La montée des fake news menace la qualité du débat public et la confiance envers les institutions. En Afrique de l’Ouest, les journalistes luttent pour vérifier les informations dans un contexte de crises politiques, sécuritaires, et économiques.
Les débats et les sociétés démocratiques reposent sur un fondement essentiel : des individus bien informés. Cependant, on assiste actuellement à une montée en puissance de la diffusion de fausses informations ou d’informations trompeuses. Souvent, ces campagnes délibérées de désinformation sont menées par des acteurs nationaux ou étrangers, ce qui sème la confusion, exacerbe la polarisation, fausse le débat public et aggrave la perte de confiance envers les pouvoirs publics. C’est ce que souligne l’OCDE dans son rapport « Les faits sans le faux : contre la désinformation, renforcer l’intégrité de l’information », publié en 2024.
Les vérificateurs, des relais de fausses informations
En Afrique de l’Ouest, notamment au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Guinée et au Sénégal, la lutte contre les fake news est devenue une véritable aventure de combattants. Ces pays, majoritairement traversés par des crises multiformes, sont inondés d’informations à vérifier, rendant la guerre de l’information omniprésente. Les journalistes, les fact-checkeurs et les enquêteurs doivent souvent recourir à des institutions qui, elles-mêmes, sont au cœur de cette bataille communicationnelle. Cela rappelle la problématique décrite par Myret Zaki dans son ouvrage « La Désinformation économique : Repérer les stratégies marketing qui enjolivent les chiffres officiels ».
Les rapports, études scientifiques, communiqués de presse et autres documents officiels, censés refléter la vérité, sont souvent biaisés par les intérêts des dirigeants en place. Cette situation évoque le concept du « Viol des foules » de Serge Tchakhotine, ainsi que la « fabrication du consentement » selon Noam Chomsky et Edward Herman : « […] Les médias jouent le rôle de serviteurs et de propagandistes des puissants groupes qui les contrôlent et les financent. »
Il est crucial de développer un esprit critique face à l’information et de ne pas accepter aveuglément tout ce qui est diffusé. Cependant, les débunkers se retrouvent souvent sur un terrain incertain lorsque les sources officielles manipulent les informations à leur avantage. Dans des pays où la liberté de la presse et d’expression est restreinte, il est difficile de pratiquer un journalisme de qualité et de fournir au public des informations fiables. Par conséquent, les vérificateurs peuvent devenir, sans le vouloir, des relais de fausses informations. Dans les pays du sahel ou chacun acteur en conflit communique en rejetant la faute sur l’autre, difficile pour un fact-checkeur ou simplement un journaliste de diffuser des informations sans tomber dans le piège de la désinformation.
Des sources officielles peu fiables
En plus de ces défis, les contraintes imposées à la presse et la restriction de leur champ d’action créent une véritable pénurie au sein des rédactions. Cette situation pousse de nombreux organes de presse à vendre leurs colonnes au plus offrant, aggravant la circulation des fausses informations et violant le droit des citoyens à l’information. Comme le souligne Marie-Soleil Frère dans son ouvrage « Journalisme d’Afrique » : « Pour comprendre les discours des médias, il importe d’élargir l’observation au-delà des productions journalistiques pour envisager le système médiatique dans son ensemble avec les acteurs politiques, mais aussi sociaux et économiques. »
En Afrique de l’Ouest, la situation est particulièrement complexe. Les dirigeants au pouvoir dans plusieurs de ces pays exercent un contrôle strict sur l’information, limitant la liberté de la presse et d’expression. Les journalistes et fact-checkeurs doivent naviguer dans un environnement hostile, où les sources officielles peuvent être peu fiables et où la transparence est souvent absente. Cette dynamique crée un terrain fertile pour la propagation de la désinformation, rendant la tâche des débunkers encore plus ardue.
La crise économique qui frappe de nombreuses rédactions aggrave cette situation. Les moyens financiers limités contraignent les organes de presse à réduire leurs effectifs, ce qui limite leur capacité à mener des enquêtes approfondies et à vérifier les informations de manière rigoureuse. De plus, la nécessité de générer des revenus pousse certaines publications à privilégier des contenus sensationnalistes ou à céder à la pression de groupes puissants, compromettant ainsi leur indépendance éditoriale.
Garantir l’intégrité de l’information
Dans ce contexte, il est essentiel de renforcer les capacités des journalistes et des fact-checkeurs à identifier et à contrer la désinformation. Cela passe par la formation continue, l’accès à des outils de vérification performants et la collaboration avec des réseaux internationaux de fact-checking. Par ailleurs, le soutien des organisations non gouvernementales et des institutions internationales est crucial pour promouvoir la liberté de la presse et protéger les journalistes contre les représailles.
L’éducation des citoyens joue également un rôle clé dans la lutte contre les fake news. Il est important de sensibiliser le public aux dangers de la désinformation et de l’inciter à adopter une attitude critique vis-à-vis des informations qu’il reçoit. Les campagnes de sensibilisation, les programmes éducatifs et les initiatives de médias alternatifs peuvent contribuer à renforcer la résilience de la société face à la manipulation de l’information.
La lutte contre la désinformation et les fake news est un défi majeur pour les sociétés démocratiques, particulièrement en Afrique de l’Ouest. Elle nécessite une approche globale, impliquant la coopération des médias, des journalistes, des institutions politiques et des citoyens. Seule une action concertée et déterminée permettra de garantir l’intégrité de l’information et de préserver la confiance du public dans les institutions démocratiques.
Oumarou Fomba
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