Pour la première fois depuis leur retrait fracassant de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Mali, le Burkina Faso et le Niger, réunis au sein de la Confédération des États du Sahel (AES), ont engagé des consultations officielles avec l’organisation sous-régionale à Bamako. Cette rencontre inédite, qualifiée de « fraternelle et responsable », marque le début d’un dialogue politique crucial visant à encadrer les relations post-retrait tout en préservant les acquis fondamentaux de l’intégration ouest-africaine.
Après une période de tensions et de sanctions, le ton apaisé de cette rencontre est particulièrement notable. Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’AES et le président de la Commission de la CEDEAO ont salué un esprit de « fraternité et de responsabilité » ayant animé ces premiers échanges directs. Ce qualificatif, loin de la rhétorique parfois virulente observée ces derniers mois, souligne une volonté mutuelle de dépasser les divergences politiques pour le bien des populations.
Le relevé des conclusions adopté par les deux parties jette les bases de pourparlers à venir sur des sujets cruciaux, non seulement politiques et diplomatiques, mais aussi économiques, juridiques et institutionnels. Au cœur de ce dialogue se trouve la recherche d’un cadre formel de coopération post-CEDEAO, qui pourrait redéfinir les rapports géopolitiques en Afrique de l’Ouest. Cette première prise de contact est donc plus qu’une simple formalité ; elle représente un pas décisif vers une nouvelle ère de coopération régionale, malgré les défis persistants.
La libre circulation, un acquis humain et économique inestimable à préserver
Malgré le retrait officiel des États de l’AES de la CEDEAO, une volonté partagée de préserver les acquis historiques de l’intégration régionale a clairement émergé des discussions. En tête de liste figure la libre circulation des personnes et des biens. Cet engagement fort vise à atténuer les impacts socio-économiques de la rupture institutionnelle, garantissant que les citoyens et les commerçants de la sous-région ne soient pas les principales victimes de cette séparation.
Dans le communiqué conjoint publié à l’issue de la réunion, les deux parties ont expressément rappelé la volonté des Chefs d’État de la sous-région de « privilégier l’intérêt supérieur des populations ouest-africaines en sauvegardant les acquis de l’intégration sous-régionale, notamment la libre circulation des personnes et des biens, jusqu’à la conclusion de nouveaux accords. » Cette position est d’une importance capitale pour des millions d’individus qui dépendent de ces facilités pour leurs activités économiques, leurs liens familiaux et leur survie quotidienne. La préservation de cet acquis symbolise la reconnaissance mutuelle de l’interdépendance des peuples au-delà des frontières institutionnelles.
La lutte contre le terrorisme, un impératif commun au-delà des divisions
Au-delà des questions de circulation et d’intégration économique, la situation sécuritaire a été une préoccupation majeure et partagée. Face à l’intensification des menaces terroristes qui ravagent la région sahélienne, la CEDEAO et la Confédération AES ont reconnu l’urgence d’un effort commun et coordonné. Les deux camps se sont dits déterminés à créer les conditions d’une coopération efficace dans ce domaine sensible.
Le communiqué conjoint a mis en lumière cette convergence d’intérêts. « Elles ont exprimé une préoccupation commune sur la situation sécuritaire et sont convenues de l’urgence de travailler à créer les conditions nécessaires à une coopération efficace dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. » Cette déclaration est lourde de sens. Elle reconnaît que la menace terroriste ne connaît pas de frontières institutionnelles et qu’une action fragmentée ne saurait être efficace. L’engagement à coopérer dans ce domaine crucial représente un signal fort pour les populations sahéliennes et ouest-africaines, confrontées quotidiennement à l’insécurité.
Les discussions devraient se poursuivre dans les semaines à venir, avec l’espoir de concrétiser un cadre formel de coopération qui, tout en respectant les nouvelles réalités politiques, permettra de maintenir les liens essentiels et de mutualiser les efforts face aux défis communs, notamment la lutte contre le terrorisme et la promotion du bien-être des populations à travers la libre circulation. Le chemin est encore long, mais Bamako a marqué le début d’un dialogue indispensable pour l’avenir de l’Afrique de l’Ouest.
Ibrahim Kalifa Djitteye