Home A la Une [Tribune] De la Balkanisation à « l’Afghanistanlisation » : quelle issue pour le conflit malien ?

[Tribune] De la Balkanisation à « l’Afghanistanlisation » : quelle issue pour le conflit malien ?

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L’attaque de Tinzaouatène, en juillet dernier, où l’Ukraine est présumée impliquée, au Mali, a occasionné des dégâts matériels et humains assez lourds, selon le bilan de l’armée malienne. Cet événement marque une nouvelle étape dans le transfert du conflit russo-ukrainien en Afrique, posant des questions sur la stabilité régionale bien vraie que l’Ukraine semble nier toute implication dans le conflit malien.

L’implication présumée de l’Ukraine dans l’attaque de Tinzaouatène marque une nouvelle escalade dans le conflit malien, soulignant la complexité croissante des alliances et des inimitiés sur le continent africain. Cette attaque, survenue dans une région déjà instable, pose des questions cruciales sur la nature et l’étendue des influences étrangères dans les conflits africains. En examinant cette situation, il est nécessaire de comprendre les dynamiques sous-jacentes et les implications à long terme pour la sécurité régionale et internationale.

La balkanisation du Mali

L’Ukraine, actuellement engagée dans un conflit intense avec la Russie, semble étendre ses actions au-delà des frontières européennes, potentiellement en réponse à l’engagement croissant de la Russie en Afrique. Depuis des années, la Russie a intensifié sa présence en Afrique, en particulier au Mali, par le biais de formateurs russes et de la fourniture d’armes. En ce sens, l’attaque de Tinzaouatène pourrait être perçue comme une contre-mesure stratégique de l’Ukraine visant à affaiblir l’influence russe en Afrique.

Le Mali a été confronté à des tentatives de balkanisation, avec divers groupes armés cherchant à fragmenter le pays pour des raisons ethniques, politiques et économiques. Ces tentatives ont souvent été alimentées par des puissances extérieures cherchant à exploiter les ressources naturelles du Mali ou à étendre leur influence géopolitique. L’implication présumée de l’Ukraine pourrait représenter une nouvelle phase dans cette dynamique, où des conflits externes sont importés sur le sol malien, exacerbant les divisions internes. Les interventions étrangères dans le conflit malien, sous prétexte de soutien à différents groupes armés ou gouvernements, ont contribué à la fragmentation du pays et à la prolongation de la violence. Des pratiques qu’on appelait conflit inter ou intra-communautaire. 

« L’Afghanistanlisation » du conflit malien

Le terme « Afghanistanlisation » n’existe pas forcément dans le dictionnaire français. Néanmoins nous l’utilisons pour évoquer un conflit interminable caractérisé par une intervention étrangère constante, des alliances changeantes, et une population locale prise au piège dans un cycle de violence et de déstabilisation. En Afghanistan, les interventions successives de puissances étrangères ont mené à un conflit prolongé et complexe. De même, le Mali pourrait être en train de suivre une trajectoire similaire, malgré le départ officiel de certaines forces étrangères, où des acteurs internationaux utilisent le pays comme champ de bataille pour leurs propres rivalités. Le risque d’une « Afghanistanlisation » du conflit malien est réel, avec des interventions étrangères multipliées et une guerre par procuration qui ne fait qu’aggraver la situation sur le terrain.

L’attaque de Tinzaouaten, impliquant l’Ukraine et entraînant la mort de certains formateurs russes, pourrait avoir plusieurs conséquences graves. Premièrement, cela pourrait intensifier les hostilités entre les forces locales et ces formateurs russes, augmentant le nombre de victimes civiles et exacerbant la crise humanitaire. Deuxièmement, cela pourrait attirer une réponse plus agressive de la Russie, visant à consolider sa présence et à renforcer ses positions au Mali, ce qui pourrait mener à une escalade de la violence.

 Conflit ukrainien et vengeance

Dans les jours, mois et années à venir, nous pouvons également nous attendre à plusieurs développements dans le cadre de cette tentative de transfert du conflit russo-ukrainien en Afrique. À court terme, il pourrait y avoir une intensification des affrontements, non seulement au Mali, mais potentiellement dans d’autres pays africains où la Russie et l’Ukraine cherchent à étendre leur influence. À long terme, cette dynamique pourrait entraîner une instabilité régionale accrue, rendant la résolution du conflit encore plus difficile.

Le conflit ukrainien a commencé en 2014, avec l’annexion de la Crimée par la Russie et les combats dans l’est de l’Ukraine entre les forces ukrainiennes et les séparatistes prorusses. Depuis lors, la situation s’est aggravée avec l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Dans ce contexte, l’implication de l’Ukraine au Mali pourrait également être interprétée comme une forme de vengeance pour le soutien affiché par le Mali à la Russie aux Nations unies. Ce soutien malien à la Russie pourrait avoir poussé l’Ukraine à répondre en ciblant les intérêts russes en Afrique, démontrant ainsi que le conflit a des ramifications bien au-delà de l’Europe.

Stratégies de Réponse

Pour répondre à cette situation, il est crucial de renforcer les mécanismes régionaux et internationaux de gestion des conflits. L’Union africaine, en collaboration avec les Nations Unies et d’autres partenaires internationaux, doit intensifier ses efforts pour promouvoir des solutions politiques inclusives et durables. Il est également essentiel de continuer à renforcer les capacités des forces de sécurité locales pour qu’elles puissent défendre efficacement leurs territoires contre les ingérences étrangères. La coopération régionale à travers des initiatives telles que la Confédération des États du Sahel, comprenant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, pourrait jouer un rôle clé en consolidant la sécurité transfrontalière et en permettant une réponse coordonnée aux menaces sécuritaires. En outre, la communauté internationale doit adopter une approche holistique, en combinant l’aide humanitaire, le développement économique et les efforts de consolidation de la paix pour adresser les causes profondes du conflit.

L’implication présumée de l’Ukraine dans l’attaque de Tinzaouaten et le transfert apparent du conflit Russo-africain au Mali représentent une nouvelle dimension inquiétante dans le conflit malien. Cette situation complexe nécessite une analyse approfondie et une réponse coordonnée pour éviter que le Mali ne devienne un nouvel Afghanistan, où la violence et l’instabilité deviennent la norme. En fin de compte, la clé réside dans la coopération internationale et le renforcement des institutions locales pour créer un environnement de paix et de sécurité durable. L’implication d’acteurs étrangers dans le conflit malien doit être abordée avec prudence et détermination pour prévenir une escalade supplémentaire et travailler vers une solution durable qui respecte les aspirations du peuple malien pour la paix et la stabilité.

Younouss 


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