Selon le rapport sur la dette internationale 2024, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), font face à un endettement croissant. Avec des dettes extérieures représentant respectivement 104 %, 455 % et 172 % de leurs exportations, ces pays sont confrontés à des contraintes économiques majeures, mettant en péril leurs capacités à répondre aux défis socio-économiques et sécuritaires.
Alors que les économies du Sahel cherchent à se stabiliser, le rapport sur la dette internationale de 2024 révèle une pression croissante sur les finances publiques des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) : le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ces trois nations, qui luttent simultanément contre l’insécurité, la pauvreté et l’instabilité politique, voient leur endettement devenir une contrainte majeure pour leur développement.
Un niveau d’endettement alarmant
Le Mali affiche une dette extérieure totale de 6,457 milliards de dollars en 2023, représentant 104 % des exportations et 32 % du revenu national brut (RNB). Cette dette est principalement constituée de prêts à long terme, dont 75 % sont accordés par des créanciers multilatéraux, notamment la Banque mondiale qui détient 36 % de la dette publique garantie. Le service de la dette, incluant le remboursement du capital et les intérêts, représente 6 % des recettes d’exportation, ce qui met une pression modérée sur les finances publiques.
Avec une dette extérieure de 5,613 milliards de dollars, le Niger voit sa dette représenter une charge massive de 455 % des exportations et 35 % de son RNB. Ce chiffre illustre une dépendance préoccupante à l’égard des emprunts, principalement pour financer des projets d’infrastructure et répondre aux défis socio-économiques. Les créanciers multilatéraux, comme la Banque mondiale et la Banque de développement de l’Afrique de l’Ouest, détiennent ensemble 84 % de la dette publique.
Le Burkina Faso est le pays le plus endetté des trois, avec une dette extérieure atteignant 10,397 milliards de dollars, soit 172 % des exportations et 53 % du RNB. La majorité de cette dette est également contractée auprès de créanciers multilatéraux, représentant 89 % du total, tandis que les créanciers bilatéraux comme la Chine et la France jouent un rôle secondaire. Le service de la dette absorbe 14 % des recettes d’exportation, soulignant une contrainte significative sur les finances du pays.
Défis et implications
Ces chiffres révèlent la vulnérabilité des trois pays face aux défis de l’endettement. Le recours croissant aux financements multilatéraux, bien qu’indispensable, limite leur marge de manœuvre économique, car une partie importante des recettes nationales est allouée au service de la dette.
Selon le rapport, l’endettement des pays à faible revenu a atteint des sommets, avec une augmentation globale de 4,8 % pour atteindre un record de 1 100 milliards de dollars en 2023. Parmi eux, les États du Sahel sont particulièrement vulnérables. Le Mali, par exemple, présente un ratio dette/PIB qui dépasse désormais les 40 %, un seuil critique selon les standards internationaux. Cette tendance est similaire au Burkina Faso et au Niger, où les obligations financières « réduisent considérablement les marges de manœuvre budgétaires nécessaires aux investissements sociaux ».
Le rapport souligne également que le service de la dette, incluant capital et intérêts, représente une part croissante des budgets nationaux. En moyenne, ces paiements absorbent 6 % des recettes d’exportation des pays éligibles à l’IDA, un niveau jamais vu depuis 1999. Cette situation détourne des ressources cruciales des secteurs clés tels que l’éducation et la santé. « Les États du Sahel consacrent une part disproportionnée de leurs revenus à honorer leurs dettes, au détriment des priorités de développement » indique le rapport.
Le rôle des créanciers multilatéraux et la dépendance croissante
Face à la réticence des créanciers privés, les institutions multilatérales comme la Banque mondiale et le FMI jouent un rôle croissant en tant que « filets de sécurité ». En 2023, ces institutions représentaient 39 % de la dette totale des pays IDA éligibles. Cependant, cette dépendance accrue s’accompagne de nouvelles contraintes, notamment des réformes économiques parfois impopulaires. « Les prêts concessionnels, bien que nécessaires, placent les pays sous une pression accrue pour respecter les conditions des créanciers multilatéraux », avertit le rapport.
Malgré les initiatives de transparence comme la Table ronde sur la dette souveraine, peu de progrès ont été réalisés en matière de restructuration. Les pays de l’AES, confrontés à des crises multiples, doivent gérer un dilemme : restructurer leur dette pour alléger le fardeau à court terme ou risquer une perte de crédibilité sur les marchés internationaux.
Une voie à tracer pour l’avenir
L’endettement des pays de l’AES reflète une problématique globale : comment concilier besoins urgents de financement et viabilité à long terme ? Le rapport appelle à des solutions innovantes, comme des swaps dette-climat ou des financements liés aux résultats, pour permettre à ces pays de respirer économiquement tout en poursuivant leur développement.
Dans un contexte de crise multidimensionnelle, les pays de l’AES devront adopter une gestion prudente de leur dette, tout en plaidant pour des partenariats équitables et durables. Seule une approche intégrée pourra leur permettre de relever les défis économiques et sociaux qui les attendent.
Oumarou Fomba
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