Home A la Une [Chronique] Kidal, un an après – Quand l’État malien reprend son fief comme un navire retrouvé.

[Chronique] Kidal, un an après – Quand l’État malien reprend son fief comme un navire retrouvé.

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Kidal, ville perdue et retrouvée, semble se dresser, un an après sa reconquête, comme un phare de souveraineté dans les brumes du Nord malien. Le 14 novembre 2023, après des années d’ombre et d’absence de l’État, l’armée malienne hissait à nouveau son drapeau sur cette terre rebelle, défiant vents et marées d’insurrections et de séparatismes. Depuis, le Mali a ressaisi le gouvernail, redirigeant ses efforts pour stabiliser cette région aussi précieuse qu’incontrôlable, véritable carrefour stratégique entre tradition et modernité, passé et avenir.

Une terre de brasiers et de racines profondes

Kidal n’est pas seulement un point sur la carte. Pour l’État malien, c’est une terre où s’entrelacent espoirs de souveraineté et résistances farouches. Depuis des décennies, la ville de Kidal ressemble à un navire échoué aux mains de ceux qui refusent de lever l’ancre de l’indépendance. En 2013, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) avait transformé cette citadelle saharienne en bastion de ses revendications touarègues, en une enclave où l’autorité centrale n’était qu’un écho lointain.

L’État, après des années d’errance, a repris la barre. En hissant son pavillon sur le sol de Kidal, le Mali ne signe pas une simple victoire militaire. C’est un symbole, une déclaration : l’ère des déchirements et des partitions forcées est révolue. Mais les vents du nord, chargés de l’aridité des querelles anciennes, soufflent encore. Ici, chaque pierre, chaque colline est marquée par des racines profondes, et les revendications d’autonomie y sont aussi ancrées que les dunes dans le désert.

Alliances nouvelles, cap nouveau

Pour affronter les courants contraires, l’État malien a dû trouver des alliés. Si autrefois le Mali naviguait sous les voiles occidentales de la MINUSMA et de la présence française, aujourd’hui le cap est différent. Le partenariat avec la Russie, concrétisé par un groupe de formateurs, n’est pas un simple changement de pavillon. C’est un choix stratégique qui marque le désir d’un État décidé à choisir son propre cap, à manier sa propre boussole, et à défier les avis de tempête.

Grâce à cet appui, l’armée malienne s’est dotée d’outils modernes : drones, avions de combat, radars de dernière génération. Ces équipements, comme des ancres jetées dans les eaux troublées, stabilisent les opérations dans une région où chaque grain de sable peut cacher un péril. Cette reconquête de Kidal, appuyée par la Russie et d’autres partenaires comme la Turquie et la Chine ainsi les partenaires de l’Alliance des États du sahel (AES), est aussi un message : le Mali ne sera plus un bateau à la dérive, ballotté par les intérêts des puissances étrangères.

Le repli de la CMA : tempête apaisée ou nuage menaçant ?

L’entrée de l’armée dans Kidal a contraint la CMA à abandonner le terrain, annonçant une « stratégie de repli ». Mais loin d’être une reddition, ce départ est un retrait tactique, comme un bateau fantôme glissant sous la lune, prêt à revenir dès que l’orage se calmera. Le repli de la CMA est un aveu de faiblesse, certes, mais aussi une promesse voilée de tempête. Car pour ceux qui ont tenu ce fief pendant tant d’années, l’abandon de Kidal n’est qu’une étape dans une guerre qui se déplace, mais ne s’arrête jamais vraiment.

L’État malien a conscience de ce défi. Pour éviter que cette victoire ne se transforme en mirage, il doit sécuriser chaque recoin de la ville, ancrer la stabilité dans les quartiers, les ruelles, et au-delà des murs de Kidal. Cette bataille-là ne se gagne pas seulement avec des fusils et des accords, mais avec une présence réelle, humaine, qui assure aux Kidalois que l’État n’est plus un lointain vaisseau, mais bien le capitaine à bord.

L’équipage malien face à un horizon incertain

Avec Kidal sous pavillon malien, l’État doit maintenant faire preuve de détermination et de patience. Car au-delà de la mer calme des apparences, les fonds marins cachent des récifs de tensions communautaires et d’incompréhensions anciennes. La population de Kidal a longtemps été privée d’un lien solide avec l’État. Pour elle, le retour de l’autorité malienne pourrait être perçu comme une marée inconnue, pleine de promesses, mais aussi de craintes.

Cette reconquête n’aura de sens que si l’État parvient à rassurer et à intégrer les populations locales, à respecter les traditions tout en posant les bases d’un avenir commun. Pour naviguer sans heurter les récifs de l’isolement et des revendications locales, l’État devra démontrer que son retour n’est pas une invasion, mais une invitation à un destin partagé. La victoire militaire est un signal fort, mais sans une stabilité politique et sociale, Kidal restera une île de tensions au milieu du désert.

Vers un océan de paix ?

En reprenant Kidal, le Mali a hissé ses couleurs au sommet d’un bastion stratégique. Mais pour transformer ce succès en paix durable, il lui faudra aller au-delà du militaire, jeter des ponts et cultiver des liens, faire de Kidal un port sûr pour tous ceux qui en sont les âmes vivantes. Si l’État parvient à instaurer une sécurité réelle, à promouvoir le développement local et à entendre les voix des Kidalois, alors peut-être que cette conquête deviendra un symbole de paix et de prospérité.

Le Mali, comme un capitaine qui a retrouvé sa boussole, semble déterminé à garder le cap, à maintenir son fief du nord. Car au-delà de la mer des dunes et des montagnes de Kidal, c’est un avenir souverain et uni qui se dessine pour ce pays qui, après tant de tempêtes, espère enfin naviguer vers des horizons plus cléments.

Alassane Diarra


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