À Bamako, la jeunesse prend son destin en main. Face au chômage et à la précarité, de nombreux jeunes se tournent vers l’entrepreneuriat pour créer, innover et subvenir à leurs besoins. Entre recyclage, services numériques, mode ou petite restauration, ils participent à transformer la capitale malienne. Dans le formel comme dans l’informel, ces acteurs du quotidien redonnent vie à l’économie locale et redéfinissent la place de la jeunesse dans la construction du Mali urbain de demain.
À Bamako, les signes de dynamisme ne manquent pas. Des petites entreprises poussent dans presque tous les quartiers. Derrière ces initiatives, des jeunes comme Fatoumata Traoré, diplômée en gestion, qui a lancé un atelier de recyclage de plastiques à Magnambougou. Son projet attire l’attention de plusieurs associations locales, mais le financement reste son principal obstacle. « Je voulais transformer les déchets en objets utiles, mais aussi créer de l’emploi pour les jeunes filles du quartier », confie-t-elle, le regard déterminé.
Dans un autre coin de la ville, Ibrahim Diarra, informaticien de formation, a créé une start-up spécialisée dans les services numériques pour artisans. Son application relie peintres, maçons et plombiers à des clients. « Notre objectif, c’est de donner de la visibilité à ceux qui travaillent dans l’ombre », explique-t-il ajoutant que ces initiatives, bien qu’encore fragiles, traduisent une volonté de changement et une conscience citoyenne nouvelle chez la jeunesse bamakoise.
Entre innovation et débrouillardise
Pour beaucoup de jeunes, entreprendre n’est pas un choix, mais une nécessité. Le chômage, surtout chez les diplômés, pousse à inventer de nouvelles formes d’activité. C’est le cas de Boubacar Sangaré, vendeur ambulant devenu créateur de mode avec un parcours qui illustre cette génération qui transforme l’informel en tremplin vers le formel. « Au départ, je vendais des t-shirts dans la rue. Aujourd’hui, j’ai un atelier et j’emploie trois jeunes », dit-il avec fierté.
Mais l’innovation n’est pas toujours synonyme de réussite. Beaucoup d’initiatives prometteuses meurent faute d’accompagnement. Des jeunes artisans, restaurateurs ou réparateurs de téléphones travaillent dur mais manquent de formation en gestion ou en marketing. « On se débrouille comme on peut, mais sans soutien, c’est difficile d’aller loin », regrette Awa Dembélé, vendeuse de jus naturels à Lafiabougou qui témoigne que l’énergie entrepreneuriale de Bamako se heurte encore à un manque de structures d’appui efficaces. Malgré tout, la jeunesse doit se montrer coopérative en soutenant les autorités de leur pays : « Nous montrons chaque jour à l’ennemi que nous sommes prêts, que nous sommes déterminés et que nous ne reculerons pas. L’avenir de notre pays dépend de notre persévérance. », a déclaré le président du Conseil national de la jeunesse (CNJ), Sory Ibrahim Cissé, le 16 octobre 2025, à l’issue d’une audience que leur avait accordé le président de la transition, le général d’armée Assimi Goïta.
L’informel, moteur invisible de la ville
Dans les marchés, les garages, les kiosques et les ateliers, des milliers de jeunes bâtissent l’économie informelle. Cette force discrète fait vivre des familles entières, mais reste largement négligée. À Banconi, Yacouba Coulibaly, réparateur de motos, emploie deux apprentis. « Je n’ai pas fait de grandes études, mais j’ai appris à réparer avec passion. Si j’avais un petit crédit, je pourrais agrandir mon atelier », explique-t-il.
Ces jeunes, souvent sans statut légal, peinent à obtenir un prêt ou à ouvrir un compte bancaire. Pourtant, ils participent activement à la vitalité urbaine. Le défi reste de leur offrir un cadre qui favorise leur épanouissement. Certains programmes publics tentent d’apporter des solutions, mais les démarches administratives et le manque d’informations freinent encore beaucoup d’entre eux.
Des initiatives publiques et privées en soutien
Conscientes du potentiel de la jeunesse, plusieurs institutions et ONG accompagnent désormais l’entrepreneuriat. Le Fonds d’Appui à la Création d’Entreprises par les Jeunes (FACEJ), soutenu par la Banque mondiale et par des partenaires internationaux, offre des formations en leadership et en gestion financière, ainsi que des financements pour les projets portés par des jeunes de 18 à 35 ans. Grâce à ce dispositif, plusieurs jeunes à Bamako ont pu formaliser leurs activités et générer des emplois locaux.
Les autorités de la Transition encouragent également la création d’entreprises locales à travers des programmes comme le Fonds d’Appui à l’Insertion des Jeunes (FAIJ) et le partenariat ANPE–CAECE Jigiseme, lancé en 2025 pour accompagner et financer mille porteurs de projets à travers le pays. Mais sur le terrain, les bénéficiaires dénoncent parfois la lenteur des procédures administratives et le manque d’informations. Pour Fatoumata Traoré, citée plus haut, « les programmes existent, mais il faut les rendre plus accessibles à ceux qui n’ont pas de relations ».
Une jeunesse actrice du changement
De la rive droite à la rive gauche du fleuve Niger, Bamako bouillonne d’idées et d’initiatives. Ces jeunes qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale ne cherchent pas seulement à s’enrichir. Ils veulent transformer leur environnement. « Nous sommes la génération qui doit prouver que tout n’est pas perdu », affirme Ibrahim Diarra.
Malgré les obstacles, la jeunesse bamakoise fait preuve d’un courage exemplaire. Elle construit, innove et inspire. Ses succès, petits ou grands, redessinent peu à peu le visage du Mali urbain. Et même dans l’informel, là où l’État est souvent absent, s’écrit silencieusement une nouvelle histoire économique et sociale du pays. Selon le président du CNJ, Sory Ibrahim Cissé, « La jeunesse malienne doit jouer pleinement son rôle » dans l’accompagnement des idéaux du Mali Kura, pour un Mali uni, souverain, prospère et respecté sur la scène internationale.
Ibrahim Kalifa Djitteye
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