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Mali : l’AGRV dresse le bilan d’une année de réparations pour les victimes des crises

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C’est dans un Mali encore meurtri, mais résolument tourné vers la reconstruction, que le Général Ismaël Wagué a présidé, ce 9 juillet 2025, la session de présentation du rapport d’étapes de l’Autorité de Gestion des Réparations en faveur des Victimes (AGRV). À l’ordre du jour : dresser le bilan d’une année de travail méticuleux, entre cicatrices visibles et douleurs enfouies. Une entreprise mémorielle autant que logistique. Une mission politique autant qu’humaine.

L’image, presque silencieuse, a de quoi frapper. Dans une salle feutrée du ministère de la Réconciliation, le Colonel Malado Amadou Keïta, secrétaire exécutif adjoint de l’AGRV, déroule des chiffres. Non pas des bilans comptables classiques. Non. Ici, chaque unité statistique est un cri, un deuil, une perte. 30 235 dépositions recueillies, couvrant toutes les crises maliennes — de l’indépendance aux tumultes récents. Parmi elles, 1 953 dossiers déjà évalués : des femmes violées, des orphelins sans repères, des veuves aux noms effacés des registres officiels.

Une réparation comme devoir d’État

Créée pour solder la dette morale de la République envers ses citoyens brisés, l’AGRV ne répare pas seulement les corps ou les biens, elle répare un pacte social fracturé. La République a trop longtemps détourné le regard de ses propres tragédies. Aujourd’hui, elle tente, dans un élan tardif mais sincère, de faire justice.

Au cœur du rapport présenté : cinq volets d’action. De l’encadrement administratif à la collecte de données, de la formation des agents à la mise en place d’outils numériques, chaque étape traduit un basculement de la parole vers l’action. Même le vocabulaire trahit une rigueur nouvelle : « formulaires de réparation », « manuels de procédure », « base de données MVP », comme si l’État cherchait enfin à institutionnaliser l’impenser.

Entre bureaucratie et mémoire collective

Mais la route est longue et semée d’embûches. L’AGRV le reconnaît elle-même. Comment prouver un préjudice quand les faits remontent à avant 1960 ? Comment trier entre douleur légitime et manipulation stratégique ? Comment gérer les cas où les victimes ont déjà intenté une action civile ?

Autant de failles qui risquent de transformer l’ambition réparatrice en un labyrinthe technocratique. Et pourtant, il y a urgence à transformer les promesses en actions concrètes, notamment pour le premier lot de réparations attendu d’ici fin 2025. Car derrière les lignes froides du rapport, ce sont des vies entières suspendues à une décision administrative.

L’humain au centre, malgré tout

Ce qui frappe dans cette présentation, au-delà des chiffres, c’est la volonté de centrer l’action sur les plus vulnérables : enfants nés de viols, personnes handicapées, femmes endeuillées, orphelins sans attaches… Tous ceux que l’histoire a malmenés et que la société a parfois oubliés. La réparation, ici, se veut holistique : individuelle, collective, psychologique, symbolique.

Le Plan stratégique de communication 2024–2027, la création d’une charte graphique, le futur site web : autant de signes que l’AGRV ne veut pas seulement traiter des dossiers, elle veut aussi raconter une histoire. Celle d’un État qui apprend à demander pardon.

L’AGRV, un pavé dans la mare de l’oubli

Le Colonel Keïta et ses équipes insistent sur la nécessité d’une coordination étroite avec l’ensemble des acteurs institutionnels et communautaires. Car réparer, c’est aussi reconstruire une confiance collective, brisée par les décennies de conflits. Le ministre Ismaël Wagué ne s’y est pas trompé en saluant, avec une sobriété toute militaire, « la rapidité et la rigueur du travail accompli », tout en appelant à ne pas relâcher les efforts.

À l’heure où tant d’autorités se contentent de commémorer, le Mali tente ici de réparer. Réparer avec des lois, des actes, et surtout avec des visages. Il ne s’agit plus de faire du passé table rase, mais de le comptabiliser, de l’honorer, et d’en tirer un horizon.

En 2025, c’est peut-être là que réside l’acte politique le plus fort : reconnaître que les victimes ne sont pas des statistiques, mais des citoyens à part entière.

A.D


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