La culture est un facteur de développement durable et d’intégration des peuples. Pour Dr Aïcha Yatabary, le Festival sur le Niger est un instrument au service de la culture et du développement au Mali, dont il faut renforcer l’impact.
Ce pays multi séculaire est riche de son histoire, mise en relief par les différents empires et royaumes qui ont construit son identité (Wagadu, Mali, royaume bambara de Ségou, empire Sonrhaï, etc.)
Ces empires et royaumes ont façonné l’histoire de bien de peuples d’Afrique de l’Ouest. De plus, la culture malienne s’exporte bien et les personnes qui l’ont portée ont déjà remporté plusieurs récompenses internationales (artistes musiciens, artisans du textile, représentants de l’art oratoire, écrivains…).
Parmi les initiatives culturelles qui comptent au Mali et qui attirent un public important et varié, on peut citer le Festival sur le Niger de Ségou, devenu en 2019 Ségou’Art-Festival sur le Niger.
C’est un festival de musique et d’art qui a lieu chaque année à Ségou, au Mali, au mois de février. Chaque année, le festival s’articule autour d’un thème qui fait l’objet d’expositions, de rencontres, de conférences. Ce festival se veut vecteur du développement économique, culturel et du rayonnement de la région.
Les idées liant l’économie à la culture remontent aux auteurs classiques tels que David Hume, Adam Smith ou même John Stuart Mill (Jones, 2006, p. 256 ; Sen, 2002, p. 1). Ceux-ci démontrent comment les aspects moraux et culturels d’une société contribuent à son essor économique.
Les liens de causalité entre culture et développement, et plus récemment entre culture et développement durable ont par la suite fait l’objet de plusieurs réflexions, dont certaines ayant trait à la manière dont les « valeurs » d’un peuple peuvent contribuer au développement économique (exemple du Japon et du confucianisme), celle dont les règles formelles et informelles qui constituent la culture ou les cultures influent les politiques et l’organisation de l’activité économique et enfin celle dont la représentation des peuples dans la sphère internationale impacte leurs relations internationales.
I/ Un instrument au service de la culture et du développement au Mali : le Festival sur le Niger de Ségou
Ce festival peut contribuer au développement durable dans la région et à l’intégration des peuples à l’échelle sous-régionale en étant un outil de :
– Soft power
— Développement durable par la préservation du fleuve Niger
— Intégration des peuples
— Coopération sous-régionale
1/ Soft power
Miser sur sa culture est un instrument de soft Power.
Tout d’abord, qu’est-ce que le soft Power qui signifie aussi puissance douce, ou influence douce ? C’est un concept apparu dans un contexte de fin de la guerre froide en 1990. Il désigne une nouvelle manière de convaincre dans les relations internationales.
Son but est de renforcer l’influence des États. Qui dit influence dit pouvoir. Le but du soft Power est également, de pousser l’Autre à adopter son système de pensée, à se comporter selon son modèle (mimétisme).
On voit donc aisément le lien entre culture et soft Power, c’est-à-dire la manière dont la culture peut permettre à un État de rehausser son prestige, de renforcer son image de marque et par ricochet de peser sur les prises de décisions au niveau international.
Par ailleurs, Bomschier (2005) se sert des données liées à la confiance (selon 1er WVS) et à la tolérance (d’après le World Competitiveness Report) pour introduire la variable culturelle dans des modèles de croissance incluant le capital physique, le travail, le capital technologique, le capital humain et le capital social (représenté par la confiance et la tolérance).
La confiance favorise les investissements étrangers et elle émane de normes morales, de valeurs sociales et d’habitudes. De plus, elle favorise la coopération avec d’autres États.
2/ Développement durable
Le développement durable ne se limite pas aux thématiques environnementales. Il englobe aussi les enjeux économiques et sociaux.
Il s’agit de faire en sorte que le développement économique soit en accord avec les enjeux sociaux (et pourquoi pas porter par ceux-ci), tout en préservant la planète. D’autant plus que les 5 P qui définissent les ODD sont : « Peuples, Prospérité, Planète, Partenariats et paisible ». Ces enjeux sont transversaux, faut-il ajouter.
C’est en ce sens qu’on dira que le Festival sur le Niger de Ségou est un acteur incontournable du développement durable dans la région à travers plusieurs axes :
– Promotion de l’économie locale, à travers le tourisme et les investissements suscités par l’évènement : la culture participe à l’élimination de la pauvreté, réduisant ainsi l’entrave que constituent certains facteurs (insalubrité, comportements à risque dans le domaine de la santé) à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable ;
– Sauvegarde du patrimoine culturel (valeur intrinsèque), contribuant ainsi à la durabilité culturelle, notion récente introduite ;
– Sauvegarde du fleuve Niger ;
– Décentralisation de la vie culturelle et augmentation de l’attractivité de la ville (avec toujours comme bénéfices l’augmentation des investissements et du tourisme dans la région) ;
– Information à travers la diffusion d’ouvrages sur les savoirs locaux, l’entrepreneuriat culturel, la gestion d’évènements culturels ;
– Promotion de la culture de la paix.
Ce festival gagnerait à renforcer sa dimension sauvegarde de la planète pour s’inscrire encore plus dans cette veine. Nous y reviendrons dans la section propositions.
Intégration des peuples
La culture est un facteur de rassemblement des peuples.
Le Festival sur le Niger a une vocation internationale puisqu’il est l’occasion des prestations d’artistes de plusieurs nationalités d’Afrique de l’Ouest, en plus d’un public nombreux et varié qui assiste aux différents évènements qu’il propose chaque année. C’est une occasion de brassage entre les peuples et de rencontres.
Faut-il rappeler que de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest se partagent le fleuve Niger (ABN) ?
Coopération sous-régionale
La coopération sud-sud, spécifiquement la coopération sous-régionale en Afrique, comporte de nombreux impacts positifs, notamment sur l’économie qu’elle contribue à renforcer. L’intégration des peuples est aussi un vecteur de cette coopération sous-régionale, la culture figurant parmi les facteurs de celle-ci, et non des moindres.
Le Festival sur le Niger participe aux échanges internationaux grâce à son forum scientifique.
II/ Propositions pour renforcer l’impact du Festival sur le développement durable et l’intégration des peuples
Les propositions que nous ferons ici concernent les questions de développement durable. Elles consistent à mettre en œuvre des actions qui visent à faire de la culture et principalement de ce festival, un acteur incontournable du développement durable dans le pays et la région.
Le Festival sur le Niger peut être une occasion de renforcer la durabilité de la ville de Ségou et de préserver le fleuve Niger dont il porte le nom et autour duquel il se déroule. Pour cela, plusieurs actions pourraient être menées :
— Limiter l’impact du festival sur le fleuve Niger en termes de pollution ;
– Faire du Festival sur le Niger de Ségou une tribune pour sensibiliser la société civile internationale, sur la nécessité de sauvegarde du fleuve Niger (notamment la préservation du fleuve de la pollution, de l’envasement et de l’ensablement) ;
– Intégrer les experts du développement durable dans la planification de l’évènement.
Le Mali dispose d’un grand potentiel culturel qui pourrait concourir davantage au développement durable et à l’intégration des peuples pour la prospérité du pays et de la région qu’est l’Afrique de l’Ouest.
Le Festival sur le fleuve Niger de Ségou, par exemple, est une initiative de grande envergure à encourager et à féliciter. Elle englobe toutes les composantes du développement durable (Paix, Partenariats, Planète, Prospérité et Peuples). Cette riche initiative gagnerait à développer sa dimension durable (en devenant un acteur de premier plan de la sauvegarde du fleuve Niger, dont elle porte le nom) et pour cela, elle doit s’appuyer davantage sur des acteurs internationaux pour un appui financier plus soutenu. De plus, la dimension technique de cette dimension durable dans l’organisation du festival gagnerait à être renforcée pour mieux atteindre les cibles circonscrites.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Bornschier, V. (2005). Culture and politics in economic development, Abingdon: Routledge, 298 p.
Jones, E. (2006). Cultures Merging: A Historical and Economie Critique of Culture,
Princeton and Oxford: Princeton University Press, 291 p.
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