Les récentes transitions militaires au Mali, au Burkina Faso, et au Niger ont bouleversé la gouvernance en Afrique de l’Ouest, posant des défis majeurs pour la stabilité régionale. Alors que ces régimes promettent des réformes, ils suscitent également des inquiétudes sur l’avenir de la démocratie et le risque de dérives autoritaires.
Les transitions militaires sont devenues un phénomène de plus en plus fréquent en Afrique de l’Ouest, notamment au Mali, au Burkina Faso, et plus récemment au Niger. Ces coups d’État, souvent justifiés par les auteurs comme des réponses aux défaillances des gouvernements civils en matière de sécurité, de corruption, et de mauvaise gouvernance, ont profondément bouleversé la scène politique et sociale de la région. Alors que certains voient en ces transitions une opportunité de restructurer des États fragilisés, d’autres s’inquiètent des implications pour la démocratie et la stabilité à long terme.
Trois coups d’Etat successifs
Au Mali, le premier des trois pays à connaître un coup d’État en août 2020, le régime militaire s’est installé dans un contexte de crise sécuritaire aggravée par la montée en puissance des groupes jihadistes. Le renversement du gouvernement civil a été suivi d’une période de transition marquée par la mise en place d’un gouvernement de transition dirigé par des militaires. Cette situation a profondément affecté la gouvernance, avec une concentration du pouvoir entre les mains des forces armées et un affaiblissement des institutions démocratiques.
Au Burkina Faso, la situation est similaire. En janvier 2022, un coup d’État a renversé le régime de Roch Marc Christian Kaboré, également sous la pression des défis sécuritaires croissants. Comme au Mali, les militaires ont pris le pouvoir en promettant de rétablir la sécurité et de renforcer la gouvernance. Cependant, la transition a été marquée par des défis importants, notamment en ce qui concerne la gestion des alliances internationales et le rétablissement de l’ordre public dans les régions les plus touchées par l’insécurité.
Le Niger a rejoint cette dynamique en juillet 2023, avec un coup d’État militaire qui a renversé le président Mohamed Bazoum. Le Niger, considéré jusqu’alors comme un bastion de stabilité relative dans une région troublée, a basculé dans l’incertitude. Les militaires, à l’instar de leurs homologues au Mali et au Burkina Faso, ont justifié leur prise de pouvoir par la nécessité de mettre fin à la corruption et de restaurer l’autorité de l’État face aux menaces sécuritaires. Cette transition, bien que récente, suscite déjà de vives préoccupations quant à son impact sur la gouvernance et la stabilité régionale.
Défis des transitions au Sahel
Ces transitions militaires, bien que différentes dans leurs contextes nationaux, partagent plusieurs caractéristiques communes. D’une part, elles mettent en lumière les limites des gouvernements civils à faire face aux défis de l’insécurité, de la mauvaise gouvernance, et de la corruption. D’autre part, elles soulèvent des questions cruciales sur l’avenir de la démocratie en Afrique de l’Ouest, et sur la capacité des régimes militaires à véritablement restructurer les États en crise.
Si les militaires au pouvoir dans ces pays ont souvent promis des réformes en profondeur et un retour à la stabilité, la réalité est plus nuancée. La concentration du pouvoir entre les mains des militaires, l’érosion des libertés civiles, et la répression des voix dissidentes sont autant de signes que ces transitions peuvent conduire à des régimes plus autoritaires. Par ailleurs, la gestion des relations internationales, en particulier avec les anciens partenaires occidentaux et les nouvelles alliances avec la Russie, est un autre facteur de déstabilisation potentielle.
La stabilité régionale est également en jeu. L’Afrique de l’Ouest est déjà confrontée à de multiples défis, allant de l’insécurité croissante due aux groupes armés à la crise économique. Les transitions militaires ajoutent une couche supplémentaire de complexité à une région déjà fragile, où les institutions régionales comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tentent de trouver un équilibre entre respect de la démocratie et maintien de la stabilité.
Les transitions militaires au Mali, au Burkina Faso, et au Niger sont des événements significatifs qui redéfinit la gouvernance en Afrique de l’Ouest. Si elles offrent des opportunités de restructuration des États en crise, elles comportent également des risques considérables pour la démocratie et la stabilité à long terme de la région. Le défi pour ces pays sera de naviguer ces transitions de manière à restaurer la confiance des populations tout en évitant les dérives autoritaires.
Oumarou Fomba
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