Comme à l’accoutumée, le chef d’État malien, Ibrahim Boubacar Kéita s’est soumis à l’exercice traditionnel de vœux à la nation, à l’aube de la nouvelle année 2020. C’était le mardi 31 décembre 2019. Tous les problèmes jugés urgents ont été ébauchés. La lutte contre le réchauffement climatique semble néanmoins être le grand absent du discours.
« […] La paix est la première des infrastructures, celle qui conditionne toutes les autres ». Ce passage de l’adresse d’IBK à la nation malienne, le mardi dernier, montre à suffisance que tous les efforts des autorités maliennes semblent orientés essentiellement vers la lutte contre le terrorisme afin que le Mali redevienne un havre de paix et de stabilité.
Réchauffement climatique, l’ennemi de la paix
Dans son discours, le locataire de Koulouba semble abordé tous les problèmes jugés essentiels : la pauvreté et la précarité, le chômage, la problématique d’accès à l’eau potable, à l’électricité, à la santé, à l’éducation, etc.
Le plus surprenant est que, sauf erreur de ma part, nulle part dans le discours présidentiel il n’est fait mention du réchauffement climatique. Il est généralement admis que l’on omet ce dont on accorde peu d’importance. Si cela est vrai, alors je ne ferai pas de doute que l’omission de cette problématique du changement climatique, par le chef d’État malien dans son discours, soit la preuve du peu d’importance qu’il accorde à ce phénomène.
Pourtant, plusieurs études ont montré le lien inextricable entre le changement climatique et les conflits dans le Sahel, notamment au Mali. Dans la Note d’analyse du Comité d’organisation du Dialogue national inclusif, publiée en novembre 2019, ce lien est bien souligné : « Les agriculteurs ont tendance à développer leurs activités dans les zones initialement consacrées à la divagation du bétail. Ensuite, les tensions entre éleveurs et agriculteurs se multiplient et tendent à se transformer, au fil du temps, en oppositions communautaires. »
Je me demande bien comment les autorités maliennes comptent gagner leurs combats contre les problèmes qu’elles jugent plus urgents sans gagner, au préalable, la bataille contre le changement climatique, qui constitue le phénomène aggravant de la plupart des autres crises que traverse le pays. Certes, les mauvaises conditions de vie des populations les précipitent entre les mains des groupes terroristes, mais les deux combats restent liés les uns aux autres. Le réchauffement climatique constitue d’ailleurs à mes yeux la première des infrastructures, celle qui conditionne toutes les autres, pour paraphraser le chef de l’État dans son adresse à la nation.
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Panique pour 2020
La minimisation du réchauffement climatique dans les crises que traverse le Mali donne réellement à craindre pour l’année qui commence. Cette négligence dans le discours marquant le passage au Nouvel An, montre le peu de valeurs accordées à la question environnementale au Mali de la part de l’institution suprême de la République ainsi que de toutes les autres autorités.
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La citoyenneté environnementale en crise
Bien vrai qu’il existe un tel désintérêt vis-à-vis de ce problème, il n’y a pas lieu d’en vouloir aux autorités maliennes. Comme sont le monde intelligible et le monde sensible du philosophe antique Platon, les dirigeants ne sont que l’image de leurs citoyens. Si nos autorités se montrent peu préoccupées par la crise environnementale, c’est parce que les citoyens se sont comportés de la même manière.
Durant toute l’année 2019, nous avons rarement vu des rassemblements gigantesques pour réclamer plus d’actions pour la protection de l’environnement. Pourquoi ? Parce que la plupart des citoyens ne font pas de ce problème une urgence de l’heure ou font de ce drame un problème appartenant uniquement aux grandes puissances, ignorant ainsi volontairement que des pays moins développés, comme le nôtre, ont aussi leur part de responsabilité dans le réchauffement de notre planète.
Faire valoir la citoyenneté environnementale
Cette année, il faudrait qu’une véritable citoyenneté environnementale gagne le cœur des citoyens afin qu’ils mettent plus de pressions sur les décideurs. Cela, afin qu’il y ait plus d’engagements en faveur de ce phénomène qui ronge de plus en plus le monde. Au Mali comme dans les autres pays du Sahel, sans un engagement véritable des citoyens, faisant de ce phénomène un problème de survie comme tant d’autres, les autorités ne s’y impliqueront pas comme il le faut.
Aujourd’hui, la victoire contre le réchauffement climatique marquera la fin de maintes crises qui menacent l’existence de nos territoires. Donc, il faut s’y engager davantage afin qu’au 31 décembre 2020, l’environnement ne soit pas de nouveau le grand oublié.
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