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Maïga, le franc-parler malien qui secoue les Nations Unies

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À la tribune de l’ONU, ce vendredi 26 septembre 2025, le Premier ministre malien Abdoulaye Maïga a livré un discours sans filtre, entre appel à la réforme du multilatéralisme et dénonciation frontale de l’ingérence étrangère. À travers lui, le Mali – et plus largement la Confédération des États du Sahel (AES) – assume son tournant souverainiste, son panafricanisme combatif et son ambition d’émergence. L’ère des silences prudents est révolue : place à la parole libre.

New York, le 26 septembre 2025 – Il est monté à la tribune de l’ONU comme on monte au front, le verbe martial, le regard fixe, et l’histoire en bandoulière. Le Général de Division Abdoulaye Maïga, Premier ministre malien et visage politique du nouveau triptyque sahélien, a livré à la 80e Assemblée générale des Nations Unies une adresse aussi tranchante qu’assumée, où la diplomatie classique s’est effacée au profit d’une franchise peu coutumière sous les lambris new-yorkais.

Depuis la création de la Confédération des États du Sahel (AES), en juillet 2024 – cette alliance à trois têtes entre Bamako, Ouagadougou et Niamey – les chefs militaires sahéliens ne cessent de marteler une volonté nouvelle : rompre avec les modèles imposés, et reprendre en main leur destin collectif. Ce 26 septembre, leur chef de file, Abdoulaye Maïga, n’a pas varié.

Un ton souverain, un message sans détour. Dès les premiers mots, les codes diplomatiques sont respectés, les formules convenues alignées. Mais très vite, le ton change. Le Mali, et avec lui l’AES, ne demande plus, il affirme. Il ne quémande pas, il interpelle. Et surtout, il ne se justifie plus. « Nous ne serons pas des spectateurs », prévient le Premier ministre. « Pour chaque balle tirée contre nous, nous réagirons par réciprocité. Pour chaque mot employé de travers, nous réagirons par réciprocité. »

Le décor est planté.

L’ONU face à ses incohérences

Pour Bamako et ses alliés du Sahel, la communauté internationale – et singulièrement l’ONU – souffre de cécité sélective. Comment, s’interroge Maïga, expliquer le silence assourdissant qui entoure le soutien supposé de puissances occidentales aux groupes terroristes opérant au Sahel ? Pourquoi la requête malienne de 2022 contre la France devant le Conseil de sécurité n’a-t-elle pas été suivie d’effet, alors que des « preuves irréfragables » étaient prêtes à être déposées ?

Le message est clair : le multilatéralisme est en crise, et l’Afrique, ou du moins une partie d’elle, n’est plus disposée à attendre passivement que les règles du jeu changent d’elles-mêmes.

L’AES, entre résilience et ambition

Mais au-delà de la dénonciation, un projet se dessine. Avec ses 75 millions d’habitants, un territoire vaste comme cinq fois la France, une jeunesse abondante, des ressources minières inestimables et une diaspora dynamique, l’AES se veut une puissance régionale montante, enracinée dans le panafricanisme. Pour asseoir cette ambition, une Banque Confédérale d’Investissement et de Développement a vu le jour. Et les projets structurants se multiplient : énergie, infrastructures, industrialisation…

Le ton est volontairement optimiste, presque conquérant. « Nous avons choisi la voie de l’audace et de la souveraineté », martèle Maïga. Une phrase qui résume à elle seule l’ADN du nouveau pouvoir malien.

Une sortie de la CPI, et un tacle cinglant à Alger

S’il fallait une preuve supplémentaire du virage assumé par le Mali, elle est venue le 22 septembre 2025 avec la sortie de la Confédération AES du Statut de Rome, marquant la fin de leur appartenance à la Cour pénale internationale. Un acte politique fort, interprété à Bamako comme un rejet du « deux poids, deux mesures » de la justice internationale.

Le passage le plus polémique du discours reste cependant celui réservé à l’Algérie. La destruction d’un drone malien par l’armée algérienne a déclenché une salve verbale d’une rare virulence. Le Premier ministre a qualifié les autorités d’Alger de « junte », moquant au passage leur « mensonge diplomatique » et les pointant du doigt d’être devenues un « exportateur de terroristes ». Rarement, sinon jamais, une telle attaque n’avait été lancée contre un voisin maghrébin à la tribune de l’ONU.

L’AES n’est pas seule… mais exige le respect

Sur le fond, le Mali ne tourne pas le dos au monde. Il tend la main – mais à ses conditions. Partenariat, oui. Coopération, bien sûr. Mais dans le respect des choix politiques souverains, et sur une base de gagnant-gagnant. L’Occident paternaliste, c’est terminé. Place à la diplomatie d’égal à égal.

L’appel final est limpide : il ne s’agit pas de quémander de l’aide, mais de réclamer la reconnaissance d’un combat légitime. « Le peuple de l’AES est agressé », dit Maïga. Il demande que cela soit dit, reconnu, défendu. Il demande à l’ONU de ne pas devenir « le bras passif de l’injustice mondiale ».

Le verdict de l’histoire

Ce discours, certains le jugeront bravache, voire provocateur. D’autres y verront l’expression d’une Afrique décomplexée, qui a rompu avec ses complexes postcoloniaux. Une Afrique qui ne craint plus de nommer ses adversaires, ni de contester les postures d’un ordre international à géométrie variable.

L’histoire, conclut Maïga, « jugera ceux qui ont armé les forces du mal », « ceux qui ont détourné le regard », et « ceux qui ont oublié que la justice est la seule voie vers la paix durable ».

L’homme a quitté la tribune comme il y était monté : debout, digne, les poings serrés.

Cheincoro Diarra 


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