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 Bamako, la démocratie enterre l’un de ses pères

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Vendredi 15 août 2025, Bamako s’est figée. Jour de prière, mais aussi de recueillement national, pour accompagner jusqu’à sa dernière demeure l’un de ses plus solides piliers démocratiques : Tiébilé Dramé. Mort trois jours plus tôt à Paris, à 70 ans, l’ancien ministre des Affaires étrangères, exilé, prisonnier, médiateur infatigable, a eu droit à des obsèques où se sont mêlés drapeau, silence et ferveur populaire, à Magnambougou, en commune VI, du district de Bamako.

Un baobab est tombé. Ce vendredi, la capitale a vu converger politiciens de toutes obédiences, diplomates en service ou à la retraite, militants de la première heure et simples citoyens. Au centre du cortège, Tiébilé Dramé, figure cardinale de la démocratie malienne, partait pour son dernier voyage, sous les drapeaux, les salves militaires… et le regard inattendu d’Alpha Oumar Konaré, rare apparition d’un ancien chef d’État venu saluer un gendre, un compagnon de route et un symbole.  Djiguiba Keïta, compagnon de lutte des années de plomb, le surnomme « le baobab de la résistance à la dictature ». Les années de geôle sous Moussa Traoré, l’exil européen, la décennie passée à Amnesty International à Londres : autant de racines dans la terre de ses convictions.

Puis vient Chahana Takiou, journaliste et ami, qui exhorte à « poursuivre la bataille pour les libertés », rappelant que Dramé n’a jamais cessé de croire que le dialogue, même avec l’adversaire, pouvait sauver une nation.

La silhouette inattendue

De l’ex-chef de la Minusma El-Ghassim Wane, qui salue « un homme de courage et de conviction », à Oumar Mariko, leader du Sadi, évoquant « un grand républicain » respecté malgré les divergences, la pluie des témoignages balaie les clivages partisans. Ce vendredi-là, à Bamako, il n’y a plus de camps : seulement la reconnaissance d’un engagement.

Alpha Oumar Konaré et Dioncounda Traoré
Les anciens présidents Alpha Oumar Konaré et Dioncounda Traoré, aux obsèques de Tiébilé Dramé, le 15 aout 2025, à Bamako. ©Internaute.

Et puis, au premier rang, une apparition rare : Alpha Oumar Konaré. L’ancien président (1992-2002), presque effacé de la scène publique depuis plus de vingt ans, est là. Père de Kadiatou Konaré, l’épouse du défunt, il offre, par sa seule présence, un hommage familial et politique. Ce geste sobre mais lourd de symboles souligne le lien intime et historique entre les deux hommes, et ajoute à l’émotion d’une foule déjà saisie.

Un legs politique et moral

Fondateur du Républicain, créateur du Parena, ministre de la Transition en 1991-1992, négociateur dans les crises ivoirienne, nigérienne ou malienne, ministre des Affaires étrangères de 2019 à 2020 : le CV de Tiébilé Dramé est un fragment d’histoire contemporaine du Mali. Son audace, sa lucidité et sa conviction que la paix passe par la parole resteront comme un testament politique.

Ce vendredi-là, quand le cortège a gagné le cimetière de Hamdallaye pour une inhumation sobre, prières et minute de silence en tête, Bamako a su qu’elle perdait plus qu’un homme. Elle perdait un repère. Mais à travers les voix, les regards et les mains jointes, le « baobab » n’a pas quitté la forêt.

A.D


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