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Mali, Niger, Burkina : le départ qui divise la CEDEAO 

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Le retrait annoncé du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO en janvier 2025 divise l’organisation régionale entre acceptation résignée et appel à un délai supplémentaire. Cela illustre les tensions géopolitiques en Afrique de l’Ouest.

Le 24 janvier 2025 pourrait marquer une étape décisive dans l’histoire politique et économique de l’Afrique de l’Ouest. Les trois nations dirigées par des régimes militaires — le Niger, le Burkina Faso et le Mali — s’apprêtent à formaliser leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Une décision qui ne cesse de polariser les débats au sein de cette organisation régionale. Entre pragmatisme politique et préoccupations stratégiques, deux camps distincts se dessinent, illustrant les tensions et les enjeux d’un retrait sans précédent.

Une fracture politique au sein de la CEDEAO

D’après nos informations, deux tendances opposées animent les discussions au sein de la CEDEAO. D’un côté, des États membres plaident pour « prendre acte » du départ des trois pays et acter ainsi une rupture jugée inéluctable. Leur position repose sur l’idée que les régimes militaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso ont clairement exprimé leur rejet des principes fondamentaux de l’organisation, notamment en ce qui concerne la gouvernance démocratique. Pour ces pays, il serait vain de prolonger un dialogue désormais stérile, et mieux vaut se concentrer sur la stabilisation du reste de l’espace CEDEAO.

D’un autre côté, une seconde faction défend l’idée d’un délai supplémentaire. Ces États, probablement préoccupés par les répercussions géopolitiques et économiques de ce retrait, estiment que des discussions prolongées pourraient éviter une escalade des tensions. Ils craignent également que ce départ ne renforce davantage l’influence d’acteurs extérieurs tels que la Russie, via le groupe Wagner, ou d’autres puissances non africaines, au détriment de l’unité régionale.

Des enjeux multiples

Le retrait officiel des trois pays dirigés par des juntes militaires, qui ont formé l’Alliance des États du Sahel (AES), en septembre 2023, ne se limite pas à une simple réorganisation institutionnelle. Il cristallise des enjeux complexes qui transcendent les frontières de ces États et de la CEDEAO.

Pour le Niger, le Burkina Faso et le Mali, leur départ de la CEDEAO est présenté comme une affirmation de souveraineté face à une organisation perçue comme alignée sur des agendas occidentaux. Depuis le coup d’État au Niger en juillet 2023, la tension entre ces pays et la CEDEAO, notamment sous l’égide du Nigeria, n’a cessé de croître. Les sanctions économiques et les menaces d’intervention militaire n’ont fait qu’exacerber ce fossé.

Le retrait officiel des trois pays pourrait avoir des conséquences économiques importantes. Ensemble, le Niger, le Burkina Faso et le Mali représentent une part non négligeable de la population et des ressources de l’Afrique de l’Ouest. Leur exclusion pourrait nuire aux échanges commerciaux et à la coordination régionale en matière de développement. Par ailleurs, l’AES pourrait chercher à nouer de nouvelles alliances économiques, remettant en question le monopole d’influence de la CEDEAO dans la région.

Un retrait réussi des trois pays pourrait inspirer d’autres nations de la sous-région en proie à des tensions internes, notamment des États confrontés à des défis similaires de gouvernance ou d’insécurité. Cela poserait un risque réel pour l’intégrité et la crédibilité de la CEDEAO en tant qu’organisation.

Les dilemmes pour la CEDEAO

Pour la CEDEAO, la gestion de ce retrait est un exercice d’équilibriste. D’un côté, accepter trop facilement le départ de ces trois États pourrait être perçu comme un aveu d’impuissance. D’un autre, prolonger indéfiniment les discussions pourrait accroître les frustrations et consolider l’alliance entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali.

La position des poids lourds de l’organisation, tels que le Nigeria et le Ghana, sera déterminante. Ces deux pays, historiquement moteurs de la CEDEAO, devront choisir entre une approche ferme, mais risquée, et une stratégie conciliatrice qui pourrait être interprétée comme un recul.

Quelle issue pour l’Afrique de l’Ouest ?

La situation actuelle illustre les défis auxquels sont confrontées les organisations régionales en Afrique. Alors que la CEDEAO tente de défendre des principes démocratiques, elle est confrontée à la réalité d’une région où l’instabilité et l’insécurité remettent en question les modèles traditionnels de gouvernance.

Face à la polarisation des positions, le risque est de voir s’éroder davantage l’unité régionale. L’AES, en tant que nouvelle entité politique, pourrait devenir un acteur de poids, redéfinissant les équilibres géopolitiques dans cette région en pleine effervescence.

La décision finale de la CEDEAO sur le retrait du Niger, du Burkina Faso et du Mali, qu’elle prenne acte ou demande un délai, sera cruciale pour l’avenir de l’organisation. Elle marquera soit un renouveau, soit un affaiblissement de son rôle en tant que pilier de l’intégration régionale. Pour les trois pays de l’AES, ce retrait symbolise une rupture avec un modèle jugé obsolète, mais il les engage aussi dans une voie incertaine, où ils devront prouver leur capacité à bâtir une alternative viable.

Alassane Diarra 


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