Au Mali, une enquête de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI) révèle des anomalies financières alarmantes dans l’allocation de 196 milliards FCFA aux établissements privés d’enseignement. La gestion opaque des fonds publics soulève des préoccupations quant à la croissance exponentielle des écoles privées et appelle à des réformes urgentes pour garantir la transparence et l’efficacité dans le secteur éducatif.
Éduquer n’est pas seulement transmettre des connaissances, mais aussi garantir une gestion transparente des ressources dédiées à cette mission cruciale. L’étude de l’OCLEI révèle les dessous financiers de l’éducation au Mali, suscitant des inquiétudes quant à l’allocation de 196 milliards FCFA aux établissements privés. Une sonnette d’alarme pour repenser la gouvernance éducative.
Dans une période s’étendant de 2017-2018 à 2020-2021, l’État du Mali a alloué une somme colossale de 196,095 milliards FCFA aux établissements secondaires privés d’enseignement secondaire général, professionnel et technique.
Montants astronomiques et incohérences financières
Les paiements effectués par l’État aux établissements privés ont dépassé de manière significative les estimations de la Cellule de planification et de statistique (CPS). L’écart entre les chiffres fournis par la direction générale du budget (DGB) et la CPS s’élève à 26,288 milliards FCFA, soulevant des questions cruciales qui nécessitent des explications des autorités compétentes.
Selon l’OCLEI, avec la somme versée sur cette période, l’État aurait pu construire et équiper annuellement 80 nouveaux lycées publics, incluant toutes les dépenses, y compris les frais de personnel. Cette constatation soulève des préoccupations quant à la pertinence et à l’efficacité de l’allocation des ressources dans le domaine éducatif.
Croissance exponentielle des établissements privés
L’étude de l’OCLEI a également révélé une croissance vertigineuse du nombre d’établissements secondaires privés, passant de 1 147 en 2016 à 2 421 en 2021, soit une augmentation de 111% en seulement cinq ans. Comparativement, le nombre d’établissements secondaires publics se situe à seulement 111 sur l’ensemble du territoire national.
Cette croissance rapide soulève des inquiétudes quant à la qualité et à la légitimité de ces établissements privés, d’autant plus que l’OCLEI a identifié 1 077 écoles secondaires privées fonctionnant présumément grâce à des arrêtés d’autorisation d’ouverture falsifiés.
Fonds publics mal alloués et anomalies administratives
Une analyse plus approfondie révèle que plus de 15,565 milliards FCFA ont été versés à 1 077 écoles fonctionnant avec des arrêtés d’ouverture présumés faux, entre 2017 et 2021. Ces écoles ont, selon l’OCLEI, reçu ces subventions indûment, mettant en lumière des anomalies administratives alarmantes.
De plus, l’absence de données sur les paiements effectués de 2014 à 2017 soulève des interrogations sur la transparence et la traçabilité des fonds alloués au secteur éducatif au cours de ces années.
Recommandations pour une réforme urgente
Face à ces constatations préoccupantes, l’OCLEI émet des recommandations claires aux autorités maliennes. Celles-ci incluent un appel à un contrôle administratif systématique des actes de création et d’ouverture des établissements privés, la mise en place d’une carte scolaire, le respect strict des dispositions règlementaires en matière d’orientation des élèves, et la fermeture de tous les établissements privés ne respectant pas rigoureusement les conditions d’exercice.
De plus, l’OCLEI recommande la récupération des sommes indûment perçues et la poursuite judiciaire des responsables impliqués dans la production et l’utilisation des arrêtés présumés faux.
Cette enquête souligne l’urgence d’une réforme profonde pour garantir une gestion transparente et efficace des ressources publiques allouées à l’éducation au Mali. La mise en œuvre de ces recommandations est cruciale pour préserver l’intégrité du système éducatif et assurer un avenir prometteur aux générations futures.
Ce rapport a été diffusé un jour après la reprise des cours dans ces établissements privés, suite à une période de trois semaines de grèves visant à obtenir le versement complet des subventions pour l’année scolaire 2022-2023.
Bakary Fomba
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