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Rapports 2023-2024: quand le Médiateur met le doigt sur les plaies de la gouvernance malienne

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Entre chiffres bruts et constats sans concession, la remise des rapports 2023 et 2024 du Médiateur de la République a révélé, le 22 août au palais de Koulouba, l’état réel des relations entre administration et administrés au Mali. Une photographie parfois sévère, mais que le président Assimi Goïta a accueillie comme un signe de vitalité démocratique et de confiance retrouvée.

À Bamako, la solennité du geste comptait autant que le fond. Le 22 août 2025, dans la salle des banquets de Koulouba, le président de la Transition, le général d’armée Assimi Goïta, a reçu des mains d’Aminata Mallé Sanogo, Médiateur de la République, les rapports d’activités 2023 et 2024. Derrière les chiffres, les interpellations et les recommandations, c’est tout un état de la relation entre l’administration et l’administré qui s’est donné à lire. Un miroir souvent impitoyable, mais salutaire pour une République en quête de refondation.

Les rapports comprennent chacun quatre parties : la première traite des « réclamations formulées par les citoyens contre les dysfonctionnements de l’administration, du traitement y afférant, du nombre d’usagers accueillis ainsi que des interpellations retenues lors de la 27e session de l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID) ». La deuxième partie fait référence aux « autres activités du Médiateur de la République ». Quant à la troisième partie, elle est consacrée au « renforcement des capacités des collaborateurs du Médiateur », et enfin la quatrième porte sur « les commentaires et recommandations » formulés par l’institution.

Une institution au travail

Les rapports, volumineux et minutieux, rappellent d’abord une évidence : le Médiateur de la République est aujourd’hui une instance saisie par les Maliens comme jamais auparavant. En 2023, 6 074 usagers avaient sollicité l’institution. En 2024, ils furent près du double : 11 693. Preuve que le recours gagne en crédibilité, jusque dans la diaspora dont les interpellations explosent. Les sujets de friction ? Toujours les mêmes, ou presque : litiges fonciers à répétition, lenteurs judiciaires, protection sociale défaillante, exécution laborieuse des marchés publics.

Au-delà des réclamations, l’Espace d’interpellation démocratique (EID) a pris des allures de baromètre national. Avec 599 dossiers enregistrés en 2023 et 554 en 2024, il illustre cette volonté grandissante des citoyens de faire entendre leur voix. « Un recours pour le citoyen, un conseil pour l’administration », a-t-on rappelé au cours de cette cérémonie.

Les constats et les remèdes

Madame le Médiateur ne s’est pas contentée d’aligner des statistiques. Elle a classé les dysfonctionnements en trois catégories simples, mais éloquentes : le service qui a mal fonctionné, le service en retard et le service qui n’a pas fonctionné. À l’appui, une litanie de cas : absence de réponse, refus de communication de documents, motivation absente des décisions défavorables. Un diagnostic sans fard, assorti de recommandations précises, de la régularisation foncière au paiement plus diligent de la dette intérieure, en passant par la protection sociale des travailleurs non immatriculés.

Sur le foncier, éternel point noir, les préconisations sont claires : respect des textes, vérification préalable de la disponibilité des terres, prospections plus sérieuses avant tout recasement. S’agissant des conflits de chefferie, elle exhorte au respect des modes de désignation coutumiers et à l’application rigoureuse des décisions de justice. En ce qui concerne l’orpaillage, dont la nocivité sociale et écologique ne cesse de croître, elle appelle à un encadrement renouvelé et à un dialogue permanent entre communautés, collectivités et administration.

La réponse présidentielle

Face à ce bilan parfois sévère, Assimi Goïta n’a pas esquivé. Bien au contraire. Le chef de l’État a salué la progression des saisines, « signe d’un intérêt croissant des citoyens » et preuve, selon lui, que le contrat de confiance entre gouvernants et gouvernés gagne du terrain. Louant le rôle des femmes et l’engagement de la diaspora, il a instruit au gouvernement de poursuivre sa collaboration avec le Médiateur de la République dans l’intérêt supérieur de la nation.  

« Transformer les grands défis en opportunités au sein de nos administrations » : telle est la ligne présidentielle, répétée devant un auditoire où se trouvaient Premier ministre, membres du gouvernement et Conseil national de Transition. En filigrane, une conviction : la médiation institutionnelle est un pilier de la refondation, une voie pacifiée entre citoyens et État, fidèle aux valeurs maliennes de dialogue et de recherche du consensus.

Une République en apprentissage

Au-delà de la cérémonie, l’essentiel était ailleurs. Dans cette scène symbolique d’un État qui accepte de se regarder dans un miroir tendu par l’une de ses propres institutions. Ce n’est pas rien, dans un Mali en quête de refondation et de restauration de l’autorité publique.

Le Médiateur de la République, garant de l’équilibre entre droits collectifs et droits individuels, s’impose désormais comme un acteur central du contrat social. Sa progression, dans l’ombre mais avec constance, traduit une évidence : l’État malien apprend à se corriger par lui-même.

Selon le Médiateur de la République, ces rapports « reflètent notre engagement pour la transparence, la justice et l’équité dans l’administration publique ». Ils constituent une « compilation des activités menées à l’interne et à l’international par le Médiateur de la République au cours des deux dernières années ».

Chiencoro Diarra 


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