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Écocide  :  Quand le terrorisme assassine aussi la nature

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Longtemps perçu comme une menace politique, économique et sécuritaire, le terrorisme s’impose aujourd’hui comme un fléau environnemental. Du Sahel à la Mésopotamie, les groupes armés transforment la nature en champ de bataille, sabotent les infrastructures énergétiques, contaminent les rivières et brûlent les forêts et les hydrocarbures. L’écoterrorisme est devenue la nouvelle arme du chaos. Il tue en silence, dans l’indifférence des défenseurs de l’environnement.

Au Mali, le désert brûle sous les flammes d’une guerre invisible. Plusieurs camions-citernes ont été détruits en 2025 par les groupes armés terroristes, appuyé des partisans du chaos contrôlé. Ces groupes tentent depuis un certain moment d’imposer un blocus économique sur le pays. Ces attaques constituent non seulement une tragédie économique, mais aussi et surtout écologique, dont on parle rarement lors des grands sommets mondiaux sur le climat. 

Les nappes phréatiques polluées, les sols saturés de carburant et l’air chargé de suie composent le paysage d’un désastre silencieux. Le terrorisme n’y cherche plus seulement la peur, il cherche la ruine durable. Chaque explosion devient une attaque contre l’avenir. Chaque incendie est assimilable à un attentat contre la vie.

Les puits de pétrole, bûchers du désespoir

À Qayyarah, en Irak, Daech a transformé les puits de pétrole en bûchers infernaux. En effet, à Mossoul et dans ses environs, il y a huit ans, la population a payé le lourd tribut laissé par l’occupation de ce groupe terroriste et sa politique de la terre brûlée. Bien que la deuxième ville d’Irak avait été reprise par l’armée, les jihadistes poursuivaient leur stratégie de destruction en incendiant les puits de pétrole alentour, libérant d’immenses colonnes de flammes et de fumée. Ces incendies provoquèrent une pollution étouffante qui affectait directement la santé des habitants. Toute chose qui entraîne notamment une recrudescence de troubles respiratoires chez les enfants.

Les enfants ont grandi sous des pluies de particules toxiques, et les bêtes sont mortes, étouffées dans la suie. Ce n’est plus la guerre, c’est un suicide planétaire. L’air, l’eau, la terre : tout devient arme et victime à la fois. Les hydrocarbures deviennent outils de punition collective, les fumées, un message : « Si nous tombons, la nature tombera avec nous. » Mais le message semble n’avoir pas encore eu d’oreilles attentives pour mieux le décortiquer. Les grandes puissances se plaisent encore dans leur analyse d’une situation révolue. La pollution de l’environnement n’est plus seulement le fait uniquement des industrielles ou des grandes puissances, mais aussi les groupes armés terroristes sont devenus des auteurs de ce phénomène sans que le monde tire la sonnette d’arme sur cette problématique. 

En Irak, le Tigre a été souillé par des fuites de pétrole provoquées par ISIS (État islamique en Irak et au Levant). Des millions de personnes privées d’eau potable. Des barrages détournés, des villages noyés, d’autres assoiffés.

Les partisans du chaos contrôlé

Dans le Sahel, la rareté de l’eau nourrit les frustrations, les complots provenant des sponsors étatiques étrangers du terrorisme, la colère, puis les enrôlements. Le lien est direct et implacable. Là où l’eau disparaît, la terreur s’installe. Le terrorisme, avec l’appui de ses sponsors, prospère sur la soif et la poussière. Selon l’ONG Solidarités International, la raréfaction de l’eau devient une urgence vitale dans les pays sahéliens, déjà fragilisés par un manque chronique d’infrastructures hydrauliques. 

Au Mali, le conflit de 2012 a provoqué la fuite des services techniques de l’État dans le Nord, entraînant la destruction ou l’abandon des ouvrages d’approvisionnement en eau. Dans plusieurs villages, cette ressource essentielle se faisait si rare qu’elle déterminait les mouvements de population : familles et éleveurs migraient vers les zones encore alimentées pour boire, se laver, cultiver ou abreuver leur bétail, explique Solidarités international. Mais sous la transition du général Assimi Goïta, la donne a changé grâce à l’occupation de toutes les régions par les Forces de sécurité du Mali et du retour de l’administration, mais aussi et surtout de l’initiative des œuvres sociales du président de la Transition. Une initiative, qui a permis depuis 2021, de donner gratuitement plus de 400 forages à toutes les régions du pays, dont des zones très reculées et oubliées jadis dans la forêt. 

Au Cameroun, la région de l’Extrême-Nord, longtemps défavorisée en services de base, subit une double peine. L’insécurité et les violences ont provoqué des déplacements massifs — près de 200 000 personnes en 2016. Ce qui a accentué la pression sur des points d’eau déjà insuffisants, selon Solidarités international. 

Les forêts en flammes, les consciences en cendres

De la Turquie à la Colombie, les pipelines explosent, les centrales s’éteignent. Le sabotage devient un langage universel. Au Yémen, les Houthis ont retenu un million et demi de barils de pétrole sur le FSO Safer, en 2023. Toute chose qui menace de provoquer la plus grande marée noire du siècle pour peser sur les négociations. L’écologie est transformée en monnaie de guerre. La nature est devenue un otage diplomatique.

En 2020, une vidéo d’ISIS appelait à incendier forêts, champs et villages. Quelques années plus tôt, Al-Qaïda prêchait déjà l’embrasement des forêts américaines. Quand la haine se fait flamme, la nature devient confessionnal du fanatisme. Même certains activistes radicaux, comme l’Earth Liberation Front, ont confondu défense de la nature et nihilisme. Entre temps, des hectares de forêts sont détruits de par le monde, d’une cause qui prétendait les sauver.

L’écoterrorisme, nouvelle frontière du chaos

Le XXIᵉ siècle ne connaîtra pas seulement les guerres de religion ou de territoire, mais celles de l’environnement. Dans le Sahel, la désertification nourrit la pauvreté, la pauvreté nourrit la colère, et la colère nourrit les complots des partisans du chaos contrôlé qui nourrissent à leur tour les terroristes. L’État se retire, la pluie se fait rare, et les prêcheurs de haine remplissent le vide. Là où le climat détruit, le terrorisme recrute et détruit par la même occasion l’environnement. C’est la boucle du désastre : climatique, social, moral.

Plus de 50 milliards de dollars pour réparer les dégâts environnementaux laissés par la guerre contre ISIS. Et pourtant, aucune somme ne peut laver une rivière morte ni purifier un air saturé de plomb. Les Nations unies calculent, les scientifiques alertent, mais les décideurs hésitent. Pendant ce temps, le Sahel s’assèche, les forêts brûlent, et les enfants respirent des nuages de cendres, dans l’indifférence des experts sur les questions environnementales. 

Le terrorisme environnemental est la version moderne du nihilisme absolu. Il ne cherche plus à conquérir, mais à détruire jusqu’à la racine. La communauté internationale doit le reconnaître comme une menace stratégique globale, au même titre que les armes biologiques ou nucléaires. Car à force d’empoisonner les sols et d’étouffer les cieux, les terroristes finiront par découvrir une vérité simple :
Quand la Terre meurt, plus rien ne règne.

Chiencoro Diarra 


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