Entre indignation populaire et dérives festives, les « soirées Dior » viennent d’être interdites à Bamako par décision du gouverneur et appui du ministre de la Justice. Une mesure qui replace la question des valeurs, des traditions et du vivre-ensemble au cœur du débat, et illustre la volonté des autorités maliennes de préserver la cohésion sociale face à des influences importées.
Le Mali traverse une époque charnière. Entre redressement sécuritaire, souveraineté réaffirmée et résilience populaire, le pays tente de reprendre le contrôle de son destin. Et voilà qu’une affaire de soirées dansantes enflamme la toile et provoque l’ire des autorités. Faut-il y voir une crispation morale, un excès de zèle ? Non. L’interdiction des soirées Dior, décidée le 8 septembre dernier par le gouverneur du district de Bamako et appuyée sans détour par le ministre de la Justice et des Droits de l’homme, Garde des Sceaux, Mamoudou Kassogué, est tout sauf anecdotique. Elle dit quelque chose d’essentiel : le refus d’une société de se laisser coloniser par une sous-culture algorithmique qui n’a ni sens ni racines.
Nées sur les réseaux sociaux, ces soirées exclusivement féminines s’organisent autour d’une esthétique ostentatoire et d’un goût assumé pour l’excès. Boubous chamarrés, danses suggestives, scénographies millimétrées, le tout capté, monté et diffusé à grand renfort de filtres numériques pour récolter des likes et des abonnés. Un folklore de l’égo, vidé de toute substance, et qui fait de l’exhibition une forme de rébellion molle. Pour beaucoup, ce n’est qu’un divertissement. Pour d’autres, une affirmation de soi. Mais pour l’État malien, c’est une dérive.
Et il n’a pas tort.
Il n’est pas question ici de moraliser la société à coups de décrets. Il s’agit de dire que toutes les modernités ne se valent pas. Que dans une nation où les repères sont encore tissés dans la tradition, où l’autorité parentale n’est pas un concept dépassé et où la pudeur reste une valeur, on ne peut pas normaliser l’indécence au nom d’un pseudo-émancipation. L’émancipation véritable ne passe pas par l’imitation caricaturale de modèles culturels importés, mais par la réappropriation fière de ce que l’on est.
Ce que le Mali refuse, c’est l’invasion insidieuse de son espace social par un mimétisme sans conscience. Et il faut saluer ce refus.
À ceux qui crient à l’atteinte aux libertés, rappelons ceci : toute société a le droit de définir ses limites. L’ordre public, ce n’est pas l’ordre imposé, c’est le cadre partagé. Et ce cadre, au Mali, ne se reconnaît pas dans les vidéos TikTok qui mettent en scène de jeunes femmes célébrant le luxe et la provocation comme unique projet de société. Il est loisible d’être moderne sans être vulgaire. D’être jeune sans être indécent. D’être libre sans être vide.
Le Mali, une nation en reconstruction
Au-delà du cas malien, cette affaire illustre un débat plus vaste : celui du rapport entre cultures africaines et globalisation numérique. Dans combien de capitales du continent tolère-t-on que les codes sociaux soient redéfinis par des influenceuses sponsorisées depuis Dubaï ou Atlanta ? À quand une réponse politique à la mesure de l’enjeu culturel que pose cette guerre silencieuse des valeurs ?
Le Mali, en interdisant les soirées Dior, n’a pas cédé à la tentation autoritaire. Il a simplement rappelé que la liberté d’expression n’est pas la liberté d’opprimer le sens commun. Qu’il existe un lien entre la forme et le fond. Et que dans une période où la nation est en reconstruction, la distraction ne peut être érigée en modèle.
Il n’est pas interdit de faire la fête. Il est interdit de ridiculiser ce que nous sommes.
A.D
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