À l’issue d’un sommet extraordinaire sur la crise malienne, le lundi 27 juillet 2020, les chefs d’État de la CEDEAO ont formulé six (6) propositions pour une sortie rapide de crise au Mali. La mise en œuvre de certaines de ces offres sera une aventure de combattants pour le pouvoir en place.
Depuis le décret de la cour constitutionnelle sur les élections législatives de mars et avril 2020, le Mali ne connaît plus d’accalmie. Les résultats de ce scrutin ont été contestés par certains candidats qui ont crié à la spoliation de leur voix. Ces candidats ont mis en place le Collectif des députés spoliés par la cour constitutionnelle en vue de réclamer leur voix.
Cette crise postélectorale s’est greffée à d’autres tensions latentes liées notamment à la recrudescence de la crise sécuritaire, sanitaire, à la mal gouvernance, etc. De ces circonstances troubles, où la majeure partie des citoyens aspirent au changement, naît le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Un mouvement hétéroclite composé de partis politiques, de la société civile, de syndicats, etc., qui demande la démission du chef d’État Ibrahim Boubacar Keïta et de son régime.
Après une première manifestation de ce mouvement le 5 juin 2020, une délégation de médiation de la CEDEAO a été reçue au Mali. Celle-ci a fait des propositions, parmi lesquelles l’organisation et la tenue d’élections législatives partielles, qui n’ont pas été partagées par le M5. Une deuxième manifestation a alors eu lieu pour les mêmes motifs.
Après deux manifestations, ce mouvement finit par déclencher une désobéissance civile à l’occasion de leur troisième sortie le 10 juillet 2020, après avoir soumis un Mémorandum au chef de l’État, le 7 juillet. Le président de la République, lors de sa rencontre avec le mouvement contestateur, le 8 juillet, pour discuter du contenu de son mémorandum, a envoyé la commission stratégique du mouvement à sa majorité. Ce qui a été vu par celle-ci comme une forme de manque de respect à leur égard. Dès lors, la crise a changé de caractère. De pacifique, elle vire rapidement en violence. Des dégâts matériels, des morts ainsi que des blessés ont été enregistrés dans le cadre de ce mouvement de désobéissance civile.
Le 9 juillet 2020, le président Ibrahim Boubacar Kéita, s’adresse à la nation pour réitérer sa main tendue et appeler au dialogue pour la résolution de la crise. À cette occasion, il fait plusieurs propositions dont le remembrement de la Cour constitutionnel et le réexamen des résultats des législatives. Cet appel n’ayant pas d’échos auprès de ses adversaires politiques, il fait une autre sortie télévisée le 11 juillet 2020 lors de laquelle il dissout la Cour constitutionnelle. Mais que de vains efforts ! La désobéissance civile a suivi son cours.
Du coup, une deuxième mission de médiation de la CEDEAO, conduite par l’ancien président du Nigeria, Goodlock Jonathan, a été envoyée. Les recommandations faites également par cette mission ont été rejetées parce que le mouvement ne veut plus rien entendre d’autre que la démission du chef d’État.
Après le départ de cette mission, une délégation de chef d’État de la CEDEAO, composée du président nigérian, ivoirien, burkinabè, sénégalais, Ghanéen et Nigérien s’est rendu au Mali pour la médiation le 23 juillet. C’est à cette occasion que l’imam Mahmoud Dicko, la caution morale du M5 classé parmi les 100 personnalités africaines les plus influentes par Jeune Afrique, a haussé le ton : « Il est hors de question que nous continuons à être dirigés par ceux qui ont tiré à balles réelles sur la population ». Aujourd’hui, le Mouvement contestateur fait des morts enregistrés son arme de guerre. Il s’est radicalisé.
Les 15 chefs d’État de la CEDEAO ont tenu ce lundi 27 juillet 2020 un sommet extraordinaire par visioconférence sur cette crise malienne. À l’issue de cette rencontre virtuelle, ils ont convenu de la mise en œuvre rapide de six (6) propositions, au plus tard le 31 juillet 2020. La démission immédiate des députés contestés y compris le président du parlement, la recomposition rapide de la cour constitutionnelle, la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, l’ouverture d’une enquête sur les violences récentes au Mali, mise en place d’un comité de suivi des recommandations, mise en place d’un régime de sanction contre ceux qui s’opposeront au processus de stabilisation au Mali.
La mise en œuvre de ces recommandations des chefs d’État sera un travail très dur. D’ores et déjà, il y a des députés qui montrent leurs muscles. Il sera difficile d’obtenir la démission de ces 31 députés contestés, notamment du président du parlement qui est de la majorité présidentielle.
Outre cela, d’ores et déjà le M5 a rejeté ces propositions. Le mouvement contestateur ne demande que le départ du chef d’État et son régime. Pour sa part, le pouvoir n’a pas attendu longtemps pour commencer la mise en œuvre des recommandations des chefs d’État de la CEDEAO. Depuis le lundi 27 juillet 2020, un gouvernement de six (6) membres, plus le PM, a été mis en place. Une équipe qui devra travailler à la mise en place du gouvernement d’union nationale.
Ces solutions importées réussiront difficilement à résoudre cette crise sociopolitique. La solution ultime viendra de l’interne. Elle passera par l’organisation et la tenue d’une Assise nationale au cours de laquelle tous les Maliens viendront exprimer les maux qui les minent au quotidien. Mais faudrait-il faire remarquer qu’il sera difficile pour le régime en place de réussir cette tâche. Car l’opposition le tient coupable des violences ayant conduit à des morts d’hommes.
Nous disons que ces « solutions fortes » de la CEDEAO engagent la majorité présidentielle dans une mission impossible.
Togola
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