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Madagascar : le pouvoir se dit “debout”, mais chancelle sur ses appuis

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À Antananarivo, le pouvoir malgache tente de reprendre la main après une journée de confusion et de rumeurs. Pendant que des militaires mutins proclament la “prise du pouvoir”, la présidence assure que tout va bien. L’orchestre continue de jouer, même si le bateau tangue.

Ce samedi 11 octobre 2025, Madagascar a connu l’un de ces jours où l’histoire hésite entre tragédie et comédie politique. En fin de matinée, des soldats du CAPSAT — le Corps d’administration des personnels et services de l’armée de terre —, déjà entrés dans la légende pour leurs mutineries passées, annoncent qu’ils “prennent leurs responsabilités” et déclarent le pouvoir “dissous”. Dans la foulée, ils instaurent un couvre-feu et appellent la population à “rester chez elle”, ce qui, à Antananarivo, signifie généralement descendre dans la rue.

Quelques heures plus tard, alors que la place du 13-Mai, symbole historique des révoltes malgaches, est envahie par une foule euphorique scandant la fin du régime, la présidence de la République sort enfin de son silence. Le message ? Non, le président Andry Rajoelina n’a pas fui. Oui, il est “au pays”. Et mieux encore : il “coordonne les affaires nationales” aux côtés de son Premier ministre, le général Fortunat Ruphin Zafisambo. Un communiqué à la tonalité plus rassurante que crédible, dans un pays où les démentis officiels précèdent souvent les ruptures de régime.

Un Premier ministre en funambule

Apparu à la télévision nationale, le général Zafisambo — raide comme un porte-drapeau — s’est voulu rassembleur : “Le pouvoir en place se tient debout et est prêt à écouter toutes les factions, qu’il s’agisse des jeunes, des syndicats ou des militaires.”

Un ton mesuré, presque apaisé, loin du lexique martial habituel. Comme s’il voulait convaincre que l’on peut encore dialoguer quand les fusils parlent. Le Premier ministre a même rappelé qu’une concertation nationale, sous l’égide du Conseil œcuménique des Églises chrétiennes (FFKM), est “en cours de préparation”. Une manière de dire que la religion, une fois de plus, sert de planche de salut politique à un État dévissé.

Signe de lucidité ou aveu d’impuissance, Zafisambo a lancé un appel à ne pas “laisser les forces armées s’entretuer”. Une phrase lourde de sens, car elle trahit ce que tout le monde sait : le pouvoir ne contrôle plus totalement ses propres troupes.

Une présidence sur le fil

Rajoelina, l’homme de 2009 qui s’était hissé au pouvoir en renversant Marc Ravalomanana avec l’appui de ce même CAPSAT, est désormais rattrapé par sa propre histoire. Ironie du sort : ceux qui l’avaient jadis propulsé pourraient bien aujourd’hui le renverser.

Derrière le vernis des communiqués et les discours d’apaisement, la réalité malgache demeure brutale : une armée fracturée, une population épuisée, un président contesté, et une économie asphyxiée. Le tout sur fond de colère sociale nourrie par la pauvreté et les coupures d’électricité, dans un pays où les illusions de stabilité ne durent jamais plus qu’un cycle électoral.

Pour l’heure, Antananarivo retient son souffle. Le pouvoir dit qu’il “se tient debout”, mais à Madagascar, on sait depuis longtemps que la verticalité politique est un sport de déséquilibriste.

Entre démentis officiels et rumeurs virales, le flou règne, et c’est peut-être cela, le vrai pouvoir du moment : la confusion. Car à Madagascar, comme souvent, les crises politiques ne s’achèvent pas — elles changent simplement d’acteurs.

Chiencoro Diarra


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