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Révolution minière : enfin le temps des Africains

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Dans un secteur longtemps dominé par les grandes compagnies étrangères, le Mali entreprend une révolution minière sans précédent. Nouveau code fiscal, création d’une société publique, diversification vers le lithium, partenariat stratégique avec la Russie. La Transition malienne affirme une souveraineté assumée sur ses ressources. Mais ce recentrage étatique se heurte aux résistances des multinationales. Entre bras de fer, diversification et transformation locale, le pays trace sa propre voie vers l’indépendance économique.

À Bamako, ce que certains appellent « bras de fer minier » est, pour les autorités de la Transition, un acte de redressement. Une reconquête économique menée à la houe fiscale et au marteau diplomatique, au nom d’un mot aujourd’hui omniprésent dans les discours comme dans les décisions : souveraineté. Le Mali, troisième producteur d’or du continent, ne veut plus se contenter d’extraire pour d’autres. Il veut transformer chez lui, encadrer, fiscaliser, et peser.

Un code minier qui redistribue les cartes

En août 2023, la Transition malienne a fait voter un code minier dont la portée dépasse les chiffres. La nouvelle loi impose un cadre plus contraignant : fin des exonérations massives, obligation de raffinage local, et montée de l’État à hauteur de 35 % dans chaque projet nouveau. Autrement dit : l’époque des contrats léonins est révolue.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Malgré une baisse de 23 % de la production industrielle en 2024, les recettes minières ont bondi de 52,5 %, pour atteindre 835 milliards de francs CFA. Comment ? Par une révision lucide des rapports de force, un encadrement rigoureux des exonérations, et la fin d’un régime de faveur qui avait trop profité aux grandes compagnies.

Barrick, Resolute et le pari du rapport de force

Mais toute révolution a ses secousses. En janvier 2025, le gouvernement bloque les exportations de Barrick Gold, saisit trois tonnes d’or, et gèle les opérations de Loulo-Gounkoto. Une décision ferme, qui fait vaciller les marchés et agite les ambassades. Au Mali, désormais, on ne négocie plus avec un révolver fiscal sur la tempe.

D’autres, comme Resolute Mining, ont compris la nouvelle donne. Un accord à 160 millions USD, une négociation discrète, une sortie honorable. Deux stratégies, deux résultats : la confrontation pour les uns, la coopération pour les autres.

Goulamina : le lithium malien entre en scène

Mais l’or n’est plus seul sur l’échiquier stratégique. En décembre 2024, la mine de lithium de Goulamina est lancée, opérée par les Chinois de Ganfeng, avec une participation malienne de 30 %. Là encore, le contrat est clair : la transformation commence sur le sol malien, et les retombées (emplois, sous-traitance, fiscalité) sont garanties. Le Mali s’impose comme futur leader du lithium ouest-africain, alors que le monde entier cherche du minerai pour ses batteries.

SOREM et la raffinerie : les outils d’un Mali maître de son destin

Au cœur de ce repositionnement stratégique, la création de SOREM — bras public d’exploration et d’exploitation — et surtout, le projet de raffinerie d’or avec la Russie. 200 tonnes de capacité annuelle, 62 % de capital détenu par l’État, et le lancement des travaux de construction prévu ce 16 juin 2025 par le président Assimi Goïta. Ce geste, au-delà du symbolique, est l’acte fondateur d’un Mali qui ne veut plus exporter son or brut, mais le transformer, le certifier, et en maîtriser la chaîne de valeur.

Le choix de Moscou comme partenaire n’est pas neutre. Il s’inscrit dans une redéfinition des alliances, post-françafrique, post-MINUSMA. Le Mali trace sa voie, assume ses choix, et cherche désormais l’efficacité dans le respect de ses intérêts fondamentaux.

Une souveraineté minière à consolider

Mais la souveraineté ne s’exerce pas qu’avec les multinationales. Sur les sites d’orpaillage artisanal, où travaillent des milliers de Maliens, la Transition a lancé une série de réformes : sécurité des sites, encadrement environnemental, et création de cinq fonds spécialisés. Une réponse urgente à une série de drames humains — comme les effondrements meurtriers de Koulikoro et Kayes — et à un enjeu écologique majeur.

Ce que vit aujourd’hui le Mali n’est pas une crise minière. C’est un rééquilibrage historique. Un acte de souveraineté économique dans un secteur longtemps dominé par des logiques extraterritoriales. Certes, les tensions sont réelles. Certes, la production vacille. Mais l’État assume, reprend la main, renégocie, et s’investit. Entre pragmatisme et fermeté, la Transition trace sa ligne : celle d’un pays qui veut cesser d’être un gisement sous contrôle étranger, pour devenir une nation pleinement maîtresse de ses richesses.

Le pari est ambitieux. Mais dans ce moment de bascule où l’Afrique réinvente son rôle dans l’économie mondiale, le Mali joue une carte que d’autres n’ont jamais osé poser sur la table.

Chiencoro Diarra 


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