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Partis politiques au Mali : l’heure du grand ménage a-t-elle sonné ?

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La classe politique malienne se trouve à un tournant décisif. Dans un effort de rationalisation et de moralisation de la vie publique, les partis réunis au sein du Forum des Partis et Mouvements politiques (FPMP) et de l’Initiative des Partis politiques pour la Charte (IPAC), ont présenté au gouvernement un document de propositions pour la relecture de la Charte des partis politiques. Réduction de leur nombre, lutte contre le nomadisme politique et encadrement du financement public figurent parmi les mesures phares, dans un contexte où la défiance des citoyens envers les formations politiques ne cesse de croître.

Avec plus de 200 partis politiques, le Mali souffre d’une fragmentation excessive qui nuit à la clarté du jeu démocratique. Le gouvernement de transition, à travers le ministère chargé des réformes politiques, a donc sollicité les formations politiques pour proposer des solutions de rationalisation. Les réponses n’ont pas tardé.

Vers une restructuration radicale du multipartisme

Dans un document commun, les signataires prônent une réduction du nombre de partis par des mesures incitatives, la fin du nomadisme politique — pratique qui permet à un élu de changer de camp en cours de mandat — et l’interdiction des alliances entre l’opposition et la majorité. « Un parti d’opposition ne peut en aucun cas s’allier avec un parti de la majorité », stipule clairement le texte.

Loin d’être un simple toilettage administratif, cette réforme ambitionne aussi de mettre un terme à certaines pratiques dénoncées de longue date. Parmi elles, la corruption électorale, jugée endémique, et l’achat de conscience lors des scrutins. « Ces dérives constituent des freins à l’expression d’une véritable démocratie », clament les signataires, qui réclament un contrôle strict du financement public des partis par la Cour des comptes.

Autre mesure phare : l’institutionnalisation du statut du Chef de file de l’opposition, qui bénéficierait désormais d’un cadre légal renforcé et de certains avantages administratifs, comme l’attribution d’un passeport de service à condition que son parti dispose d’au moins 400 élus municipaux ou 5 députés.

Une classe politique sous pression

Cette volonté de réforme intervient dans un contexte où les partis politiques sont de plus en plus contestés. Accusés d’être déconnectés des réalités populaires, d’incarner un système de clientélisme et de se livrer à des querelles intestines, les formations politiques peinent à regagner la confiance des citoyens.

Les derniers scrutins ont été marqués par des taux de participation historiquement bas, et la population exprime une indifférence croissante vis-à-vis du jeu politique. Les partis politiques sont perçus comme des instruments au service des élites plutôt que des espaces d’expression du peuple, note un observateur.

Malgré les déclarations d’intention, plusieurs formations restent réticentes à ces réformes. Deux grands partis — la CODEM et le RPM — n’ont pas signé le document final. Pourquoi ? Certains y voient une manœuvre d’éviction des partis traditionnels, d’autres dénoncent une tentative de musellement sous couvert de rationalisation.

En coulisses, les débats sont vifs. Faut-il aller vers un bipartisme imposé ? Qui sera arbitre des nouvelles règles du jeu ? Quel sera l’avenir des petits partis ? Autant de questions qui agitent la classe politique.

L’État arbitre, mais jusqu’où ?

Si le gouvernement se félicite de l’esprit de concertation, la tentation d’un encadrement plus strict du champ politique est bien réelle. L’État veut désormais un suivi renforcé des partis, notamment via un contrôle rigoureux de leurs finances et une présence administrative aux assemblées générales constitutives des nouvelles formations.

À terme, une nouvelle question pourrait émerger : la relecture de la Charte des partis politiques vise-t-elle à renforcer la démocratie ou à mieux contrôler le pluralisme ?

Derrière la réforme se cache un autre enjeu : celui du rapport entre les forces politiques et le pouvoir en place. Entre volonté de refondation et velléités de contrôle, le Mali cherche encore son équilibre démocratique.

A.D


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