Longtemps passé sous silence, l’influent iman Mahmoud Dicko était invité hier à prendre la parole lors du lancement de la 22e édition du forum de Bamako. Se disant un peu sceptique au regard de la situation, mais très optimiste par nature, il a tenu à nouveau son habituel réquisitoire. Cette fois-ci, contre les autorités actuelles du Mali et la communauté internationale.
Habillé en boubou blanc brodé, portant un turban blanc, assis sur un fauteuil devant une table couverte d’un drap blanc, avec une bouteille d’eau et un bouquet de fleurs pour le décor, auprès de trois autres personnalités en face de l’audience, son bâton de marche dans la main gauche, masque anti-Covid-19 de couleur blanche descendu au menton, micro à la main droite, l’imam Mahmoud Dicko accepte de prendre la parole lors de la cérémonie d’ouverture de l’édition 2022 du forum de Bamako — se tenant du 26 au 28 mai courant — après plusieurs mois de silence.
Dans sa courte intervention, l’ancien président du Haut conseil islamique du Mali estime que « nous sommes aujourd’hui à une époque où tout ce qu’on a pensé, comme institutions et doctrines [socialisme, capitalisme, libéralisme…], pour améliorer la vie humaine sur terre est en train de montrer ses limites ».
Ce qui lui fait dire que « nous sommes face à une impasse totale dans ce monde d’aujourd’hui , si nous pensons que nous pouvons penser [toujours] des choses autonomes ». C’est pour cela, ajoute-t-il, « les gens sont en train de faire un retour vers les religions ». Pas seulement que musulmane ou chrétienne, précise-t-il, mais toutes les religions de façon générale — au sens générique. Il exhorte ainsi les intellectuels africains — à prendre au sens universitaire et de la recherche — à « encore penser » davantage, notamment l’Afrique face au nouvel ordre mondial annoncé par « les éminents ».
Peuple malien menacé dans son existence ?
En se référent au thème de cette édition du forum de Bamako — « Femmes, Paix, Sécurité et Développement » —, il s’interroge : « De quelle paix parle-t-on ? Quelle sécurité ? Quel développement ? ». Ce qui l’amène à s’exprimer sur la situation qui prévaut au Mali, avec risque comme il a laissé entendre lui-même de façon ironique et un peu comique. En s’affichant en défenseur du mieux-être de la population, l’ancienne « autorité morale » du M5-RFP reproche à Bamako d’être « arrogant » et la communauté internationale d’être « orgueilleuse ».
« Pendant que le peuple malien pris en otage par des gouvernements arrogants, je dis bien arrogants, la communauté internationale, par leur orgueil, pense que le peuple doit rester dans cette situation à mourir à petits feux : assailli par la famine, l’insécurité et le djihadisme qu’on n’arrive pas à contrôler », dénonce-t-il dans une atmosphère détendue comme il sait le faire.
L’influent iman de Badalabougou affirme ainsi ne pas comprendre « l’attitude de la communauté internationale dans leur orgueil » pour, même s’il le faut nécessairement, exiger coûte que coûte des élections. Or, « le peuple malien est menacé aujourd’hui dans son existence ». Aussi, poursuit-il, « le peuple malien est trimbalé aujourd’hui entre les gens qui veulent une transition indéfinie [Bamako et ses soutiens] et [ceux] qui ont des principes [la communauté internationale, Cédéao et l’Occident — en l’occurrence] ».
Dans son réquisitoire, il pointe aussi du doigt la « classe politique moribonde » et la Société civile pour avoir « cessé d’exister ». Qui ne bougent pas, dit-il. Seuls les leaders religieux, surtout ceux dans l’arène politique malienne, critiqués par certains, ont été épargnés dans son intervention critique d’une durée d’environ trois minutes.
Sagaïdou Bilal
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