La France, accusée par l’opposant tchadien Succès Masra, à l’approche des élections législatives et communales du 29 décembre prochain, de freiner la démocratie au Tchad en soutenant Mahamat Idriss Déby, alimente les critiques sur son rôle ambigu en Afrique.
La politique africaine de la France est à nouveau sous le feu des critiques, cette fois par la voix de l’opposant tchadien Succès Masra. Dans un entretien accordé à l’AFP, à l’approche des élections législatives et communales du 29 décembre prochain, le leader du parti Les Transformateurs accuse Paris de freiner le processus démocratique au Tchad, en privilégiant un soutien sans faille au président Mahamat Idriss Déby au détriment du peuple tchadien. Ces accusations ne sont pas isolées, mais reflètent une tendance récurrente de la diplomatie française à choisir la stabilité apparente plutôt que la justice et la légitimité démocratique.
Un soutien indéfectible à une dynastie contestée
Le Tchad est emblématique de l’approche française en Afrique : maintenir coûte que coûte des régimes autoritaires en échange d’une loyauté stratégique. Depuis la mort d’Idriss Déby en 2021, son fils a hérité du pouvoir avec la bénédiction immédiate de Paris. L’empressement avec lequel Emmanuel Macron a soutenu le jeune Déby est particulièrement choquant, surtout dans un contexte où le scrutin qui a suivi, en mai dernier, a été qualifié de « ni libre ni crédible » par les observateurs internationaux.
L’opposant Succès Masra n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, la France a « clairement choisi une famille au détriment du peuple tchadien ». Et comment lui donner tort, quand Paris a non seulement félicité Déby pour sa victoire, mais a aussi ignoré les appels répétés à la transparence sur les résultats électoraux ? Les copies des procès-verbaux et les fichiers des résultats n’ont jamais été rendus publics. Un silence complice qui n’a pas échappé à ceux qui espéraient un changement démocratique au Tchad.
Un découpage électoral sur mesure
La situation est aggravée par un découpage électoral récent qui, selon Masra, réduit le poids électoral des régions les plus peuplées au profit des moins peuplées, une stratégie classique pour diluer la voix des opposants et consolider le pouvoir d’une élite au service du président. Ce stratagème, combiné à une situation humanitaire désastreuse causée par des inondations massives, prive des millions de Tchadiens d’un droit de vote effectif.
Malgré ces évidences, la France persiste dans son appui à un régime qui ne fait rien pour résoudre ces injustices. Pour Masra, Paris fait le choix « d’un homme fort » au détriment d’une véritable stabilité à long terme fondée sur une démocratie inclusive.
La stabilité à tout prix, une illusion française
L’argument central de la France est toujours le même : la stabilité. Mais cette stabilité est une illusion, construite sur des bases fragiles de répression et de violations des droits humains. Depuis trois ans, l’opposition tchadienne et les militants des droits humains subissent une répression sanglante et répétée. Le silence assourdissant de Paris face à ces exactions est la preuve d’une faiblesse stratégique déguisée en pragmatisme.
Comme le souligne Masra, la France privilégie une stabilité politique fictive pour préserver ses intérêts militaires et économiques. Avec trois bases militaires et plusieurs centaines de soldats déployés au Tchad, ce pays est devenu le dernier bastion de l’influence française au Sahel. Paris semble prêt à tout pour conserver cet ancrage, quitte à ignorer les aspirations légitimes du peuple tchadien.
Le Tchad comme miroir des échecs français en Afrique
En adoptant cette posture, la France alimente une hostilité croissante envers elle-même. Dans un Sahel où elle est déjà critiquée pour son rôle ambigu, Paris continue de donner l’impression qu’elle considère l’Afrique comme son pré carré. Ce paternalisme déguisé en partenariat stratégique est non seulement dépassé, mais aussi dangereux pour l’avenir de la coopération entre la France et ses anciennes colonies.
Le cas du Tchad illustre les contradictions et les échecs de la politique africaine de la France. À force de soutenir des régimes autocratiques au nom de la stabilité, Paris se coupe de la réalité des aspirations démocratiques des peuples africains. La France se retrouve accusée de jouer contre la démocratie, d’étouffer les contestations légitimes, et d’être complice des abus d’un pouvoir qu’elle protège.
Si la France veut réellement jouer un rôle constructif en Afrique, elle devra réviser sa stratégie. Soutenir des régimes corrompus et répressifs ne garantit pas la stabilité, mais prépare les conditions de soulèvements populaires et de ruptures brutales. Le temps est venu pour Paris de choisir un véritable partenariat basé sur les valeurs qu’elle prétend défendre : la démocratie, les droits humains et la transparence.
Au Tchad, comme ailleurs, la France doit cesser d’être un frein et devenir un levier pour le changement. Le peuple tchadien le réclame. Le Sahel le demande. L’histoire, bientôt, le jugera.
Alassane Diarra
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