts. Aussi l’actuelle transition doit-elle chercher le consensus ou la participation de toutes les forces vives de la nation à la construction du nouveau pacte républicain et démocratique, socle devant porter tout le poids du Mali-Ba de notre rêve : de justice sociale, de paix, de prospérité économique et culturelle.  

Compte tenu de l’importance capitale du chantier de la réconciliation et la concorde entre les Maliens, tous les ministères concernés par les domaines de la vie publique circonscrits par celui-ci doivent travailler en synergie avec la Commission vérité, justice et réconciliation renforcée (CVJR) pour faire aboutir la difficile mission précitée. 

Somme toute, le Mali est à un tournant unique de son histoire où deux possibilités contradictoires lui sont offertes : PÉRIR OU REBONDIR.

Pour permettre au pays de rebondir grâce à la justice transitionnelle suffisamment évoquée ci-dessus, les anciens ou leurs ayant droit et nouveaux acteurs publics doivent recourir à deux sentiments humains hautement nobles à savoir : l’humilité et le patriotisme.  

Enfin pour y parvenir, les autorités du pays peuvent organiser :

  • Une Journée de pardon symbolique, mais républicain à l’occasion de laquelle les Présidents ou ayant droit de feu Modibo KEITA, de feu Moussa TRAORE, Alpha Oumar KONARE, Amadou Toumani TOURE, Dioncounda TRAORE et Ibrahim Boubacar KEITA prendront humblement la parole pour demander pardon au peuple malien pour tous les manquements à la morale publique de leurs régimes respectifs ;
  • Des funérailles nationales pour le feu Président Modibo KEITA et feu Abdoul Karim CAMARA dit Cabral ;
  • Inscrire dans les programmes scolaire et universitaire du Mali l’œuvre littéraire de l’ainé du siècle précédent feu Fily Dabo SISSOKO, conforment à une recommandation du symposium organisé sur sa vie et son œuvre au Palais des Congrès, l’actuel CICB, les 13 et 14 mai 2000 sous le magistère du feu Pr Pascal Baba COULIBALY, ministre de la Culture du Mali d’alors ; 
  • Construire une stèle à la mémoire des martyrs des six décennies de l’histoire du Mali, dont les plus récents tombés sous les balles des forces de l’ordre lors de la désobéissance civile décrétée par le M5 les 10, 11 et 12 juillet 2020.
  • Des séances d’écoute des commissions ad-hoc de la CVJR des victimes et bourreaux de conflits armés de 2012 à 2020 et des présumés délinquants financiers ou corrompus cités dans des rapports de contrôle du VEGAL de leurs gestions des deniers publics.
  •  Des états généraux de la fonction publique et le front social.  

Tout ce processus connaitra son épilogue avec la construction d’un mémorial ou monument dédié à la réconciliation des Maliens pour la paix et la prospérité du pays, toute chose devant servir de symbolique mémorielle qui enseignera aux générations futures les vertus de la bonne gouvernance du pays pour qu’enfin elles se disent : 

  • Plus jamais de haine entre les acteurs publics ;
  • Plus jamais de rébellions, de guerres civiles, de réfugiés et de déplacés ;
  •  Plus jamais de délinquances financières ou de détournements de deniers publics ;
  • Plus jamais de radicalisation de luttes syndicales au Mali.

M. Seydou CISSE, professeur de philosophie à l’ENSup de Bamako


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